En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes au défi de l'unité

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En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes au défi de l'unité

Après l'entrée historique d'un des leurs à l'Assemblée nationale, les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie sont mis au défi d'aplanir leurs divergences et de s'unir, s'ils ne veulent pas gâcher l'espoir de faire avancer leur cause dans de futures négociations avec le gouvernement français.

La victoire d'Emmanuel Tjibaou, premier indépendantiste à siéger au Palais Bourbon depuis 1986 et fils du défunt leader kanak Jean-Marie Tjibaou, rebat les cartes dans un paysage indépendantiste morcelé, après presque deux mois de révolte contre un projet de réforme électorale accusé de marginaliser la population autochtone. 

Les violences qui ont émaillé le territoire du Pacifique sud, les plus graves depuis les années 1980, ont fait neuf morts, selon le dernier bilan des autorités, des dégâts matériels considérables, et conduit plusieurs militants indépendantistes derrière les barreaux. 

Mais les élections législatives ont apporté au camp kanak un peu de baume au cœur et lui ont ouvert un nouvel horizon politique. Les finalistes indépendantistes dans les deux circonscriptions ont obtenu au total 10 000 voix de plus que leurs adversaires loyalistes, sur quelque 220 000 inscrits.

Le second tour a déjà montré le début d'un chemin d'unité. Les responsables du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), des nationalistes ainsi que de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) avaient annoncé d'une même voix s'aligner derrière les candidatures d'Omayra Naisseline et Emmanuel Tjibaou, partis au premier tour sans qu'un accord ait été trouvé entre les différentes tendances.

Roch Wamytan, figure de l'Union calédonienne (UC), principale formation politique au sein du FLNKS, ne nie pas les difficultés à unir le monde indépendantiste, et concède un important « besoin de se parler ». Mais il estime auprès de l'AFP que tous les partis partagent un objectif commun : « l'accession à la pleine souveraineté ».

Ce signataire de l'accord de Nouméa en 1998 a été président du FLNKS jusqu'en 2001. Depuis, les différentes composantes du front indépendantiste, qui regroupe notamment l'UC, le Rassemblement démocratique océanien (RDO), le Parti de libération kanak (Palika) et l'Union progressiste de Mélanésie (UPM), ne sont plus jamais parvenues à élire un président.

« Il y a un couloir »

Ces difficultés puisent leurs racines dans les profondes divergences entre l'UC et le Palika, en concurrence directe lors des élections locales, et en désaccord sur la stratégie pour accéder à la pleine souveraineté, comme l'explique à l'AFP un cadre du Parti de libération kanak sous couvert d'anonymat. « Notre vision a toujours été de construire un projet d'indépendance, de convaincre les autres communautés d'y adhérer et donc de négocier », souligne-t-il.

L'UC est beaucoup moins encline à trouver des compromis. « L'indépendance pleine et entière est la prochaine étape sans condition, plus aucune concession ne doit se faire », soulignait une motion adoptée mi-juin par le congrès de la CCAT, issue de l'UC.

Selon un proche de l'Union calédonienne, la nouvelle donne politique devrait rapidement imposer le regroupement des différentes composantes indépendantistes, décidé lors d'un congrès du FLNKS en février 2023. Les atermoiements à concrétiser cette décision avaient conduit à la création de la CCAT au mois de novembre. Si cette dernière pouvait constituer un frein aux discussions au sein du front indépendantiste il y a quelques jours, l'évolution de la situation nationale et locale nivelle les oppositions.

Le prochain congrès du FLNKS, prévu le 20 juillet, devra clarifier de nombreuses questions, à commencer par la reprise des discussions sur l'avenir institutionnel. L'indépendance « en partenariat avec la France » est désormais presque considérée comme un acquis chez les indépendantistes et est même soutenue au-delà, notamment par l'Éveil océanien, qui représente la communauté originaire de Wallis-et-Futuna. Mais aussi, dans une moindre mesure, par Calédonie Ensemble, parti loyaliste modéré qui appelle à « calédoniser les compétences régaliennes ».

« Il y a un couloir pour l'indépendance en partenariat qui est en train de s'ouvrir. Le challenge qui est face à nous, c'est d'être aligné sur ce projet et de le construire », indique encore le cadre du Palika. Mais pour un proche de l'UC qui souhaite rester anonyme, « le terrain a tranché. L'unité se fera sur la base du FLNKS élargi, avec toutes les composantes, et le Palika sera obligé de monter dans le train ».