En Nouvelle-Calédonie, le 24 septembre, date symbole sous haute surveillance

©LNC / Julien Cinier

En Nouvelle-Calédonie, le 24 septembre, date symbole sous haute surveillance

Six mille membres des forces de l'ordre déployés, rassemblements et vente d'alcool à emporter toujours interdits, couvre-feu renforcé à compter de samedi : la Nouvelle-Calédonie se prépare à vivre un 24 septembre -date marquant la prise de possession de l’archipel par la France- sous haute surveillance.

Historiquement, la date correspond à la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, en 1853, au lieu-dit Balade, sur la côte est de la Grande Terre. 

Pour prévenir « tout risque de débordement », les autorités ont mis en place « un dispositif de sécurité inédit et le déploiement de 6 000 policiers, gendarmes et militaires. Soit sept fois plus que les effectifs disponibles le 13 mai lors du début des émeutes », a indiqué vendredi Théophile de Lassus, directeur de cabinet du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, lors d'une conférence de presse.

En plus des forces de l'ordre, des « colonnes de déblaiement » seront pré-positionnées pour détruire d'éventuels barrages. « Les espaces publics et les églises, touchées par des incendies volontaires ces dernières semaines feront l'objet d'une vigilance particulière », a précisé le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie.

Saint-Louis, fief indépendantiste au sud de Nouméa la capitale où deux hommes recherchés ont été tués jeudi au cours d'une opération de gendarmerie, « fera également l'objet d'une attention particulière », selon le général Matthéos. Pour autant, « rien ne permet aujourd'hui d'affirmer qu'un regain de violence va avoir lieu le 24 septembre », estime Théophile de Lassus.

« Destin commun »

Depuis le début des années 2000, la journée est fériée dans l'archipel du Pacifique sud, sans faire cependant l'unanimité. Chaque année, les partisans de l'indépendance se réunissent au « Mwa Kaa », ensemble de poteaux sculptés érigés en 2003 au centre-ville de Nouméa et qui signifie « case des hommes ».

Les non-indépendantistes se retrouvent eux à Païta, ville à 25 km plus au nord, qui célèbre le « rattachement de la Nouvelle-Calédonie à la France », tandis que le gouvernement local organise bon an mal an une « fête de la citoyenneté » mettant à l'honneur les cultures des différentes communautés (kanak, européennes, mais aussi vietnamiennes, indonésiennes, etc.) du territoire.

Jusque dans les années 1970, l'archipel célébrait uniquement « le rattachement de la Nouvelle-Calédonie à France », formule qui élude la question de la colonisation. Par opposition à ce terme, les indépendantistes ont décidé à partir de 1974 de commémorer le 24 septembre le « deuil du peuple Kanak ».

La « fête de la citoyenneté » est, elle, née en 2004 sous l'impulsion de la membre du gouvernement chargée de la Culture et autrice kanak Déwé Gorodey, avec pour ambition de rassembler toutes les communautés autour du « destin commun », promu par l'accord de Nouméa, signé en 1998.  Mais hormis une courte période de 2004 à 2011, où les célébrations rassemblaient des personnalités politiques de tous horizons autour du « Mwa Kaa », l'événement n'a jamais réussi à fédérer.

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En raison de sa charge symbolique, la date du 24 septembre a régulièrement été choisie par les indépendantistes pour marquer le chemin vers l'émancipation souhaitée. En 1980, l'Union calédonienne (UC) s'était fixé comme objectif l'accession du territoire à la pleine souveraineté à la date du 24 septembre 1982. En 1984, l'acte de naissance du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) est signé le 24 septembre. Plus récemment, l'UC a choisi le 24 septembre 2025 comme date de la future indépendance.

Cette année, aucun mouvement indépendantiste n'a appelé à manifester pour cette date anniversaire. Seuls les grands chefs coutumiers, réunis au sein de l'association Inaat ne Kanaky, se réuniront pour une « déclaration unilatérale de souveraineté sur les chefferies », un « acte symbolique et solennel », selon le président d'Inaat Ne Kanaky, Hyppolite Sinewami Htamumu, qui « permettra au peuple autochtone kanak de se détacher du système colonial ».

Un temps envisagé à Balade, sur les lieux de la prise de la possession de 1853, l'événement, qui ne fait pas consensus, y compris au sein des autorités coutumières, aura lieu sur l'île de Maré, dont Hyppolite Sinewami Htamumu est l'un des trois grands chefs.

L'archipel a connu depuis le 13 mai des violences sans précédent depuis la fin des années 1980. Elles ont fait au total 13 morts, dont deux gendarmes, des centaines de blessés et occasionné des dégâts matériels considérables. Si la tension est redescendue depuis mi-juillet, le sud de la Grande Terre (l'île principale) est toujours inaccessible par la route.

Avec AFP