Décès de Déwé Gorodey : La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et le ministre chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, rendent hommage à la « Femme libre, femme politique, femme d’écriture »

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Décès de Déwé Gorodey : La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et le ministre chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, rendent hommage à la « Femme libre, femme politique, femme d’écriture »

Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, et Jean-François Carenco, ministre chargé des Outre-mer, ont rendu hommage à la femme de lettre et figure de la lutte indépendantiste Déwé Gorodey, décédée ce dimanche des suites d’une longue maladie.

« Déwé Gorodey était de tous les combats, mais surtout de tous les engagements » a écrit la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak dans un hommage à la « femme libre, femme politique, femme d’écriture », décédée ce dimanche à l’âge de 73 ans. Pour Rima Abdul Malak, « la militante indépendantiste et la poète ont fait cause commune » pour « la défense de la culture et de l'identité kanak » et « la reconnaissance du plurilinguisme et de la diversité culturelle ».

De son côté, le ministre chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, a salué l’ « immense poétesse, romancière d’avant-garde, militante convaincue, amoureuse de sa terre calédonienne et du peuple qu’elle vit souffrir et chanter ». « Déwé Gorodey demeurera pour la culture Kanak une pionnière, une fondatrice, une sculptrice d’élégances, de liberté et de dignité », souligne le ministre. L’ancien Haut-commissaire de l’archipel, Jean-Jacques Brot, aujourd’hui préfet des Yvelines, a lui aussi salué la mémoire de la poétesse Kanak.

L’hommage de Rima Abdul Malak : 

Femme libre, femme politique, femme d’écriture, Déwé Gorodey était de tous les combats, mais surtout de tous les engagements ; aujourd’hui, elle s’est éteinte en Nouvelle-Calédonie, sa terre, mais c’est bien au-delà que sa lumière persiste, puisant dans une énergie incroyable qu’elle n’aura eu de cesse de mettre au service de la culture océanienne, mais également des femmes et de l’action publique. 

Plusieurs vies en une, mais la militante indépendantiste et la poète ont fait cause commune, car si elle a toujours enseigné, du français au collège jusqu’à la littérature à l’Université, il faut saluer la femme, parmi les premières, qui aura été élue puis membre sans discontinuer de tous les gouvernements depuis leur mise en place en 1999. L’action est vaste, multiple, mais retenons ce qui était sa bataille de cœur, la défense de la culture et de l'identité kanak - la recherche d’identité qu’elle définissait en mouvement : « le modèle, pour moi, il est devant soi, jamais en arrière. C’est une reformulation permanente ».

Si elle n’en était pas moins prévue par les accords de Matignon et Nouméa, la reconnaissance du plurilinguisme et de la diversité culturelle n’est pas toujours allée de soi et il fallait bien une œuvre littéraire, celle de la conteuse et de l’écrivain, pour accompagner les actes de sa vie publique tels la création de l’Académie des langues kanak, à laquelle elle a fortement contribué et dont elle était la présidente du Conseil d’administration, ou du Salon international du livre océanien.

Une femme-monde qui dans L’Épave, premier roman kanak publié en 2005, dira sans fard, courageusement, le désarroi des femmes abusées, brisant le silence autour des violences sexuelles. Une femme fière et généreuse à qui rendre hommage aujourd’hui est un devoir et un honneur. 

J’adresse à sa famille et à ses proches, mes plus sincères condoléances.

L’hommage de Jean-François Carenco :

Immense poétesse, romancière d’avant-garde, militante convaincue, amoureuse de sa terre calédonienne et du peuple qu’elle vit souffrir et chanter, Déwé Gorodey laisse orphelins non seulement les enfants de la culture calédonienne, mais tous les amoureux de la beauté et de la liberté.

Compagnonne des Foulards rouges, incarnation du 68 calédonien, poétesse inoubliable de Sous les cendres des conques, elle conféra avec L’Épave à la culture Kanak son premier roman et la conquête d’un imaginaire populaire qui pleure aujourd’hui une subtile délicatesse.

Poétesse, romancière, nouvelliste, militante, Déwé Gorodey demeurera pour la culture Kanak une pionnière, une fondatrice, une sculptrice d’élégances, de liberté et de dignité.

« L’air est doux /Au clair du jour / Tel l’amour / En appel / Au secours / en sa tour / prend garde » à quoi s’ajoutent plus vers plus loin « Oui /voici venu / le temps / de battre / le rappel / de mémoire. ».  

Ces vers de L’Orée du sable incarnent le défi que se lança Déwé Gorodey à elle-même de célébrer sa terre comme revanche de la tradition sur la modernité, de la dignité sur la soumission, de l’Histoire sur un âge contemporain trop instrumental. 

Pionnière de la lutte féministe, elle eut le talent rare de faire converger les luttes en écrivant dans Uté Mûrûnû : « Et si nous n’avons pas demandé à venir au monde, si nous n’avons pas choisi de naître femmes, nous n’avons qu’une vie, ici et maintenant, alors tentons au moins de la vivre au lieu de la subir ».

Par son œuvre, Déwé Gorodey aura la force de continuer à insuffler aux vivants l’énergie de la conscience, de la liberté et de la beauté, sans quoi la vie demeure trop fade. Ne pas trahir sa mémoire sera toujours, outre de ne pas trahir ses colères, de continuer à la lire et à goûter, dans les plis de l’Histoire souvent trop linéaires, le charme imprévisible de ses éclairs et de ses fulgurances.