Accueilli à Papeete, le Teriiero a Teriieroiterai « va faire une vraie différence » dans la ZEE de Polynésie

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Accueilli à Papeete, le Teriiero a Teriieroiterai « va faire une vraie différence » dans la ZEE de Polynésie

Le premier des deux « patrouilleurs outre-mer » qui doivent venir renforcer la flotte militaire en Polynésie est entré ce matin en rade de Papeete. Coups de canon, jets d’eau, escorte navale, cérémonies à terre… Pour la trentaine de marins du bord, c’est la fin de deux mois et demi de mer, et pour la Marine nationale c’est le début d’une nouvelle ère. Ces « Pom » et leurs équipements très modernes promettent une surveillance de la ZEE renforcée, des possibilités d’intervention plus réactive et des capacités de projection plus importantes dans la région. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti. 

« On va l’accueillir comme il se doit » avait promis il y a quelques jours le contre-amiral Geoffroy d’Andigné. Il n’a pas menti : même si le commandant supérieur des forces armées – retenu au Chili – n’a pas pu être de la partie, le Teriieroo a Teriieroiterai a bien été accueilli, avec tous les honneurs, ce jeudi matin dans la rade de Papeete. 

Navigation en formation avec le Bougainville et L‘Arago – patrouilleur de 35 ans d’âge qu’il va remplacer dans la flotte – jets d’eau de plusieurs bateaux dans la passe, coups de canons, escorte par une dizaine de va’a des forces armées, officiels tous drapeaux dehors, colliers de fleurs, danses, cérémonies militaires, religieuses et traditionnelles à quai…

Rien de trop beau pour ce bâtiment de 80 mètres aux lignes effilées, sorti en début d’année des chantiers métropolitains et deuxième-né de la nouvelle classe des “Pom” (pour patrouilleur outre-mer), des navires qui doivent venir renforcer la Marine nationale dans chaque base ultramarine dans les prochaines années. La Nouvelle-Calédonie avait eu le sien l’année dernière – le Auguste Bénébig était d’ailleurs passé à Papeete – c’était au tour de la Polynésie.

14 000 nautiques de traversée

À bord, une trentaine de marins, pour beaucoup déjà très attachés au Teriieroo a Teriieroiterai – tout le monde a eu le temps de répéter ce nom emprunté à un grand résistant polynésien, et qui a d’abord un peu étonné en métropole. Il faut dire que le convoyage depuis Brest a été long, mais surtout qu’une partie des marins avaient suivi le chantier pendant les 18 mois précédents, avant même la mise à l’eau, menant les tests techniques dans les eaux bretonnes avant d’embarquer vers le Pacifique. 

Deux mois et demi de mer plus tard, après des escales au Cap-Vert, au Brésil, à Buenos Aires ou Valparaiso, le passage du cap Horn entre temps, ce qu’aucun navire de la marine française n’avait fait depuis 15 ans, et un dernier stop à Rapa nui, le voilà donc arrivé à bon port.

Ces 14 000 nautiques de traversée, dans des mers parfois démontées, n’étaient pas seulement destinés à ramener ce « Pom 2 » à Papeete. Il s’agissait aussi de « tester » le patrouilleur, qui naviguait avec un représentant du constructeur à bord et qui ne sera officiellement livré à l’État et la marine que dans une quinzaine de jours, après une dernière salve de vérifications. « On voulait le voir dans différentes configurations, dans différentes conditions et c’est pour ça qu’on est venu chercher une navigation qui passait par le sud de l’Amérique du Sud », explique le capitaine de corvette Francois Thisse, commandant de ce patrouilleur, pour qui le passage du cap Horn a été un moment « intense »

« Pour arriver jusqu’ici, on a franchi à peu près toutes les conditions de température et d’environnement avec parfois un temps très calme ensoleillé, comme ici à Papeete et parfois des conditions beaucoup plus agitées. Elles ont permis de vérifier que le bâtiment savait naviguer dans toutes les conditions, qu’il résistait bien à la mer. »

Protéger la ZEE, les JO, la pêche et même les câbles

Vérification faite, donc. Même si certains « problèmes corrigeables » ont été constatés à bord pendant cette longue traversée -« Quand on construit une nouvelle classe de bateau, il n’y a pas de prototype », rappelle le commandant- les caractéristiques principales du navire sont bien là. En plus de la tenue de mer -« c’est mieux que sur d’autres bateaux, mais il y a des moments où on a quand même croqué », lancent des marins- l’équipage a notamment pu vérifier l’autonomie, annoncée a minima à 5 500 nautiques à 12 nœuds. Depuis le Chili, le Teriiero a Teriieroiterai a ainsi navigué 17 jours, certes avec une escale à l’île de Pâques, mais « sans aucun ravitaillement. »

Le patrouilleur, qui bénéficie d’une propulsion hybride électrique-gazole, doit aussi briller par ses équipements – des moyens électroniques de surveillance et de navigation, des annexes qui peuvent être « projetées » très rapidement en mer, ou encore un drone – et par sa vitesse : 24 nœuds en pointe. Pratique pour la surveillance de la zone maritime, la police des pêches ou l’assistance aux navires en danger ou aux populations, ses principales missions. 

Mais Xavier Marotel, le secrétaire général du Haut-commissariat, ajoute aussi que les capacités du navire vont aussi profiter à la stratégie commune « État-Pays » : « Ce bateau, il va sécuriser les Jeux olympiques, un évènement qui va faire rayonner la Polynésie dans le monde entier, il va protéger la ressource en poissons (…) et donc les emplois des pêcheurs, et aussi de protéger les câbles transocéaniques » qui vont se multiplier avec l’initiative de Google.

Le colonel Dubois, adjoint du Comsup, insiste aussi sur le gain en matière de rayon d’action – et donc de présence régionale – et de capacité. D’autant que le Teriiero a Teriieroiterai doit être suivi, en 2025 d’un autre Pom polynésien, le Philippe Bernardino, en construction a Boulogne. « Ça va doubler nos capacités », pointe l’officier, qui rappelle qu’un nouveau quai est en pleine construction à la base navale pour accueillir les deux bâtiments.

La famille de Teriieroo a Teriierooiterai invitée

À bord, ce matin, on se souciait moins des missions à venir que du retour à terre. Les marins hexagonaux, affectés en Polynésie pour trois ans pour la plupart, seront rejoints par leurs familles dans les prochains mois. Mais l’équipage compte aussi quatre Polynésiens, dont les familles étaient à quai ce matin. Pour le maître Heirani, qui assiste le chef de quart sur la passerelle, cette arrivée est à la fois une fierté et une libération. À noter qu’on pouvait aussi croiser, sur les quais ce matin, une partie des descendants de Teriiero a Teriieroiterai, Compagnon de la Libération, comme toutes les personnalités qui ont donné leur nom à cette classe de patrouilleur. L’ancien chef de district de Papenoo, qui avait été très actif pour rallier les établissements français d’Océanie à la France libre, avait été décoré à la fin de la Seconde Guerre mondiale par le général De Gaulle.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti