400 militaires, dont 120 soldats nippons, ont participé, du 1er au 11 septembre, à « Brunet-Takomori ». Un vaste exercice militaire lancé en 2023, qui scelle le rapprochement entre la France et le Japon qui défendent des « intérêts convergents » face à des « compétiteurs qui se sont durcis » dans le Pacifique. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Une « force ennemie » s’est emparée de la plage de Plum. L’armée nippone, puis les soldats français doivent sécuriser et évacuer ce territoire parsemé de mines et d’autres engins explosifs. Une opération délicate au cours de laquelle un militaire est grièvement blessé à la tête.
La situation implique de coordonner et de déployer les moyens d’intervention aériens, à travers la surveillance par drone et l’hélitreuillage par hélicoptère du soldat entre la vie et la mort, mais aussi aquatiques, en évacuant les militaires et leurs véhicules blindés sur les navires de la Marine nationale.
Ce scénario totalement fictif a clos, ce jeudi 11 septembre, Brunet-Takomori, un vaste exercice bilatéral entre le Japon et la France, sous la houlette des Forces armées en Nouvelle-Calédonie (Fanc), qui s’est déroulé pendant onze jours au Mont-Dore.
Lancée en 2023, cette coopération est nettement montée en puissance pour cette troisième édition qui a réuni 400 soldats, dont 120 Nippons. Une participation record signe d’un regain des tensions géopolitiques dans la région, qui pousse à rapprocher ces deux puissances militaires.
« La situation sécuritaire au Japon est un peu précaire. Dans ce contexte, nous devons mener des exercices conjoints avec des pays qui partagent les mêmes valeurs fondamentales. En particulier la France, qui possède une présence militaire exceptionnelle dans l’Indopacifique », déclare le lieutenant-général Yasunori Matsunaga, pour qui il était donc « très important » de tripler les effectifs cette année.
À l’heure où l’influence de la Chine s’étend dans le Pacifique et où l’ordre mondial est en profonde mutation sous l’impulsion, notamment, des États-Unis et de la Russie, cette coopération entre nations alliées est devenue un enjeu majeur pour la France.
« Un signal envoyé à nos alliés et à nos compétiteurs »
« En deux ans, le contexte et les compétiteurs se sont durcis. Aujourd’hui, nous partageons une vision stratégique commune avec le Japon et des intérêts convergents dans la région, comme la sécurité et la stabilité dans le Pacifique, la surveillance des zones maritimes ou encore l’intervention en cas de catastrophe naturelle », analyse le général Gabriel Soubrier, à la tête des Fanc. « C’est un signal que nous envoyons à nos alliés et partenaires, mais aussi et peut-être avant tout à nos compétiteurs. »
Sans jamais être citées, ces allusions font référence à des superpuissances dont la Chine, à n’en pas douter. C’est pourquoi la France, à travers ses Fanc, tient à multiplier ces « coopérations tactiques », comme sa participation « pour la première fois », fin août, à l’exercice Super Garuda Shield, en Indonésie, qui a également réuni les forces américaines et nippones ou encore à Talisman Saber en Australie, en juillet dernier. Sans oublie, la manœuvre d’ampleur Croix du Sud, menée entre le Caillou et Wallis-et-Futuna en avril, et qui a mobilisé un millier de militaires issus de dix-huit nations.
C’est donc dans ce contexte que les relations franco-japonaises se sont renforcées, à travers notamment la signature d’une feuille de route 2023-2027, qui fixe une nouvelle ambition dans le but d’intensifier les échanges dans l’ensemble des secteurs, dont les nouvelles technologies, le spatial et, sans surprise, la défense.
« Nous sortirons tous plus forts de cette interaction mutuelle », estime le général Gabriel Soubrier. « Le principal théâtre de cette coopération franco-japonaise concerne aujourd'hui le Pacifique. Mais nous avons des intérêts communs sur tout ce qui se passe à travers le monde. »
Vers une « dronisation » des conflits
Lors de son discours de clôture de la manœuvre, le lieutenant-général Yasunori Matsunaga s’est dit particulièrement « intéressé » par l’utilisation des drones de l’armée française, à l’heure où cette technologie occupe une place croissante et déterminante dans les conflits mondiaux.
Dans le jargon de la Défense, on parle de « dronisation ». Les forces aériennes occidentales y portent un intérêt depuis de longues années et plus particulièrement depuis les affrontements en Syrie et en Libye, dans le Haut-Karabagh et actuellement en Ukraine, signe que cette technologie joue un rôle majeur et de plus en plus important, quelle que soit la nature du conflit. C’est pourquoi, au cours de cet exercice, le Japon a porté une attention accrue au matériel et au savoir-faire français en la matière.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes