Volcan sous-marin de Mayotte : la plus grande éruption sous-marine jamais documentée

© Nature Geoscience

Volcan sous-marin de Mayotte : la plus grande éruption sous-marine jamais documentée

Nature Geoscience a publié ce 26 août 2021 une étude menée par des équipes scientifiques de l’IPGP, de l’Ifremer, du CNRS et du BRGM, relative à l'étude d'un édifice volcanique sous-marin détectée au large de Mayotte en mai 2019. Les données récoltées et analysées ont permis de découvrir une éruption sous-marine impressionnante, la plus grande jamais documentée, a indiqué l'Ifremer.



Une éruption sous-marine gigantesque, alimentée par système magmatique très profond, en lien avec la tectonique active régionale, c'est le cœur de la publication de cette étude scientifique dans le cadre du programme de recherche SISMAYOTTE, financée par l'Etat, dont l'objectif était de comprendre l’origine de la crise sismique débutée en mai 2018 au large de l’île de Mayotte.

À bord du navire Marion Dufresne de la Flotte océanographique française de l'Ifremer et à l'issu de plusieurs mois de relevés grâce à des sismographes immergés, les scientifiques ont pu découvrir un nouvel édifice volcanique à environ 50 km au large des côtes de Mayotte en mai 2019.
Le système volcanique découvert s'est révélé particulièrement complexe, sans analogue connu, qui s’enracine très profondément jusque sous la lithosphère (enveloppe rigide de la surface de la Terre, comprenant la croûte terrestre et une partie du manteau supérieur) en mobilisant des structures tectoniques régionales anciennes et récentes, pour émettre sur le plancher océanique un des plus importants volumes de lave de ces derniers siècles.

L'éruption ainsi détectée est de loin la plus importante des éruptions sous-marines jamais documentées. Elle est comparable aux éruptions observées au niveau des principaux points chauds de la planète comme à Hawaii ou en Islande alors qu’elle ne se situe pas dans le même contexte géodynamique. La présence d’un panache acoustique et d’anomalies géochimiques dans la colonne d’eau à l’aplomb de l’édifice a confirmé que l’éruption était en cours au sommet du volcan quand les scientifiques sont arrivés sur place.

L'édifice découvert s’étend à l’est de l’île de Mayotte sur une longueur d’environ 50 km à l'extrémité d'une ride volcanique composée de dômes volcaniques et de coulées de laves très bien préservés, probablement mis en place au cours du Quaternaire (période géologique entre 2,5 millions d’années et aujourd’hui). Les édifices volcaniques terrestres de l’île de Petite-Terre à Mayotte, vieux de quelques milliers d’années, en font notamment partie.

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Une découverte majeure dans cette étude réside dans l'observation du fait que les séismes détectés sont beaucoup plus profonds qu’habituellement en contexte volcanique, et se situent sous la limite entre la croûte et le manteau terrestre (ou Moho). Cela souligne l’existence de réservoirs et de systèmes de drainage très profonds étagés dans toute l’épaisseur de la lithosphère, ce qui n’a encore jamais été observé clairement en volcanologie.

Pour l'Île de Mayotte, les données montrent un affaissement et un déplacement vers l’est de l’île à des vitesses exceptionnelles. Les modèles montrent que ces déformations seraient liées au vidage d’un ou de plusieurs réservoirs magmatiques très profonds dans le manteau terrestre. L’étude suggère que réservoir principal se situe près de l’île de Petite-Terre, sous la structure de caldeira ancienne. Cette structure de caldeira serait donc la plus profonde jamais documentée (55 km). Le magma aurait été drainé depuis ce réservoir principal par un filon (ou dyke) jusqu’à un deuxième réservoir plus superficiel puis vers la surface le long de la ride volcanique de Mayotte. L’activité volcanique à Mayotte, comme dans de nombreuses autres régions au monde, est donc contrôlée par la tectonique régionale.

 

Damien CHAILLOT