Salon international de l’Agriculture : La Réunion et la Polynésie vont « travailler ensemble pour mieux réussir » la souveraineté alimentaire

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Salon international de l’Agriculture : La Réunion et la Polynésie vont « travailler ensemble pour mieux réussir » la souveraineté alimentaire

Ce jeudi, la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche lagonaire (CAPL) de Polynésie et la Chambre d’agriculture de La Réunion ont signé une convention de partenariat leur permettant de « travailler ensemble pour mieux réussir » les enjeux agricoles et surtout, la souveraineté alimentaire.

« Cette convention, c’est pour pouvoir échanger avec nos collègues des Outre-mer » a déclaré le président de la Chambre d’agriculture de La Réunion, Frédéric Vienne, également président de la commission Outre-mer de la Chambre nationale. « Souvent nos échanges se font avec nos collègues de métropole mais on se sent plus proches de nos collègues des Outre-mer », ajoute-t-il.

Les premières pierres de cette convention ont été posées en décembre dernier, quand une délégation de la CAPL s’est rendue à La Réunion. Elle remonte aussi à ces années passées d’échanges dans les différents salons, notamment celui de l’agriculture à Paris. L’idée de « renforcer ces liens et travailler sur des thématiques communes comme l’agro transformation, cantines scolaires, échanges techniques » était une évidence, explique Marc Fabresse, responsable technique à la CAPL.

« Chacun a ses forces, mais on a aussi les mêmes acteurs, les mêmes difficultés liées à notre éloignement à la métropole, à nos problématiques géopolitiques » poursuit le responsable technique qui estime « opportun de travailler ensemble pour mieux réussir » et « montrer que les Outre-mer travaillent ensemble, montent en puissance, pour résoudre leurs problèmes d’autonomie alimentaire ». 

Si pour La Réunion, il s’agit d’une première, la CAPL de Polynésie travaille déjà en partenariat avec ses homologues de Wallis et Futuna et de la Nouvelle-Calédonie, à travers par exemple le programme européen PROTEGE. « On élargit notre champ d’intervention en ajoutant La Réunion qui est une référence au niveau des Outre-mer et particulièrement de l’agriculture. On se dit que plus on a de partenaires, plus on a d’échanges techniques, mieux on peut travailler et avoir les meilleures informations de la part de nos collègues, qu’on pourra partager avec nos collègues du Pacifique ».

Concrètement, quelles informations ? Quels échanges ? Dans son discours, Frédéric Vienne a évoqué les racines, les tubercules comme l’igname, le manioc, le taro. « A l’origine, la nourriture des Réunionnais était énormément portée sur les racines » explique-t-il, « ce sont des cultures qu’on a perdues ou abandonnées et qui serait bon, dans le cadre de la souveraineté alimentaire, de remettre au goût du jour ». « Dans le pacifique, ils ont su conserver cette culture, ces traditions, cette souveraineté affichée, alors que chez nous on importe 44000 tonnes de riz », ajoute Frédéric Vienne qui souhaite, à travers les tubercules « insuffler une nouvelle dynamique (…) en termes d’éducation culinaire autour de ce genre de produits oubliés par les Réunionnais ».

Jean Tama, vice-président de la CAPL polynésienne évoque quant à lui le fruit à pain, appelé ‘uru en Polynésie ou mei à Wallis et Futuna. Originaire de l’Asie du Sud-est, ce fruit, base de la nourriture dans le Pacifique sud, avait été introduit lors des grandes migrations austronésiennes. Plus tard, entre les XVII et XVIII siècles, il a été introduit aux Antilles afin de nourrir les esclaves des plantations. Aujourd’hui, et dans le cadre cet enjeu de souveraineté alimentaire, La Réunion souhaiterait, dans un contexte bien différent, introduire ce fruit sur ses terres, et ainsi remplacer bon nombre de féculents importés.

« Nous, nous voudrions mettre en place les produits vivriers dans toutes les îles, chose qui existe peu aujourd’hui. On souhaite aussi travailler sur l’alimentation dans les cantines scolaires : alimenter ces cantines avec les produits vivriers, manger des produits locaux » explique encore Jean Tama. Il s’agit aussi de faire des échanges techniques entre les deux chambres pour « partager le savoir-faire de chacun ». Jean Tama souligne aussi les objectifs de production d’ananas en Polynésie, qui pourrait s’inspirer de la production et de l’exportation de l’ananas victoria de La Réunion.

« Même si 23 000 km nous séparent, on a l’esprit îlien, l’esprit ultramarin. On a une solidarité à trouver pour qu’on puisse avancer dans nos Outre-mer », estime Frédéric Vienne. « Il faut qu’on s’accompagne dans les projets qu’on développe : nos collègues du Pacifique ont un besoin de structuration, de pouvoir travailler avec les collectivités, nous on le fait déjà, on a une certaine expérience sur la structuration des filières, sur les coopératives ou autres, donc à nous de se rencontrer fréquemment pour échanger » ajoute-t-il, assurant toutefois n’avoir que « très peu de leçons à donner. Nous serons humbles dans nos déplacements car nous respectons ce que vous avez su préserver et ce que nous avons perdu ». 

Durant cette signature, Frédéric Vienne a aussi eu un message à faire passer aux responsables politiques nationaux, à Paris : « Toutes nos spécificités sont en train d’être noyées dans des dispositifs nationaux. On ne reconnaît plus suffisamment l’insularité des Outre-mer. Je demande qu’on nous traite différemment (…), on réclame d’être traité différemment par la reconnaissance de nos spécificités ».

Dans le détail, la Délégation de la Polynésie française explique que le partenariat doit permettre aux deux institutions d’échanger sur les problématiques de territoire insulaire devant faire face à un certain nombre de problématiques. Des enjeux communs ont été identifiés :

  • La sécurité et la souveraineté alimentaire ;
  • Satisfaire à une commande publique via la restauration collective ;
  • Apporter plus de valeur ajoutée à nos ressortissants ;
  • Promouvoir le produit local et le manger local ;
  • Permettre le développement technique des productions agricoles (animales et végétales) et agri-touristique ;
  • Faire face aux aléas climatiques et sanitaires ;

Face à ces difficultés partagées, cette convention permettra la création d’un comité de pilotage en charge de suivre la réalisation commune des objectifs opérationnels suivants : 

  • Cantines scolaires – Accompagnement des agriculteurs pour répondre aux enjeux de la commande publique
  • Accompagnement dans la mise en place de chartes agricoles
  • Appui technique des filières – partage d’itinéraires techniques
  • Echanges/accueil de stagiaires, agriculteurs et techniciens entre les 2 territoires

D’une durée de 3 ans renouvelable et sous le haut patronage de M. Sébastien WINDSOR, président des chambre de France, cette convention de partenariat dessine un peu plus les ambitions de la chambre d’agriculture polynésienne : Développer, avec ses partenaires, des solutions concrètes, notamment celles déjà éprouvées sur les autres territoires d’outre mer, pour permettre d’accompagner les professionnels de la Polynésie à répondre aux enjeux de productions performantes, durables, adaptées à nos conditions climatiques, sociales et environnementales.