Portrait. De New York à La Réunion, en passant par Mayotte, l'entrepreneure Isabelle Fargier troque le micro pour le bijou avec succès

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Portrait. De New York à La Réunion, en passant par Mayotte, l'entrepreneure Isabelle Fargier troque le micro pour le bijou avec succès

À quelques semaines des fêtes de fin d'année, Isabelle Fargier, cheffe d'entreprise, le sait : les prochains jours vont être intenses. L'ancienne femme de média vit depuis maintenant cinq ans à La Réunion et, il y a un an, elle se lançait dans un projet « passion » : sa marque de bijoux Sousou. Désormais, l'entreprise est florissante et s'apprête à s'agrandir encore avec l'ouverture d'un nouveau lieu prévu début 2026. Plus qu'un espace, la boutique située à Saint-Denis est devenue un refuge pour beaucoup de femmes qui viennent symboliser leurs moments de vie à travers des créations personnalisées. Retour sur un parcours qui commence à Mayotte où elle a grandi, passe par les radios new-yorkaises et aboutit à La Réunion.

 

À Mayotte, elle est connue sous le nom de « Moina Poutou », Petit Piment. Personnalité publique, présentatrice de journal, voix incontournable de la radio pendant de longues années, Isabelle Fargier se considère comme « une fille de Mayotte » parce que c'est là qu'elle a vécu toutes ses « premières fois » : son cursus scolaire jusqu’au bac, ses histoires personnelles, ses premières armes professionnelles… « Le jour où j'annonce à mon père que je veux faire du journalisme, il s'effondre en larmes et me dit : "Est-ce que tu sais que ta mère était journaliste ?" », raconte-t-elle encore émue. Elle ne l’a jamais connue, celle-ci étant décédée lorsqu'elle était petite, mais les dés sont lancés. 

Après ses études dans l’Hexagone, Isabelle Fargier poursuit son rêve américain en terminant son MBA à New York. Elle rêve alors de travailler dans une radio new-yorkaise. C’est dans le métro que sa vie bascule. « Je parlais français avec une amie. Et là, un homme m’aborde ». Elle découvre plus tard que l'homme dirige Zeno Radio, un service qui permettait aux immigrés d'appeler un numéro gratuit pour écouter leurs radios locales en direct. « Il est allé récupérer tous les streams de Radio Dakar, Radio Abidjan. Tu appelais et tu écoutais la radio au téléphone. C'était révolutionnaire », explique-t-elle. Elle s’occupe alors de toute la partie francophone. L’histoire aurait pu s’arrêter à New York si la jeune femme ne devait quitter temporairement les États-Unis pour des questions de visa. « Je suis alors retournée à Mayotte, pour dire au revoir à mon père, convaincue que je ne reviendrais pas avant longtemps… Finalement, je ne suis jamais repartie. »

De Mayotte à La Réunion, un virage imprévu

De retour à Mayotte, Isabelle Fargier gravite entre le service public et le privé. « C'est France Télévisions qui me donne d’abord ma chance », souligne-t-elle. Elle fait ses armes sur le terrain en radio et en télévision puis sur les réseaux sociaux. Pendant des années, elle construit ainsi sa carrière jusqu’au jour où elle doit accoucher. « J'avais besoin d'intimité, d'être une personne lambda. Avec la notoriété que j'avais, accoucher à Mayotte, c'était compliqué pour moi à assumer. Je voulais juste être une femme de plus qui accouche dans un hôpital », explique-t-elle. Elle choisit donc de partir à La Réunion. C’est à ce moment-là, en mars 2020, qu’arrive le confinement suite à la crise Covid. « La décision se prend naturellement. On s’est dit : on est là, on reste. » La jeune femme travaille alors pour RTL, puis pour d’autres structures pendant trois ans. « J'avais la sensation que je m'investissais comme si c'était ma boîte », raconte-t-elle. Le déclic est brutal et salvateur : « À un moment donné, je me suis dit : OK, si je suis capable de faire ça pour quelqu'un, je peux tout à fait le faire pour moi. » Elle lance alors deux entreprises simultanément : une dans la publicité et la communication, et l’autre autour des bijoux, par passion. « Deux ans plus tard, son entreprise “passion” explose », tandis que la première est désormais à l’arrêt. Le prévisionnel pour 2025 ? Entre 200 000 et 300 000 euros de chiffre d'affaires.

Un mot pour déconstruire les préjugés

Isabelle Fargier a choisi « Sousou » pour se lancer. À Mayotte, « sousou » désigne pourtant une femme aux mœurs légères. Et Isabelle Fargier le sait. « Pour ceux qui ne parlent pas mahorais, le nom sonne mignon. Pour les autres, j’ai envie de leur dire que la sousou, tel que je l'envisage et tel que je le prône, c'est cette femme qui s'assume, qui s'aime, qui aime son corps. Sousou, c'est un espace où tu peux venir t'assumer », poursuit-elle. Et le pari fonctionne. « Elles viennent de plus en plus nombreuses pour des bijoux personnalisés pour toutes sortes d’événements. Il y a une communauté Sousou qui revendique le droit de faire ce qu’elle veut. Et cela passe aussi par le bijou. Je suis heureuse de me dire que j’ai peut-être aidé à vulgariser un mot qui avait une signification un peu connotée, qui dénotait, et aujourd'hui ça a apporté un truc mignon, un truc audacieux, un truc fort. » 

Au-delà de l’appellation, la structure crée de l’emploi. « Aujourd’hui, je peux me verser un salaire, je peux recruter. Trois personnes, dont deux apprentis, rejoignent ainsi l’aventure. » Ces trois embauches accompagnent un tout nouveau projet d'envergure dont elle garde jalousement l'emplacement secret pour le moment. « Je ne parlerai pas encore de l'endroit, mais on est sur un gros lieu, un lieu global où la femme, encore une fois, sera au cœur, où on prendra soin d'elle, où elle pourra prendre du temps », révèle-t-elle. Ouverture prévue début 2026. « J'ai déjà les clés », glisse-t-elle avec un sourire.