Mayotte, « poste avancé de la France dans le XXIe siècle ? » : la Chaire Outre-mer de Sciences Po consacre une note de recherche à l’île aux parfums

Panneau près de l’entrée de la barge à Mamoudzou ©DR

Mayotte, « poste avancé de la France dans le XXIe siècle ? » : la Chaire Outre-mer de Sciences Po consacre une note de recherche à l’île aux parfums

Dans une étude publiée le 7 mars, la Chaire Outre-mer de Sciences Po Paris rend compte de Mayotte loin des clichés habituels, en se focalisant sur ses atouts : son positionnement géostratégique, sa biodiversité, sa jeunesse, son attachement à l’Hexagone et surtout ses politiques publiques innovantes. Ces dernières pourraient d’ailleurs servir d’exemple tant au niveau régional que national, selon les auteurs du document.

 

Mayotte, une vitrine de politiques publiques ? C’est en tout cas ce que suggère la nouvelle note de recherche de la Chaire Outre-mer de Sciences Po Paris (étude qui n’engage pas cette institution), rédigée par Luca Vergallo et Benjamin Huin Morales, respectivement enseignant à Sciences Po et maire de Zimmerbach en Alsace, qui ont tous deux travaillé à la Préfecture de Mayotte. Après avoir fait le tour fréquemment commenté des difficultés de l’archipel (immigration clandestine, insécurité, habitat insalubre, chômage, pauvreté, etc.), les auteurs ont choisi de « mettre en lumière les expérimentations réussies » dans le territoire et « d’en suggérer de nouvelles ».

Cinq exemples de réussites sectorielles

Ils présentent ainsi cinq exemples de réussites sectorielles et de politiques publiques originales à Mayotte, qui, selon eux, pourraient être « transposables à d’autres territoires de la République ». Dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine, « l’échec à rendre Mayotte moins attractive a été compensé par une protection accrue des côtes et une meilleure coopération transfrontalière », constatent-ils tout d’abord. Deuxièmement, malgré près de 40% de bidonvilles, occupations illégales qui bloquent la réalisation de projets structurants, Mayotte a su combiner une politique offensive de destruction de l’habitat indigne et une offre nouvelle de logements temporaires très bas prix.

Sur un plan général, les auteurs soulignent que l’État « concentre ses forces face aux multiples défis » de l’archipel. Exemple, la gestion de la crise Covid à Mayotte où l’approche intégrée des services de l’État a permis une meilleure adaptabilité et coordination. Même chose en ce qui concerne les questions de sécurité, où l’étude parle d’une « approche intégrée et inclusive », Mayotte faisant partie des régions pilotes dans l’expérimentation des directions territoriales de la police nationale. Enfin, les auteurs relèvent que l’État est au service du département avec l’exemple de la plateforme d’ingénierie territoriale dans le cadre du Contrat de convergence et de transformation conclu à l’été 2019 par le gouvernement et les collectivités mahoraises (1,6 milliard d’euros d’investissements).

Revoir le lancement de la Chaire Outre-mer de Sciences Po Paris

Cinq champs d’expérimentations

Le document identifie ensuite cinq champs d’expérimentations de politiques publiques qui pourraient être déclinés à l’échelle nationale. Le premier concerne la jeunesse mahoraise, pour laquelle il faudrait « multiplier les vecteurs d’insertion », en étoffant notamment l’offre de formation, en incitant les talents locaux ayant obtenus leurs diplômes ailleurs à revenir s’installer à Mayotte et en faisant converger le taux d’illettrisme du territoire avec la moyenne nationale. Un second domaine est relatif à l’action de protection de la biodiversité, « gravement menacée par l’étalement urbain, les destructions illégales, la prolifération des déchets, mais aussi par l’éclatement de la politique de protection de l’environnement ». Les auteurs proposent ainsi de créer un poste de sous-préfet en charge de l’environnement, susceptible de coordonner toutes les actions sur le terrain.

Dans cette perspective, ils souhaitent également « expérimenter à Mayotte une réelle déconcentration et une organisation des services de l’État resserrée autour du préfet ». « L’échelon déconcentré disposerait de la compétence de droit commun au niveau de l’Etat et, à rebours, l’échelon central ne se verrait attribuer que des compétences précises », écrivent les auteurs. Ces derniers suggèrent également une meilleure articulation entre la préfecture de Mayotte et l’ambassade de France aux Comores afin de mieux coordonner les efforts nationaux sur les quelque 55 miles marins qui séparent les quatre îles. 

L’étude prône en outre un renforcement des services publics essentiels, en particulier l’éducation primaire, l’aide sociale à l’enfance, la protection maternelle et infantile, l’eau potable et l’assainissement, la collecte et le traitement des déchets ainsi que l’aménagement du territoire. Enfin, les auteurs insistent sur la nécessité de l’amélioration de la gestion territoriale du maintien de l’ordre. « Mayotte pourrait être une terre d’expérimentation pour les nouvelles technologies de la sécurité, par l’usage accru de drones avec renvoi d’images au sol et le déploiement d’une cartographie dynamique des terrains d’intervention pour s’orienter dans les quartiers à l’urbanisme souvent chaotique », expliquent-ils notamment.

► L’intégralité de la note. « Mayotte : poste avancé de la France dans le XXIe siècle ? »

 

PM