Mayotte : Les Jeunes du RSMA sensibilisés aux violences contre les femmes

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Mayotte : Les Jeunes du RSMA sensibilisés aux violences contre les femmes

Le régiment du service militaire adapté (RSMA) de Mayotte a reçu, ce mardi 28 mai, la cinquième édition de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. 130 jeunes volontaires ont pu, par groupes, participer à un atelier du centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA). Précisions avec notre partenaire Mayotte Hebdo.

 

" Vous pouvez vous asseoir. Là vous n’êtes plus militaires ou quoi que ce soit ", enjoint Hatimou Ousseni, éducateur spécialisé au centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA), pour mettre en confiance les premiers jeunes réunis dans une salle du régiment du service militaire adapté (RSMA) de Mayotte. Ce mardi 28 mai, au lieu de passer la journée avec des auteurs envoyés par la justice pour réaliser un stage de sensibilisation afin d’éviter les violences ou la récidive, le travailleur de Mlezi Maore reçoit tour à tour des groupes de volontaires pour un atelier de sensibilisation. Ce qui prend d’habitude une journée entière, voire deux heures lors de ses interventions régulières au RSMA, doit prendre 45 minutes, montre en main, en cette cinquième édition de la journée de la lutte faite aux femmes organisée par le régiment à Combani.

 L’occasion de lister les sept types de violences qui peuvent exister au sein du couple : physiques (dont sexuelles), verbales, psychologiques, sociales, économiques, administratives (confiscation des titres de séjour par exemple) et spirituelles (imposer de pratiquer sa foi autrement, ou de se convertir). Si les violences les plus visibles envers les femmes ne font aucun débat, les moins visibles, sans les coups, font davantage réagir. Pour illustrer la violence sociale, Hatimou Ousseni prend l’exemple d’une conjointe qui intimerait ou fouillerait directement dans le téléphone de son partenaire. " - Elle, elle vient de dire que c’est normal ", dénonce un jeune homme en pointant une volontaire. " - Pour moi ce n’est pas normal ", riposte un autre. " -ça c’est la théorie, mais est-ce que vous monsieur, vous iriez porter plainte contre votre femme parce qu’elle vous interdit de voir un copain ? ", interroge le premier. 

"Depuis tout à l'heure, on a tout dit pour casser un couple"

"Si tu es un homme, tu encaisses", poursuit-il concernant le cas où des coups seraient assenés au conjoint. "Non, tu peux porter plainte et te mettre à l’abri", corrige l’éducateur. "Il y a tellement de violences banalisées à Mayotte. Longtemps, nos parents nous ont dit : " patiente, ça va aller mieux ". Ce n’est pas vrai ". Le volontaire rouvre le débat : " Mais c’est la vie, le couple, c’est des hauts et des bas. Nos grands-parents ont fait onze enfants et sont encore ensemble. Depuis tout à l’heure, on a tout dit pour casser un couple, mais ce que je veux savoir c’est quelles sont les solutions pour que tout se passe bien "

Pour parvenir à cerner ce qu’est une relation toxique, le phénomène d’emprise reste le plus difficile à appréhender. Certains jeunes peinent à comprendre le manque de réaction de la personne manipulée, ou à identifier ce qu’est un libre choix. Alors pour rendre les 45 minutes plus efficaces, une vidéo mettant en scène un couple recevant des amis est projetée sur l’écran. Le personnage féminin ne reçoit aucun coup physique, mais obéit aux demandes de son mari de s’habiller de telle façon, d’inviter ou ne pas inviter telle personne etc. " - Qu’elle ouvre un peu sa bouche ! ", réagit une volontaire. " Il faut qu’elle se venge ! " " -Moi je pense que la femme veut parler mais tout le monde dit que son mari est une bonne personne ", nuance un autre. " Il joue le chaud et le froid. Elle ne sait pas comment se comporter avec lui ", indique l’éducateur. Si une fois l’atelier terminé, le plus réactif des jeunes estime que pour ce genre de thème, " le format est trop court ", le groupe va pouvoir récupérer un fascicule avec les coordonnées du CPCA. Il pourra faire de même auprès des treize autres partenaires présents ce mardi, comme le reste des 130 volontaires répartis en groupes avec une feuille de route. " Même si ça ne les concerne pas aujourd’hui, on sait que ça peut arriver à toute étape de la vie. Plus vite les signes d’emprise sont détectés, plus vite on réagit et moins l’emprise s’installe ", soutient le lieutenant Margot, la psychologue du RSMA, qui indique retrouver ces thématiques en se rapprochant des volontaires. " L’objectif est de leur donner les clés, qu’ils sachent comment agir pour eux et pour leur entourage. " 

Cinq à six femmes volontaires par an se confient au RSMA 

" Venez nous voir ", répète Adel Mohamed, juriste référent au bureau d’aide aux victimes au tribunal judiciaire de Mamoudzou, présent ce mardi 28 mai au régiment du service militaire adapté (RSMA) pour " parler de la prise en charge des victimes ". Quatorze partenaires participent à la cinquième édition de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes organisée depuis 2021 au sein du RSMA : tels qu’Evars (éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle) qui y intervient depuis 2022, la maison de protection des familles etc. C’est le pôle d’accompagnement médico psycho social (AMPS), composé d’une médecin, une assistante sociale et d’une psychologue, qui en est à l’origine. " 25 % de nos volontaires sont des femmes. L’idée c’est vraiment de donner un cadre théorique sur qui accompagne les victimes et quels sont leurs droits ", indique Colonelle Carole, la médecin du RSMA, qui enjoint les volontaires à récupérer tous les numéros qui pourraient leur être utiles à eux et pour leurs proches. 

Sur les 800 jeunes environ reçus par le RSMA chaque année, cinq à six femmes volontaires par an livrent être en proie à des violences conjugales. Dans ces cas-là, les victimes peuvent être accompagnées par leurs encadrants mis à disponibilité pour venir les chercher en voiture, même en-dehors de l’enceinte du RSMA, et leur faciliter le dépôt de plainte. L’assistante sociale est aussi en lien avec des juristes pour déclencher des ordonnances de protection au besoin. " Et quand les violences se déroulent au sein du régiment, c’est tolérance zéro ", signale la colonelle, qui annonce que les prochaines éditions de cette journée pourraient s’étendre sur deux jours ou s’effectuer deux fois dans l’année.

Par Mayotte Hebdo