Mayotte : Les agriculteurs profondément inquiets face au manque d’eau

Ali Ambody, président du syndicat des éleveurs de Mayotte et agriculteur à Ouangani, s’inquiète de voir le niveau de son puits si bas. © DR

Mayotte : Les agriculteurs profondément inquiets face au manque d’eau

Alors que la saison des pluies n’a jamais vraiment démarré et que le manque d’eau est criant sur l’île, les agriculteurs s’inquiètent. Les cultures en maraîchage seront les plus touchées, ce qui pourrait engendrer des difficultés financières pour les producteurs, ainsi qu’une hausse des prix. Détails avec notre partenaire Mayotte Hebdo.

 

Il pleut deux fois moins que d’ordinaire et la saison des pluies n’a jamais vraiment commencé. Tels sont les constats dressés par Météo-France dans son bulletin du 9 mars. Le déficit en eau est en moyenne de 50 % fin 2022 et début 2023. Une situation qui inquiète particulièrement les agriculteurs. « Je n’ai jamais vu ça, je n’arrive même pas à voir le niveau d’eau au fond de mon puits », alerte Ali Ambody, président du syndicat des éleveurs de Mayotte, qui élève des bovins et cultive des fruits et légumes à Ouangani. 

«Un impact sur la qualité des produits» 

À proximité du pôle agricole de Mro Mouhou, à Bandrélé, la rivière réputée pour couler toute l’année, serait, elle aussi, quasiment à sec. « Deux maraîchers, installés dans cette zone de l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), n’ont plus du tout accès à l’eau, hormis celle de leurs réserves », continue l’agriculteur de Ouangani. Le manque d’eau se ferait d’ailleurs d’autant plus sentir dans le nord, zone connue pour être la plus humide de l’île car elle accueille la retenue collinaire de Dzoumogné, l’un des deux grands réservoirs alimentant Mayotte en eau. En février, le comité de suivi de la ressource en eau notait d’ailleurs que le bassin était rempli à 25% seulement.

Une sécheresse et un manque d’eau qui fragilisent particulièrement le maraîchage. « Ce sont les cultures les plus gourmandes en eau. Cela aura forcément un impact sur la qualité des produits », souligne Martin Khuu, responsable d’accompagnement au syndicat des jeunes agriculteurs qui recense leurs « nombreuses inquiétudes ». Ali Ambody, qui vient de planter ses maniocs, craint que ces derniers ne grossissent pas. C’est aussi ce que pressent Soumaïla « Anwar » Moeva, président des Jeunes agriculteurs : « On n’a pas pu planter comme on voulait. Une grande partie de mes plants de moringa n’ont pas résisté alors qu’ils ont la réputation de bien supporter la sécheresse ». 

Soumaila « Anwar » Moeva, président du syndicat des jeunes agriculteurs, a vu une partie de ses plants de moringa mourir à cause de la sécheresse. © DR

La récolte des agrumes :  un premier indicateur 

Résultat : les professionnels anticipent déjà des difficultés financières pour certains agriculteurs, et une hausse des prix de certains produits. D’autant que les maraîchers ont du mal à relancer de nouveaux cycles de production. Mais les véritables conséquences du manque d’eau devraient se faire sentir dans les semaines voire les mois à venir. Selon les agriculteurs, le premier indicateur sera la récolte des agrumes, qui commencera début avril. « Les premières oranges arrivent à ce moment-là. Il y a un risque qu’elles soient petites et qu’elles n’aient pas de goût », indique le responsable d’accompagnement des Jeunes agriculteurs.

Le président du syndicat, « Anwar » Moeva, estime de son côté qu’il faut attendre les mois de mai et de juin pour voir les effets de la sécheresse. Tous espèrent en tout cas que la saison des pluies n’est que décalée, et qu’elle s’étendra au moins jusqu’à la mi-avril. « Si nous sommes déjà à la fin de la saison, c’est catastrophique », estime Martin Khuu.

 L'accès à l'eau dans la charte de l'environnement ?

« Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits humains. » Voilà le contenu de l’article que huit députés français, dont Mansour Kamardine, veulent faire intégrer à la Charte de l’environnement, qui apporte une valeur constitutionnelle à tout ce qui touche l’environnement en France. Les parlementaires rappellent que ce droit n’existe dans aucun texte de la législation française, alors que plusieurs états l’ont intégré, tout comme les Nations unies. En effet, une résolution et écrite dans les mêmes termes a été adopté, le 28 juillet 2010. Un texte similaire dans la Charte de l’environnement permettrait de « se mettre en conformité avec le droit international », préconisent ainsi les députés.

Par Jéromine Doux pour Mayotte Hebdo