Alors que l’Assemblée nationale entame ce lundi après-midi à 16h les débats sur la loi-programme de refondation de Mayotte dans l’hémicycle, le ministre des Outre-mer a fait un « point de situation » et rappelé « l’objectif très concret » du gouvernement : « améliorer la vie des Mahorais » et démentir un « sentiment d’abandon » des habitants du département.
« L'État, à tous les niveaux, est pleinement mobilisé et ce, depuis le déclenchement de l'alerte violette qui a précédé l'arrivée de Chido », a assuré Manuel Valls, ce lundi matin rue Oudinot, à quelques heures du lancement des débats en séance relatifs à la loi-programme pour la refondation du département.
Pour le ministre d’État, ce texte a l’ambition de « restaurer la crédibilité de la parole publique et à travers elle, celle du lien de confiance entre la population et l’État ». « Il est plus que jamais nécessaire d'agir et de concrétiser la promesse républicaine à Mayotte » et, pour la France, « l'enjeu est évidemment aussi l'affirmation de notre souveraineté dans le canal du Mozambique ».
Votée au Sénat le 27 mai dernier, la loi-programme de refondation comporte, rappelons-le, un important volet sur la lutte contre l’immigration et l’habitat illégal et insalubre. Un volet qui concentre la majorité des débats et des oppositions. « Si nous ne nous attaquons pas avec détermination à l'immigration légale et aux bidonvilles, alors nous risquons de reconstruire Mayotte sur du sable » a insisté le ministre.
Le texte vise notamment à durcir les conditions d'accès au titre de séjour pour l'immigration familiale et « améliore le dispositif de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ». « À l'initiative des quatre rapporteurs, et dans un esprit transpartisan que je tiens à saluer, les députés ont adopté en commission un amendement relatif à l'abrogation du titre de séjour territorialisé à compter du 1ᵉʳ janvier 2030 » a aussi rappelé le ministre, qui entend atteindre les 35 000 éloignements par an avec cette loi.
« La montée en gamme du dispositif de surveillance et d'interception sur terre, en mer et parois aériennes est nécessaire. C'est tout l'enjeu du « mur de fer » pour lequel l'État prend des engagements concrets dans le projet de loi » a-t-il poursuivi, soulignant aussi, « l'action coopérationnelle (…) avec les États à l'origine des flux migratoires au premier rang desquels les Comores ».
Après la lutte contre l’immigration illégale, le projet de loi entend aussi arriver à la convergence des droits à l’horizon 2030, en commençant dès 2026 par, entre autres, l’alignement du SMIC au 1er janvier prochain. « Depuis la départementalisation qu'un gouvernement, inscrit dans la loi la convergence sociale. C'est un effort inédit et massif » équivalent « à l'enjeu de justice et d'égalité ».
1,2 milliard pour le futur aéroport, 163 millions pour le second hôpital, 730 millions pour l'accès à l'eau
En qui concerne la réalisation des infrastructures prioritaires et essentielles au développement de l'archipel, « ce qui n'était qu'annonce et promesse depuis longtemps, deviennent des dispositions législatives » assure Manuel Valls. Près de 4 milliards d’euros sur six ans sont prévus sur ce volet, dont 1,2 milliard pour la construction d’un nouvel aéroport en Grande Terre, pour répondre au besoin de doter l’archipel d’une piste longue et ainsi, lutter contre l’enclavement du département. Un nouvel aéroport qui viendra en complément d’un Grand port maritime à Longoni.
« Évidemment, il faut réaliser les infrastructures, la complémentarité essentielle (…) avec le grand port maritime de Longoni. Ça sera un moyen de créer des conditions d'un hub portuaire et aéroportuaire en lien direct avec la capitale ». Manuel Valls assure aussi, avec les élus, « travailler à des alternatives » économiques pour Petite Terre, dont toute la vie quotidienne est intimement liée à l’actuel aéroport. « Il y a suffisamment d'atouts pour aider cette partie de Mayotte et nous allons y travailler avec les maires, le président de l'intercommunalité, le président du conseil départemental et les parlementaires qui sont attentifs à l'avenir de ce territoire ».
Le ministre se veut aussi rassurant sur le maintien « de la continuité territoriale » sur Mayotte. En effet, si l’aéroport actuel est opérationnel, le passage de Chido a eu un impact sur l’infrastructure, et certaines compagnies, Air Austral en tête, craignent une dégradation de la piste aéroportuaire en attendant la nouvelle infrastructure, à l’horizon 2035, si tout va bien.
« Il faut être évidemment très vigilant (…) pour que la continuité territoriale puisse poursuivre » assure le ministre. « Le gestionnaire de l'aéroport et l'État seront extrêmement attentifs à cette situation (…). Nous sommes en capacité de créer les conditions d'une continuité territoriale, de préserver cette infrastructure et de préparer la mise à jour ».
D’autres projets d’infrastructures sont évidemment dans les tuyaux, la plupart déjà évoqués ou annoncé, comme un second hôpital chiffré à 163 millions d’euros, une 2ème usine de dessalement et une 3ème retenue collinaire pour l’accès à l’eau et chiffrés à 730 millions d’euros, ou encore le développement des transports et la gestion des déchets. La loi-programme comprend aussi un volet organique ouvrant la voie à un changement de gouvernance : le passage d’un département à une collectivité unique région et département.
Devant la presse hexagonale, le ministre est aussi revenu sur le bilan de la mobilisation de l’État au lendemain du passage du cyclone et sur la loi d’urgence votée en février dernier, « qui a permis de donner les principaux outils nécessaires à l'enclenchement de la phase de reconstruction ». Manuel Valls a notamment les près de 10 000 personnes prises en charge « en urgence absolue », ou encore les plus de 5 000 patients accueillis sur l’hôpital de campagne entre janvier et février.
« Le rétablissement complet du réseau électrique a été réalisé une semaine avant l'échéance fixée par le président de la République, au 30 janvier 2025, soit 54 000 clients alimentés en électricité », poursuit-il. « Les ponts aériens et maritimes mis en place depuis La Réunion et l'Hexagone ont représenté 141 vols militaires et 1 860 tonnes de frais livrés », puis distribués.
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« Le système partenarial avec les communes et les mosquées a permis de distribuer plus de 134 tonnes de vivres et 2 millions de bouteilles d'eau, ainsi que 4 800 mètres cubes d'eau potabilisée. 700 000 mètres carrés de bâches ont aussi été livrés » a poursuivi le ministre. « Ce sont au total près de 500 millions d'euros de dépenses d'urgence qui ont été engagés par l'État en décembre et janvier. C'est la somme de tous ces efforts, de cette mobilisation massive, qui ont permis de sortir de la phase d'urgence en quelques semaines, et de limiter le nombre de morts et de blessés graves ».
Dans la foulée, la loi d’urgence « a permis d'autoriser le gouvernement à transformer, par ordonnance, l'actuel établissement public foncier des aménagements, d'adapter les règles d'urbanisme et de construction, de faciliter les travaux de reconstruction des ouvrages et réseaux publics de transport, de distribution d'électricité, de modifier les règles de la commande publique en favorisant la participation des petites entreprises et artisans, de donner à l'État la possibilité de reconstruire les écoles publiques à la place des communes et à leur demande ou encore de faciliter les droits » rappelle le ministre.
« Cette loi a également permis de prendre plusieurs mesures temporelles en faveur des entreprises locales, de la majoration des taux de prise en charge de l'activité partielle, au prêt à taux 0 pour faciliter la reconstruction par les Mahorais de leur logement. À l'heure actuelle, les banques réceptionnent et instruisent les dossiers de demandes. Malgré le scepticisme qui régnait sur ce sujet il y a quelques semaines, la dynamique est lancée », a-t-il aussi assuré.
Pour soutenir les collectivités territoriales, « 100 millions d'euros de crédits d'amorçage ont été inscrits en loi de finances » et « près de 51 millions d'euros ont déjà été engagés pour soutenir la reconstruction des écoles ». En outre, « 22 millions d'euros ont déjà été versés » à 4 200 entreprises de l’archipel tandis que le Fonds d’urgence a permis la mobilisation de 15 millions d’euros pour les agriculteurs.
« Pour approfondir et accélérer l'effort de construction, il est nécessaire de mettre en place des outils adéquats et s'assurer que l'ensemble des maillons de chaîne seront opérationnels » a aussi insisté le ministre. « C'est dans cet esprit que le Général Pascal Facon a été nommé le 9 janvier 2025. Son rôle est d'élaborer une stratégie quinquennale qui viendra décliner les actions concrètes devant conclure à la reconstruction et à la refondation de Mayotte, d’ici 2031 ».
L'ordonnance créant l'établissement public pour coordonner les travaux de reconstruction a été publiée le 23 mai, a aussi rappelé le ministre. La présidence de l’établissement est assurée par le président du conseil départemental. « La phase de recrutement du directeur général est en cours avec l'objectif d'une domination au 15 juillet. Le Conseil d'administration du futur établissement public se réunira en septembre » a détaillé le ministre, tandis que sa stratégie est présentée avant le débat parlementaire.
« Depuis des années, pour ne pas dire des décennies, les Mahorais attendent ce texte qui doit répondre à leur aspiration à l'égalité réelle et au parachèvement de la départementalisation » a encore insisté le ministre pour défendre la loi-programme.