Logement : À Mayotte, la résorption de l’habitat insalubre commence

Logement : À Mayotte, la résorption de l’habitat insalubre commence

©France Mayotte Matin

La SIM annonce livrer 450 logements sociaux entre décembre 2020 et décembre 2021. Les communes concernées par ces livraisons sont Mamoudzou et plus particulièrement M’tsapéré, Bonovo, Cavani et la ZAC Hamaha, Labattoir, Tsimkoura (Chirongui), Combani (Tsingoni), Iloni (Dembeni). Si on peut se réjouir de cette annonce, les chiffres sont à mettre au regard des besoins et des difficultés du territoire. Un sujet d’Anne-Constance Onghéna pour notre partenaire France Mayotte Matin. 

Cette annonce du promoteur historique de Mayotte est à saluer. L’arrivée du nouvel actionnariat a permis à l’institution mahoraise de tourner le dos à ses difficultés structurelles, elle poursuit donc son développement et réalise sa mission : construire et gérer des logements sociaux. C’est ainsi que la SIM invite les candidats au logement social à retirer des dossiers chez elle, à les compléter et à les retourner à l’institution mahoraise en vue d’une instruction. Les dossiers déjà déposés peuvent être actualisés par les demandeurs.

Mais qui peut bénéficier d’un logement social ? Toute personne, couple, famille dont les revenus en 2020 sont inférieurs à un certain plafond, les foyers composés de français et d’étrangers sont éligibles à condition d’être en situation régulière. Ainsi en 2020, une famille de 4 personnes qui dispose de moins de 40 462€ de revenus par an peut prétendre à un logement social. A Mayotte, les revenus de 2018 des ménages montrent que les ressources moyennes d’un foyer fiscal sont de 12 444€, un foyer moyen étant composé de 3. 9 personnes. Autant dire que la majeure partie des foyers mahorais sont éligibles en termes de revenus à un logement social.

Malheureusement, les 450 logements livrés sont bien inférieurs aux besoins du territoire. Se pose donc très vite la question de comment choisir les familles qui vont pouvoir bénéficier d’un de ces logements. La campagne des élections municipales avait déjà pu révéler dans les communes concernées par les livraisons annoncées que certaines attributions auraient pu relever de la proximité entre ceux qui attribuent et ceux qui bénéficient, les besoins des familles passant quelquefois au second plan. On se souvient également s’agissant des logements sociaux de Mgombani à Mamoudzou, il y a quelques années que les attributions avaient rendu particulièrement insatisfait la population et les élus de la commune.

Si la construction de logements sociaux est indiscutablement une priorité pour le territoire afin de résorber l’habitat insalubre et de permettre aux habitants de vivre dignement, la question de la transparence dans les attributions va très vite devenir une question centrale dans la vie politique mahoraise après avoir défini une stratégie globale quant aux attributions.

Une résidence SIM à Mayotte ©DR

Une résidence SIM à Mayotte ©DR

Dans l’Hexagone, les années 2 000 avaient été l’occasion de dénoncer du favoritisme dans l’attribution des logements obligeant les pouvoirs publics à résilier des baux et à mettre en place des critères et des commissions pour pouvoir attribuer ces logements. A Paris, lors des commissions de bailleurs, les dossiers sont anonymisés. Comment Mayotte va-t-elle s’organiser pour répondre à cette exigence d’équité entre les attributions ? Par ailleurs, la question de la production de logements sociaux reste entière.

En effet, 450 logements produits par la SIM, c’est bien insuffisant pour commencer à enrayer l’habitat insalubre. L’INSEE dans sa dernière enquête logement révélait que 4 logements sur 10 en 2017 étaient des cases en tôle. Dans la seule commune de Mamoudzou, l’INSEE dénombre 17 871 logements dont 8 350 cases en tôle. Le Maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaila a estimé quant à lui que pour commencer à endiguer le fléau que constitue ce type d’habitat, il faut produire 400 logements sociaux par an dans le seul chef- lieu. On est encore loin du compte.

Les financements sont mobilisables pour la construction de logements puisque l’État en finance la majeure partie. Il faut ensuite que les promoteurs soient en capacité de suivre le rythme des constructions ce qui implique que les matériaux sont disponibles et que les entreprises peuvent répondre à la demande. Par ailleurs, pour imaginer un programme, du foncier doit être disponible. Ce n’est pas n’importe quel foncier… il faudra que les parcelles permettent de répondre aux aléas des risques naturels… Ce ne sera donc pas simple de tenir le rythme de cette politique publique à Mamoudzou comme ailleurs sur le territoire, elle est pourtant centrale pour répondre aux enjeux du développement.

Anne-Constance Onghéna