Les Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté de Mayotte  : Passer de la parole aux actions pour être crédible

Les Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté de Mayotte : Passer de la parole aux actions pour être crédible

Ce sont près de 2000 personnes qui ont participé directement ou indirectement aux premières Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté de Mayotte. Enquêtes, forums citoyens, ateliers, tables rondes… Tout a été mis en œuvre pour que ce premier évènement soit à la hauteur des enjeux : tenter de trouver des solutions concrètes pour rétablir la sécurité et la sérénité au sein de la population. L’événement a duré 2 jours. Il était à l’initiative de la mairie de Mamoudzou, et aussi de la Préfecture, du Département et de l’Association des maires de l’île.

« Pensez-vous que votre village, ou votre quartier est sûr ? » Cette question a été posée à plus de 1000 personnes, grâce à une enquête lancée en amont de ces premières Assises de la Sécurité au lycée des Lumières ( Mamoudzou Nord). Seuls 2% des participants se sentent totalement en sécurité chez eux. Ils sont 80 % à ne pas se sentir en sécurité. La moyenne nationale étant de 21%, l’enquête citoyenne réalisée entre le 9 et le 30 octobre prouve, s’il le fallait encore, l’urgence pour les acteurs politiques, économiques, du monde civil et associatif de se réunir pour tenter de trouver des solutions concrètes et pérennes à la montée de la violence que connaît le territoire de Mayotte.

Le pari n’était pourtant pas gagné. Certains n’ont pas hésité, à l’instar de Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, à exprimer à quel point leur scepticisme était grand à l’annonce de l’organisation de ces Assises sur le territoire, tant les défis sont nombreux… Et pourtant, c’est bien ce dernier qui, en conclusion des deux jours de réflexion, a salué l’initiative. « Les esprits d’élite discutent des idées. Les esprits moyens discutent des événements. Les esprits médiocres discutent des personnes», a-t-il lancé à une salle à moitié pleine, mesures sanitaires obligent. « Monsieur le Maire de Mamoudzou, j’ai le sentiment qu’à l’occasion de ces Assises que nous venons de vivre, nous avons davantage discuté des idées que des personnes, et cela est assez remarquable. Cela consacre la réussite de ces premières Assises de la Sécurité et de la Mobilisation Mahoraise», a poursuivi le représentant de l’État, qui a indiqué penser déjà aux prochaines Assises, où la question de la santé devrait être débattue, selon lui.

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Des interventions animées

De nombreuses thématiques ont été abordées le 9 et 10 novembre derniers. On y retrouvait notamment la question de la lutte contre la pauvreté. Quels moyens doivent être mis en place pour améliorer les conditions de vie dégradantes qui constituent une des réponses face à la montée de la délinquance ?
« Ces jeunes ont faim. Ils ont soif», pouvait-on entendre dans la salle.

Parmi les solutions évoquées : l’augmentation des fonds pour les structures sociales qui accompagnent ces jeunes. Il a également été question de lutter contre l’habitat illégal et insalubre. « 3 Français sur 10 et plus de 3 étrangers en situation régulière occupent ces habitats» a indiqué le préfet de Mayotte, qui a par ailleurs annoncé qu’une centaine de logements illégaux seraient détruits prochainement, entraînant le délogement de près de 400 personnes. « Il faut décider des choses pour comprendre que les choses affectent. Cela ne se fait pas sans douleur. C’est peut-être pour cela qu’elles n’ont pas été faites avant. Nous sommes déterminés à le faire, dans la justice et le respect de la loi mais ne perdons pas la part d’humanité qui est en nous dans cette lutte», a poursuivi le représentant de l’État qui a par ailleurs rappelé que si la population légale de Mayotte était connue, il n’en était rien de la population réelle. « Personne ne la connaît, puisque l’Insee ne l’a pas donnée».

C’est un préfet au discours combatif qui a conclu: « il faut des règles spécifiques à Mayotte, compte tenu de ce qu’est le territoire, compte tenu des difficultés. Il faut des règles qui ne s’appliqueraient qu’à Mayotte, pendant 5 ou 10 ans. Il faut des règles pour nous permettent de franchir une étape, sur l’aménagement, l’économie, l’urbanisme, voire sur le régalien…»

Les questions de la maîtrise des frontières et la lutte contre l’immigration illégale faisaient également l’objet de débats animés. « L’État ne manque ni de volonté ni de moyens… Il manque, peut être, d’organisation…» a poursuivi le préfet. Il en a profité pour rappeler des chiffres : le taux d’interception des kwassas kwassas était de moins de 40% en 2019. En juin, il était à presque 70%.

École laïque et école coranique

L’une des autres thématiques importantes de ces Assises est la place de l’éducation religieuse dans la société mahoraise. L’atelier  «Éducation et prévention » présidé par Abdou Dahalani, du Conseil Économique et Social de Mayotte a accueilli une trentaine de personnes, des représentants religieux, des enseignants, mais également des parents d’élèves. Ils étaient réunis autour de cet atelier où il était question de l’éducation sous toutes ses formes – scolaire, populaire ou religieuse. À Mayotte, où la société est majoritairement musulmane, l’école laïque et l’école coranique cohabitent. « Il serait temps de faire un focus sur cette cohabitation. Il est démontré que l’école coranique est un lieu de sociabilisation. Elle nous apprend à nous intégrer, elle nous apprend, à compter, à lire, à mémoriser, à respecter les parents, à respecter les plus âgés, à respecter notre environnement et l’espace dans lequel nous vivons. L’école coranique a fait ses preuves. Or dès qu’on en parle, cela fait peur à un certain nombre de personnes, car nous sommes rentrés dans un schéma ou nous devons rentrer dans des cadres. Le débat mériterait de revenir sur le devant de la scène».  La place des cadis ( ndlr : juge musulman remplissant des fonctions civiles, judiciaires et religieuses) au sein du Département a fait l’objet de quelques interventions remarquées. Les représentants des instances religieuses de l’île avaient d’ailleurs été invités à prendre part au débat. Hamada Mahamoud Sanda, le Grand Cadi de Mayotte et le père Bienvenu Kasongo, curé de la paroisse Notre Dame de Fatima ont ainsi pu échanger sur la place de la famille, de la religion et de l’école, au côté du recteur Gilles Halbout.

L’atelier Éducation et Prévention à Kaweni lors des Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté

L’atelier Éducation et Prévention à Kaweni lors des Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté

Des synthèses attendues

De nombreuses autres propositions ont été faites: la mise en place d’une Cour d’appel de plein exercice à Mayotte, ou encore l’inscription de Mayotte dans l’espace Schengen, pour permettre la libre circulation des personnes en situation régulière. Elles seront toutes répertoriées sous la forme d’une synthèse qu’un comité de suivi va rédiger. Celui-ci se réunira dès la semaine prochaine. Les principaux organisateurs se réuniront à nouveau dans quelques mois pour faire un bilan d’étape des propositions énoncées. Un diagnostic de la situation et un plan d’actions réalisables seront également soumis au gouvernement.

Retrouvez le bilan de ces Assises de la Sécurité et de la Citoyenneté en compagnie du Maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila et la conseillère municipale et référente LREM, Aminat Hariti, en vidéo en cliquant sur ce lien.

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Par Abby Said Adinani

Pour voir et revoir ces assises , sur le site de Outremers360 et sur les différents reseaux sociaux de Outremers360: