À La Réunion depuis les années 1970, une variété de riz, nommé Dourado Précoce, est cultivé par l'Association Riz Réunion (ARR), qui milite pour l'émergence d'une filière propre à La Réunion. Le Département, accompagné par différents partenaires, s'engage dans cette voie.
Le Dourado Précoce est une famille de riz dont la particularité est d'être cultivé non pas en milieu aquatique, à l'image des traditionnelles rizières, mais par semis en terre. Cette variété de riz, nommée pluviale, a été importé sur le territoire par le passé, et Nicolas Florence, directeur de l'ARR, souhaite son développement et appelle à l'émergence d'une filière locale.
Évoquant l'histoire de cette culture locale, il résume : “En 1828, rien que sur Saint-Paul, il y avait 1200 hectares de riz pluvial ! La culture a été abandonnée petit à petit. En 1975, nos "aïeux" de la Setariz ont importé et ont fait la promotion de la variété Dourado précoce qui correspond totalement aux Réunionnais”. Le Département et d’autres partenaires comme la Chambre d’agriculture, LEADER, le TCO ou l’Armeflhor soutiennent activement cette démarche de promotion et de redynamisation de la culture du riz pluvial à La Réunion.
Ainsi, depuis 2020, l’accompagnement financier du Conseil départemental, pour réaliser les études, la mise culture ou encore les plantations, s’élève à 30 000€. Récemment, l’ARR présidée par Amandine Vallerian, a fait l’acquisition de deux machines : une décortiqueuse de paddy et une polisseuse pour « blanchir » le riz. Le Département avait alors financé l’achat de ces « pièces-maîtresses du processus de production », dont le coût total s’élève à 8 000€.
À l'occasion d'une démonstration de ces deux machines, organisée dans les locaux de l’Armeflhor à Saint-Pierre, le conseiller départemental Bruno Robert vantait les mérites du projet. “La sécurité alimentaire est une priorité et l’alimentation, un secteur stratégique, pour La Réunion. Des filières agricoles péi, comme l’élevage, les fruits et légumes sont déjà assez développées. Pour l’élément principal de la cuisine réunionnaise qu’est le riz, ce genre d’initiative mérite toute notre attention et notre soutien pour palier notre faiblesse. D’autant que c’est un riz de qualité, produit localement, qui est mis en avant dans le cadre de ce projet”.
À l’issue de la démonstration et de la présentation de toutes les étapes de production, Bruno Robert et les autres partenaires ont goûté au riz péi accompagné de caris créoles préparés par les membres de l'ARR. La séance de dégustation a permis aux partenaires de tester la différence entre le riz blanc et le riz dit complet. Cette seconde variante, consommée sans être passée dans la polisseuse, s’avère plus riche en fibres, en vitamines et bien meilleure pour la santé.
Une autre caractéristique est alors soulignée par Nicolas Florence : “Ce riz i boit la sauce cari, comme i dit gramoun lontan. Ce n’est pas un riz sec. C’est un riz frais qui a un fort rendement à l’intérieur et qui, en parfait élément d’accompagnement, s’imprègne de la sauce et relève le goût du cari. Il « gonfle » à la cuisson : ou mèt une petite quantité dans la marmite, quand lé cuit, ou gagne beaucoup !”.
Une ouverture au public pour découvrir le riz local
Pour le samedi 16 octobre prochain, l’ARR invite le grand public au débarcadère de Saint-Paul pour découvrir ce riz lontan.
Grâce à des planteurs de Cilaos qui ont en gardé la semence et aux passionnés de l’ARR, ce riz lontan peut revenir aujourd’hui au goût du jour. Nicolas Florence assure qu’à La Réunion, les planteurs accompagnés par l’ARR et les techniciens de la Chambre verte produisent aujourd’hui en moyenne 3 tonnes à l’hectare. “L’idée n’est pas de remplacer les 43 000 tonnes de riz importés tous les ans dans l’île, mais tout simplement de… planter le riz à La Réunion. Nous sommes dans un milieu tropical, nous avons la semence reproductive : nou lé capab de le faire !”.
Développer la filière, former les agriculteurs, miser sur la qualité
L’ARR mise avant tout sur la qualité. Elle a mis en place un dispositif qui vise à multiplier les petites parcelles disséminées dans les 4 coins de l’île, de manière à déterminer les zones géographiques les plus propices à la culture et à la saisonnalité de la culture. Cette expérimentation, d’une durée de 16 mois, permettra d’établir un « calendrier paysan » qui servira à produire sans perte de rendement.
Bruno Robert partage cette approche qui vise avant tout à favoriser l’installation et la stabilisation de l’activité : “Dans l’agriculture, sur le thème de l’alimentation beaucoup de monde parle. Mais l’agriculture n’est pas régie par la théorie ; elle est régie par l’action et la réalité. L’ARR et le Département sont dans le concret : on a vu le riz pays, on a vu comment ça réagit dans le champ, on l’a touché, on a vu la qualité, on a même goûté aujourd’hui. On commence par des plantations de 3000 m² puis on augmente au fur et à mesure les surfaces. C’est avec une politique de ti pa, ti pa et ce genre d’initiative qu’on va convaincre les agriculteurs sur la pertinence de ces alternatives et les rassurer pour l’avenir”.
L'ARR organisera une série de formation de 3 jours à partir de fin novembre 2021, dans les locaux de la Chambre verte, sur les 3000m² de terrain de culture de l’association à Saint-Paul ainsi que sur le site de l’Armeflhor. La formation sera ensuite suivie d’un appui technique personnalisé durant les 4 mois de culture. L’objectif est de rendre autonome le « riziculteur péi ». Actuellement, plus de 70 agriculteurs sont vivement intéressés par la filière naissante.
Damien Chaillot