Interview. Philippe La Cognata, directeur de l'IEDOM de La Réunion : « Pour réussir, les startups doivent combiner innovation technologique, stratégie de marché réaliste et gestion rigoureuse»

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Interview. Philippe La Cognata, directeur de l'IEDOM de La Réunion : « Pour réussir, les startups doivent combiner innovation technologique, stratégie de marché réaliste et gestion rigoureuse»

À La Réunion, les start-ups se multiplient mais peinent encore à atteindre la maturité économique. Une étude de l’IEDOM a dressé en août dernier le portrait d’un écosystème prometteur, porté par des entrepreneurs enthousiastes mais confrontés à de fortes fragilités structurelles. Pour Outremers 360, Philippe La Cognata, directeur de l'IEDOM de La Réunion revient sur les enseignements de cette enquête.

 

Pourquoi l’IEDOM s’intéresse-t-il aux startups à La Réunion ?   

Les acteurs du développement économiques de La Réunion, qu’ils soient publics comme la Région et l’État, ou privés comme le Village by CA ont mis en place des aides financières et des structures d’accompagnement des startups. On a vu quelques startups réunionnaises réussir à se développer, en partie grâce à ces coups de pouce, et d’autres échouer. L’idée de notre étude était donc de comprendre quels étaient les facteurs de réussite. Nous avons cherché dans un premier temps à décrire l’écosystème des startups, puis dans un second temps nous avons interrogé leurs fondateurs.

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Quelles sont les particularités des startups réunionnaises ? 

Nous en avons recensé un peu plus de 70 entreprises. Les startups réunionnaises sont majoritairement en phase d’idéation ou de création, avec 36 % ayant moins de 3 ans et 59 % moins de 5 ans. Leur jeunesse explique leur faible génération de chiffre d’affaires (CA) et d’emplois : 80 % déclarent un CA inférieur à 100 000 euros et moins de 5 salariés. Moins d’un quart ont réussi une levée de fonds, pour un total estimé à 40 millions d’euros, dont les deux tiers proviennent des startups « scalables ».

De nombreuses startups réunionnaises ont fait parler d’elles à Vivatech. Qu’en pensez-vous ?

Plusieurs startups s’illustrent au-delà de nos îles depuis plusieurs années. On peut citer la startup réunionnaise FlyR, sélectionnée par la Direction générale de l’armement pour développer un drone de nouvelle génération destiné aux forces armées françaises, ou Feelbat, qui révolutionne les capteurs de fissures connectés, et annonce une ambitieuse 2e levée de fonds. Auparavant, Wello, avec son triporteur à assistance électrique, Oscadi, l'un des premiers devices médicaux pour l'iPad, et Torskal avec ses nanoparticules ont également rencontré un succès à l’époque. Mais attention, certaines de ces pépites ont malheureusement disparu depuis.

Mais alors quels sont les freins que vous avez identifiés au développement des startups à La Réunion ?  

Ce qui est clair c’est que les facteurs de réussite des startups s’appuient principalement sur le profil du porteur de projet : ses compétences managériales, sa vision et son réseau conditionnent largement la survie et l’attractivité de la startup. Cette montée en compétences n’est, semble-t-il, pas suffisamment accompagnée, selon les entretiens réalisés. Les chefs d’entreprise réclament un soutien plus personnalisé, via des mentors ou des comités d’experts.

Ensuite, les ressources financières apparaissent paradoxalement moins prioritaires, sauf pour les startups scalables (à fort potentiel), plus gourmandes en capitaux. Les aides financières sont complexes à obtenir pour des structures naissantes, d’autant plus difficiles, que les acteurs traditionnels locaux ne disposent pas des mêmes expertises que les acteurs spécialisés.

Que faut-il faire alors pour améliorer les choses ?

Les startups ont besoin de la participation de financeurs particuliers. Parmi eux, les business Angels apparaissent comme indispensables pour faire progresser les startups réunionnaises, par leur apport financier, mais également par leur expérience. Il faut être conscient du fait que l’éloignement géographique complique aussi l’accès aux investisseurs extérieurs. Il est donc important de favoriser les premiers financements localement. Mais il faut aussi que les startups adoptent de vraies stratégies d’entreprise plus axée sur la rentabilité.

Que voulez-vous dire par là ?

Les startups doivent adopter une logique proche des entreprises traditionnelles : un modèle d’affaires axé sur la rentabilité et une gestion frugale des ressources. Le cycle de ventes doit alimenter l’exploitation afin de réduire les risques de défaillance et rassurer les investisseurs. Les premiers clients sont essentiels pour tester et ajuster l’offre. Pour réussir, les startups doivent combiner innovation technologique, stratégie de marché réaliste et gestion rigoureuse.