INTERVIEW. Mass Youssoufa, co-réalisateur du 1er long-métrage mahorais ‘Koungou’ en présentation à La Réunion : « Nous ne nous attendions à rien en nous lançant dans cette aventure et tout ce qui nous arrive depuis est incroyable »

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INTERVIEW. Mass Youssoufa, co-réalisateur du 1er long-métrage mahorais ‘Koungou’ en présentation à La Réunion : « Nous ne nous attendions à rien en nous lançant dans cette aventure et tout ce qui nous arrive depuis est incroyable »

« Dans l'ombre des quartiers difficiles de Mayotte, Hakim et Izak, deux lycéens, luttent chaque jour pour échapper à un destin tracé par la violence. (…) Ce récit poignant explore les complexités de la jeunesse en marge, confrontée à la dure réalité d'une société en crise. » Tel est le synopsis du film Koungou, à l’affiche dans les salles de cinéma. Depuis sa sortie officielle à Mayotte, le 1er mai dernier, l’engouement est tel que de nouvelles dates à Paris, Rennes et Lyon ont été programmées. Ce 4 juin, c’est à Saint-Paul de La Réunion que ça se passe. Pour Naftal-Dylan Soibri et Mass Youssoufa, à l’écriture et à la réalisation du film, l’objectif est désormais de réussir à ce que le film soit projeté dans le plus de salles de cinéma possible, mais aussi dans les festivals du monde. Ils ont accordé un entretien à Outremers360.

Outremers360 : Quelle a été l'inspiration initiale pour le film Koungou et comment cette idée a-t-elle évolué au fil du temps ?

Naftal-Dylan Soibri : Le film a été avant tout un projet initié par la mairie de Koungou dans le but de sensibiliser la jeunesse à la délinquance juvénile. Durant l'élaboration du scénario, nous sommes partis à la rencontre de médiateurs sociaux et d'anciens délinquants. Ayant grandi à Mayotte, je me suis également beaucoup inspiré de ce que j'ai pu voir et entendre durant mon enfance. Nous voulions être le plus authentiques et réalistes possible.

Quels sont des défis majeurs que vous avez rencontrés lors de la réalisation de ce film ?

Mass Youssoufa : Le plus gros défi était de ne prendre aucun parti, seulement exposer des faits. Mais la grande difficulté était de condenser des histoires de vies dans un long métrage de 1h35. On estime qu'il aurait fallu au moins 3h de film.

Comment s'est déroulé le processus de casting ?

M.Y : Une fois les personnages définis, nous avons lancé un appel à casting sur les réseaux sociaux, avec une boîte mail pour recevoir des pré-sélections par présentation vidéo avant de les contacter pour une audition. Pour l’audition, nous leur faisions jouer des petites séquences du film, généralement les plus difficiles, pour être certains qu’ils puissent jouer tout le reste.

Quelles qualités recherchez-vous chez les acteurs principaux ?

M.S : Le sérieux. Avec un petit budget et peu de temps, la priorité était d’avoir des gens sérieux. La performance aurait suivi avec de l’entraînement, mais pour cela il nous fallait des gens sérieux.

Comment avez-vous collaboré en tant que co-réalisateurs ? Quel était le rôle de chacun ?

M.S : Étape compliquée. Je voulais un film plus mûr et posé, tandis que Naftal souhaitait un film jeune et dynamique. Il a été difficile de concilier ces deux visions. La solution trouvée a été d'inclure deux temporalités dans le film : une partie sur leur jeunesse et une partie sur leur vie adulte.

Quels aspects de la production du film vous ont le plus surpris ?

M.S : Je dirais le "après film", la facilitation de l’inscription du film au CNC, en passant par la fabrication finale du film et les autres processus pour faire exister le film. Je pensais que cela serait beaucoup plus compliqué que ça.

Parlez-nous de l'expérience de tournage sur les lieux ?

M.S : Habitué des tournages, je me surprends encore à apprendre, découvrir et apprécier le métier. C’est beaucoup d'adrénaline et de bon stress, puis toujours cette bonne sensation une fois le film terminé.

Y a-t-il des anecdotes qui vous viennent en tête ?

N-D.S : Au début du projet, lorsque nous avons choisi les acteurs après le casting, ils étaient tous motivés. Ce qui m'a vraiment marqué, c'est le premier rendez-vous. J'appréhendais beaucoup ce moment, car je m'attendais à un manque de ponctualité de la part de certains qui n'ont pas l'habitude d'être dans une situation professionnelle avec des contraintes horaires. Lors du premier rendez-vous pour la journée de coaching des acteurs, fixé à 8h, tous les jeunes acteurs sont arrivés à 6h du matin, excités et prêts à embarquer dans cette aventure. Ce moment m'a vraiment marqué et m'a motivé pour la suite de l'aventure.

Comment avez-vous financé le projet ?

N-D.S : Nous avons dû frapper aux portes des entreprises dans le but d'obtenir des partenariats et des fonds supplémentaires. Le cinéma étant tout nouveau à Mayotte, il a été difficile de convaincre les entreprises de nous suivre dans ce projet ambitieux. Trois partenaires ont fini par accepter de nous accompagner financièrement dans cette aventure et ce défi incroyable (La SIM, Transdev et Majitek), et leur contribution financière nous a été très précieuse.

Les membres de l'équipe du film en tournée promotionnelle dans l'Hexagone ©DR

M.S : Et aussi, grâce à mon expérience et au fait que je sois autodidacte, nous avons pu faire beaucoup de bricolage, restreindre plein de choses qui ont permis de gagner beaucoup de temps et de pouvoir juste juste rentrer dans le budget.

Parlez-nous de cette tournée dans l’Hexagone.

N-D.S : Je ne réalise pas vraiment. Tout cet engouement, toutes ces salles remplies et toutes ces demandes supplémentaires. Je ne m'attendais pas à vivre tout ça pour être honnête. Aujourd'hui, recevoir autant d'encouragements et de demandes pour d'autres villes nous touche. Je ne m'étais pas préparé à vivre tout ça.

M.S : Chaque jour est une bonne nouvelle. Nous ne nous attendions à rien en nous lançant dans cette aventure et tout ce qui nous arrive depuis est incroyable. On vit un rêve.

Quels sont vos projets futurs après "Koungou" ? 

N-D.S :& M.S : C’est un gros projet. Cela prendra beaucoup de temps, mais nous sommes déjà en train de nous pencher sur le prochain film : Les Chatouilleuses.

Les prochaines dates de projection dans l’Hexagone sont à retrouver ici : https://ndproduction.fr/

Propos recueillis par Abby Said Adinani