Deux mois après le passage du dévastateur cyclone Chido sur Mayotte, le Parlement a définitivement adopté jeudi le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de l'archipel, première étape considérée comme nécessaire mais insuffisante, avant un second texte prévu au printemps.
Consensuelle, cette loi d'urgence prévoit principalement des assouplissements aux règles d'urbanisme et de commande publique, ainsi que quelques mesures sociales, comme des facilités fiscales. Après l'Assemblée unanime mercredi, le Sénat a adopté jeudi en milieu de journée, à main levée, ce texte issu d'une concertation entre députés et sénateurs.
Il ne s'agit que d'une « première réponse », a commenté à cette occasion le ministre des Outre-mer Manuel Valls. « Après le temps de l'urgence et celui de la reconstruction, viendra celui de la refondation ». Un second texte, visant à « permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases » est déjà en préparation, et sera présenté « d'ici quelques semaines », a indiqué le ministre.
Mais contrairement à la loi d'urgence, il devra cette fois contenir des mesures sur l'immigration, bien moins consensuelles. Cette loi d'urgence est le premier projet de loi mené à son terme et de bout en bout par le gouvernement de François Bayrou, le budget de l’État ayant été préparé par son prédécesseur Michel Barnier.
Mayotte « veut du solide »
Mayotte, département le plus pauvre de France, dans l'océan Indien, a été frappé le 14 décembre par le meurtrier cyclone Chido, qui a causé des dégâts considérables. Le « coût des destructions » est évalué autour de 3,5 milliards d'euros, selon Manuel Valls. Le projet de loi prévoit la création d'un nouvel établissement public chargé de la reconstruction.
Il acte des mesures pour rebâtir rapidement des écoles, et charge l'État de cette responsabilité à la place des collectivités jusqu'à fin 2027, sur demande des communes. Il dispense d'autorisation d'urbanisme les constructions temporaires visant à loger le personnel dépêché pour la reconstruction, à abriter les bureaux de services publics détruits, ou à créer des classes démontables. Mais la durée maximale de ces constructions a été limitée à deux ans.
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« Je redis ici nos vives réserves sur ces constructions modulaires », a déclaré mercredi Estelle Youssouffa, députée de ce département (groupe centriste Liot) et rapporteure du texte. « Mayotte, je le dis ici, veut du solide, du durable, du concret pour sa reconstruction ». « Nous serons très vigilants sur les mesures contenues dans cette loi d'urgence. Nous allons tous les mois faire le point sur l'application de ces dispositions », a aussi averti jeudi le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili.
Le texte comprend également une mesure pour les propriétaires, qui pourront souscrire un prêt à taux zéro pour réhabiliter leur logement, jusqu'à 50 000 euros. Le renouvellement automatique des droits et prestations sociales des résidents mahorais a lui été repoussé jusqu'au 30 juin, sans justificatif. Deux rapports sont en outre prévus : l'un portant sur le bilan, notamment humain, de la catastrophe, qui a officiellement fait 40 morts, et l'autre sur les disparités entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et dans l'Hexagone.
Bidonvilles
Le sujet des bidonvilles, intrinsèquement lié à la question migratoire, avait tendu les débats. La gauche a ainsi protesté contre une mesure visant à conditionner la vente de tôle à la présentation d'une pièce d'identité et d'un justificatif de domicile, ce qui exclut de facto les sans-papiers. « L'obligation de justifier d'une adresse pour construire ou reconstruire son habitat après un cyclone ne correspond ni à notre vision de l'égalité, ni à notre conception de l'humanisme », a critiqué jeudi la sénatrice écologiste Antoinette Guhl.
Pour le second projet de loi attendu au printemps, Manuel Valls a indiqué travailler avec son collègue de l'Intérieur Bruno Retailleau, et plaidé pour un rapport « beaucoup plus ferme avec les Comores » voisines, d'où viennent la plupart des immigrés. Comme pistes, Manuel Valls a notamment cité l'extension de l'aide au retour volontaire et l'augmentation des éloignements de clandestins.
Avec AFP