C’était du 23 au 27 septembre dernier : Copenhague a accueilli la 49ᵉ édition d’Apimondia, le congrès mondial de l’apiculture. Parmi les acteurs venus de tous les continents, l’ingénieure de recherche Jennyfer Yong-Sang. La Réunionnaise développe depuis plus de dix ans une approche scientifique rigoureuse pour mieux comprendre et valoriser le miel, le pollen et la propolis au CYROI (Cyclotron Réunion Océan Indien). Aujourd’hui, avec le projet Prop’OMiel, elle espère bâtir une coopération inédite entre La Réunion, les Comores et les Seychelles, tout en visant la reconnaissance internationale d’une apiculture océan Indien durable et innovante.
C’est entre deux vols que l’ingénieure de recherche Jennyfer Yong-Sang nous accorde un entretien. Elle revient tout juste de Copenhague, où s’est tenue entre le 23 et le 27 septembre la 49ᵉ édition d’Apimondia, le plus grand rassemblement international autour de l’apiculture. À peine l’événement achevé, elle regagne La Réunion, les valises remplies de notes, de nouvelles connaissances et de contacts prometteurs. « Apimondia, c’est un lieu où tout le monde se retrouve : les apiculteurs, les scientifiques, les équipementiers, les décideurs publics… C’est à la fois une vitrine et un laboratoire d’idées. » Pour Jennyfer Yong-Sang, ce séjour danois a marqué une étape importante : « Ma conférence s'intitulait 'Characterization of honeys from Reunion Island : Sustainable valorization of tropical insular beekeeping in the context of environmental challenges'. Pouvoir présenter ce travail, c'est une reconnaissance, mais aussi une fierté pour La Réunion et l’océan Indien. » Au-delà des conférences, ce sont aussi les rencontres qui l’ont marquée : « Nous avons notamment discuté d’une collaboration avec la Croatie et renforcé nos liens avec l’Union nationale de l’apiculture française. »

Si la filière apicole réunionnaise est riche de promesses, elle doit aussi relever de nombreux défis. L’île compte environ 700 apiculteurs et près de 26 000 ruches. « La filière a un potentiel énorme, mais elle reste vulnérable », souligne Jennyfer Yong-Sang. Cyclones, parasites et autres menaces environnementales pèsent lourdement sur la production. « On se bat pour obtenir une reconnaissance des miels de La Réunion avec une appellation d’origine protégée (AOP). L’idée, c’est de montrer qu’ils ont une identité propre et qu’ils ne sont pas interchangeables. C’est un travail de longue haleine, mais essentiel pour la filière. »
Apimondia, vitrine mondiale de l’apiculture
Pour Jennyfer Yong-Sang, Apimondia est un rendez-vous incontournable. L’ingénieure de recherche avait déjà participé à l’édition 2022 à Istanbul, en Turquie. Cette année à Copenhague, plus de 100 pays étaient représentés. Au programme : conférences scientifiques, symposiums, présentations de travaux de recherche, mais aussi découvertes des dernières innovations en matière de ruches, de traitements biologiques, de solutions contre les parasites ou encore d’équipements de nourrissement pour les colonies. « On découvre de nouvelles ruches adaptées aux différents pays, des pièges contre le frelon asiatique ou le petit coléoptère, des innovations pour l’apithérapie… C’est une amélioration constante des connaissances. On repart toujours enrichis de ce que l’on a vu et entendu », explique l’ingénieure, qui a participé à cette édition avec Jimmy Chane-Ming, responsable de l’unité analytique du CYROI. Mais participer à Apimondia représente un vrai investissement : « Un déplacement comme celui-ci coûte entre 7 000 et 8 000 euros. L’inscription seule est autour de 500 euros, mais il faut ajouter le voyage depuis La Réunion, l’hébergement et les frais logistiques. Heureusement, ces coûts ont été intégrés et couverts dans le cadre de notre projet Prop’OMiel, financé par le programme Interreg Océan Indien. Sans ce soutien, nous n’aurions pas pu faire le déplacement. » Pour l’ingénieure, ce congrès est autant une vitrine scientifique qu’un tremplin stratégique : « Ces rendez-vous sont indispensables si nous voulons que La Réunion et l’océan Indien soient visibles et crédibles à l’international. On ne peut pas rester isolés. » Déjà, le prochain grand rendez-vous se prépare : la 50ᵉ édition d’Apimondia, prévue à Dubaï en 2027.

Prop’OMiel, un projet pour fédérer au-delà des territoires
Cette future édition pourrait offrir une belle vitrine au projet Prop’OMiel. Lancé en juillet 2023 pour une durée initiale de trois ans, le programme est porté par le CYROI et financé par Interreg VI Océan Indien, pour un montant de 1,5 million d’euros. « Prop’OMiel fédère trois territoires : La Réunion, les Comores et les Seychelles. Trois filières apicoles, trois écosystèmes différents, mais un même enjeu : mieux comprendre et valoriser nos miels et nos propolis. »
Le projet prévoit l’installation de 50 ruches à La Réunion, 20 à la Grande Comore et 30 aux Seychelles, avec un accent particulier sur les mangroves. « C’est un double objectif : produire et protéger. Avec les cyclones Bélal et Garance, nous avons pris du retard et demandé une prolongation de 18 mois. L’acheminement des ruches est prévu pour mi-octobre, avec une installation espérée début décembre », précise Jennyfer Yong-Sang. Sur le plan scientifique, les équipes du CYROI travaillent sur trois matrices : miel, pollen et propolis. « La propolis est une matrice exceptionnelle. Nos études montrent des propriétés antimicrobiennes, antifongiques, anticancéreuses et un potentiel cicatrisant du miel de La Réunion. Nous avons déjà mené des essais préliminaires qui vont dans ce sens. » Au-delà de l’analyse, le projet vise aussi la valorisation future. « La chaîne de valeur est large : on peut imaginer des débouchés dans le nutraceutique, la pharmaceutique ou encore des produits cicatrisants. »
Dès mi-octobre 2025, des conteneurs de ruches doivent être acheminés vers les Comores et les Seychelles. « Nous visons une installation début décembre par des apiculteurs formés localement. L’objectif est de stabiliser rapidement les colonies pour éviter l’essaimage et collecter les premiers échantillons au plus tôt », explique l’ingénieure. La fin d’année sera également marquée par un comité de pilotage de Prop’OMiel, prévu entre fin novembre et début décembre, afin de dresser un premier bilan. « Nous avons deux ans pour produire des résultats solides et comparatifs entre La Réunion, les Comores et les Seychelles. Mon ambition est d’arriver à Dubaï avec des données robustes et de porter haut la voix de l’océan Indien. »