Le Froid, dont l’usine a été incendiée à Montravel lors des émeutes, sera reconstruite. La direction a annoncé, ce mardi 18 novembre, vouloir lancer le chantier d’ici 2028 dans la zone industrielle de Païta, pour une ouverture espérée en 2030. D’ici là, la société continuera de produire ses boissons comme le Coca-Cola et la bière Manta à l’étranger. Un modèle économique "déficitaire", pour lequel l’exonération temporaire des taxes douanières dont l’entreprise bénéficie est une question de "survie". Explications avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Vers une nouvelle usine implantée à Païta
Les images de l'immense panache noir de fumée qui s'élevait au-dessus de l'usine sont encore gravées dans les mémoires. Le Froid, plus grand outil industriel de type ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) détruite lors des émeutes, va renaître de ses cendres. L’annonce est tombée ce mardi 18 novembre, lors d’une conférence de presse qui a réuni de nombreux acteurs du monde économique et institutionnel. La société a d’ores et déjà lancé des études préparatoires pour reconstruire une plateforme de production, qui sera délocalisée dans la zone d’activités Ziza, à Païta. La direction espère obtenir toutes les autorisations et le permis de conduire d’ici 2027 pour poser la première pierre de ce chantier en 2028. Durée prévisionnelle des travaux : environ deux ans. L’ouverture de la nouvelle usine est donc attendue en 2030, ce qui permettra de faire travailler entre 200 et 250 personnes (emplois directs et indirects compris).
Le choix de ce site est lié à deux raisons principales : d’une part, l’industriel est déjà propriétaire du foncier, d’autre part, le PUD (plan d’urbanisme directeur) de la ville de Nouméa ne permet plus de construire une usine sur l’ancien site de Montravel. "Le chemin a été parsemé d’obstacles, mais nous n’avons jamais abandonné cette volonté de rebâtir. Nous renaîtrons plus fort, plus moderne, avec la même âme : celle d’une entreprise calédonienne fière, qui sert son pays et ses habitants, lance Christophe Badda, président du conseil de Le Froid. C’est un projet d’une ampleur importante sur lequel on a besoin d’un soutien continu."
Car la direction rappelle que la destruction de l’outil de production en mai 2024 a engendré le licenciement de 80 % des 130 emplois que comptait jusque-là l’entreprise, tout comme une perte du chiffre d’affaires estimée à 2,3 milliards de francs l’an passé et à environ 300 millions en 2025. Sans oublier le coût de l’incendie de l’ancienne usine, de l’ordre de 10,7 milliards selon les experts en assurance, qui ne prendront en charge, selon la direction, que 15 % du montant du préjudice. La construction de la nouvelle usine de Païta est quant à elle évaluée à ce stade à 9 milliards de francs.
Une délocalisation temporaire de la production
Depuis l’incendie, la société fait fabriquer la plupart de ses produits dans des usines partenaires en Nouvelle-Zélande, en Australie et à Fidji. Une situation "transitoire" qui permet de continuer d’exister sur les étals calédoniens face à la concurrence, mais dans des conditions économiques que la direction assure être "difficiles et déficitaires". "Le Froid perd de l’argent. Le chiffre d’affaires pour les produits qu’elle est encore en mesure de distribuer est en recul de 25 % à 67 %. Contrairement à certaines idées reçues, la production locale était moins coûteuse, poursuit Christophe Badda. Les volumes produits pour le seul marché calédonien sont faibles au regard des standards régionaux, ce qui renchérit le coût par unité produite. Par ailleurs, le transport maritime, les frais de stockage et les délais logistiques ajoutent encore aux charges, alors que les prix de vente au consommateur, eux, n’ont pas augmenté : Le Froid absorbe seule la totalité de ces surcoûts pour survivre." Un modèle économique que la direction estime temporaire, car "il ne pourra pas s’inscrire dans la durée"
L’exonération de taxes douanières : "une condition de survie"
Dans ce contexte, les élus calédoniens ont accepté d’exonérer les boissons de Le Froid, produites à l’étranger le temps de reconstruire l’outil local de production, des taxes douanières habituellement appliquées aux produits importés. "Ce n’est pas un avantage fiscal, mais une mesure de survie provisoire qui lui a permis de résister plutôt que de disparaître, estime le président du conseil de la société. La réglementation calédonienne distingue uniquement les producteurs locaux et les importateurs. Or, notre société est devenue, malgré elle, un modèle hybride après la destruction de son usine, et s’est donc retrouvée dans un vide juridique."
Ce statut temporaire accordé par le gouvernement est ainsi qualifié de "permis de travail pour Le Froid", qui précise que l’industriel continue de payer "l’ensemble des taxes comportementales", à commencer par celle sur le sucre, tout comme la TGC passée, elle, de 11 % à 22 % sur l’alcool (chiffre qui correspond au taux pour les produits importés). "La société est donc globalement plus taxée après l’incendie qu’avant, insiste Christophe Badda. L’exonération des taxes douanières à l’importation ne compense qu’une partie des surcoûts liés à la production extérieure."
Sauf que cette décision de dispenser de taxes douanières les produits de Le Froid fait grincer des dents, notamment du côté du syndicat des importateurs de Nouvelle-Calédonie (SIDNC) qui a décidé d’attaquer cette exonération concernant les bières Manta devant le tribunal administratif. Le 30 octobre, dans ces conclusions, la rapporteure publique de cette juridiction est allée dans le sens du syndicat, demandant l’annulation de l’arrêté pris par le gouvernement, autorité jugée "incompétente" pour prendre une telle décision "dépourvue de base légale".
Le jugement du tribunal administratif est, lui, attendu dans les prochains jours. La société Le Froid s’est refusée à commenter cette affaire tant qu’elle n’a pas été jugée. La direction confie néanmoins hors micro que les sommes en jeu concernant cette exonération ne sont pas majeures, puisqu’avant les émeutes, le modèle économique de la société Le froid reposait avant tout sur les sodas (Coca-Cola en tête) et boissons non alcoolisées, qui représentaient 90 % des volumes de production et 85 % du chiffre d’affaires.
Par Les Nouvelles Calédoniennes























