Pour célébrer ses 15 ans d’existence, la compagnie Artmayage dirigée par la chorégraphe réunionnaise Florence Boyer part en tournée à La Réunion et aux Antilles pendant tout le mois d’avril. Une belle opportunité pour voir sa dernière création « Kaniki 2.0 », un spectacle qui fait à la fois œuvre de mémoire et de soin en portant à la lumière l’histoire douloureuse des enfants de la Creuse, toujours méconnue en France.
15 ans déjà que la Compagnie réunionnaise Artmayage développe un travail chorégraphique contemporain inspiré de la tradition du maloya, cette musique inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Après « Charoy’ » et « Ravaz….Sizer La Swar » voilà « Kaniki 2.0 », la dernière-née de la compagnie dirigée par la chorégraphe Florence Boyer, une création qui complète le triptyque consacré à la construction de l’identité des mondes créoles.
Créé en 2018 « Kaniki » aborde les problématiques de migration, de déracinement et de perte d’identité. Une création chorégraphique qui figure le drame des enfants réunionnais arrachés à leurs familles et transplantés dans la Creuse pour « repeupler » cette région. Ainsi « Kaniki » désigne en créole les « sales gosses », des enfants perçus comme turbulents et qui avaient en plus le malheur d’être pauvres, des tares aux yeux des autorités de l’époque justifiant alors leur décision de les arracher à leurs familles. Les « kaniki » sont construits à la fois comme des victimes d’un milieu familial défaillant et des menaces du fait de leur prétendu « surnombre » dans l’île.
La danse comme thérapie
C’est en écho à ce trauma collectif – la transplantation forcée de 2 000 enfants réunionnais de 1963 à 1982, dont 48 d’entre eux sont revenus récemment pour la toute première fois dans leur île – que Florence Boyer a choisi de rendre compte de la déstructuration des familles, des corps et des âmes en esquissant un maloya contemporain qui rend hommage aux dimensions thérapeutiques et spirituelles d’une danse afro diasporique née de la résistance à l’esclavage. En quelque sorte, la danse comme thérapie, mais aussi comme figuration et transfiguration des maux passés en vue d’ouvrir l’à venir.
Une volonté que résume la chorégraphe réunionnaise en ses termes : « J’ai aussi voulu redonner à vivre, à travers ces chorégraphies, des moments qu’on a volés à ces enfants réunionnais déracinés, des moments d’allégresse, des jeux, d’insouciance… J’ai pris la liberté d’imaginer et laisser naître ce que peut être une mémoire de cette danse maloya qui se réinvente à partir d’amnésies, d’échos, de traces vécues pour laisser parler les corps… ».
C’est donc pour mettre en lumière ce drame humain tout en faisant œuvre de mémoire et œuvre de soins que la compagnie Artmayage portera sa dernière création pendant le mois d’avril dans le cadre du mois de la fête internationale de la danse d’abord à La Réunion (les 14, 15 et 21 avril) et ensuite aux Antilles et plus précisément à l’Artchipel, Scène nationale de Guadeloupe le 28 avril prochain. L’occasion pour les Antilles de s’approprier cette douloureuse histoire et migration forcée, sorte d’écho toutes proportions gardées de la traite négrière.
14 avril 2023 à Lespas Culturel Leconte de Lisle – Saint-Paul
13h30 scolaires – 20 h tout public
15 avril 2023 à l’Alambic Trois Bassins
18h tout public
21 avril 2023 à Lalanbik Pierrefonds
9h30 scolaires – 20h tout public
En Guadeloupe
« Démayé »
26 avril 2023 – 20h
Artchipel – Scène nationale de Guadeloupe
« Kaniki 2.0 »
28 avril 2023 – 20h
Artchipel – Scène nationale de Guadeloupe