Face à un kwassa kwassa amarré sur le quai, le sous-préfet de Mayotte chargé de la lutte contre l'immigration clandestine énumère les moyens déployés par les services de l'État dans cette lutte. Ils sont maritimes, mais aussi aériens.
« Désormais, trois bateaux intercepteurs naviguent jour et nuit pour détecter les embarcations clandestines. Celle-ci a été interceptée il y a deux jours », précise le sous-préfet Frédéric Sautron devant la longue barque décrépite en bois, dans laquelle stagnent trois centimètres d'eau. Une embarcation « plutôt en bon état », assure-t-il pourtant devant la ministre déléguée aux outre-mer Marie Guévenoux, venue la semaine dernière à Mayotte pour la quatrième fois avec des parlementaires auxquels elle a promis de montrer « la réalité du territoire ».
Pour repérer ce genre de bateaux et les aiguillonner en mer, un avion survole désormais les 70 km de mer qui séparent Mayotte d'Anjouan, l'île des Comores la plus proche, d'où arrivent chaque année plusieurs milliers de migrants. « Grâce à cela, nous sommes capables de distinguer la zone en identifiant les bateaux, le nombre de passagers et les animaux présents à bord », souligne le sous-préfet en montrant à Marie Guévenoux l'écran qui retransmet les images aériennes.
Selon le sous-préfet, l'avion, dont la mission a été confiée à un prestataire extérieur, vole une à deux fois par jour pour un total d'environ 1 200 heures annuelles. « Il nous permet d'avoir un temps d'avance, de voir en grand », confie-t-il à l'AFP.
Passeurs plus agressifs
Mais le cœur du dispositif reste maritime. Dans les eaux mahoraises, les trois intercepteurs de la gendarmerie et de l'unité nautique de la police aux frontières (PAF) naviguant jours et nuits sont épaulés par six autres navires qui peuvent être appelés en renfort. S'y ajoutent « des moyens technologiques avec un drone et un radar, ainsi que 30 militaires engagés sur nos côtes », soulignait Marie Guévenoux la semaine dernière.
En février, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin annonçait la création d'un « rideau de fer maritime » au large de Mayotte aux contours encore obscurs. Selon les informations de l'AFP, il impliquerait notamment une plus grande présence de la Marine française. Les radars installés à Mayotte, jugés obsolètes pas plusieurs observateurs, doivent être remplacés par du matériel plus performant.
Grâce à ces moyens, Frédéric Sautron note « une nette progression de la capacité à intercepter les kwassas, grâce à une meilleure détection ». En 2023, 965 embarcations clandestines ont été détectées, selon la préfecture, soit 25% de plus que l'année précédente. Le taux d'interception de ces kwassa a en revanche baissé, passant de 73% à 69%. Car la tâche n'est pas simple. « Les modes d'action sont de plus en plus agressifs et les passeurs de mieux en mieux organisés, notamment grâce à des complices sur place. Ils s'adaptent constamment à nos dispositifs », note Frédéric Sautron. Sans compter les refus d'obtempérer : au nombre de 39 en 2023, selon la préfecture.
Selon Fahad Idaroussi Tsimanda, docteur en géographie et spécialiste des questions migratoires à Mayotte, « un kwassa sur quatre » serait intercepté. « Énormément de choses se passent depuis le territoire mahorais. Des gens sur place servent d'indicateurs, les passeurs sont très bien informés », assure-t-il. « Il faut s'attaquer aux petites mains qui participent au trafic d'êtres humains mais surtout aux causes profondes de l'immigration clandestine depuis les Comores », estime Fahad Idaroussi Tsimanda, appelant la France à exercer une pression plus forte sur Moroni.
D'autant qu'en parallèle, les embarcations clandestines arrivent chargées de produits de contrebande. Près de 66 000 cartouches de cigarettes ont été saisies en 2023 pour une valeur marchande de quatre millions d'euros, selon la préfecture.
Avec AFP