Depuis 2024, Mayotte compte un nouveau médecin généraliste engagé pour son territoire. Dans un département classé comme le plus grand désert médical de France, Anthony Destouches n’est pas revenu les mains vides. À seulement 30 ans, le jeune Mahorais cumule les projets : en parallèle de son cabinet libéral, il a ouvert le premier centre de médecine esthétique et d’épilation laser de l’île. Le médecin se prépare également à déployer une nouvelle phase de son projet phare : une maison de santé pluridisciplinaire dont le chantier pourrait démarrer courant 2026.
C’est un samedi matin, entre deux consultations, que le Dr Anthony Destouches nous accorde un peu de temps. À 30 ans, le médecin généraliste est installé à Mayotte en libéral depuis bientôt deux ans. Un retour longuement mûri, après un parcours de formation exigeant. Avant son installation, il a multiplié pendant trois ans les allers-retours entre Mayotte et La Réunion dans le cadre de son internat obligatoire, une période charnière qui lui permet de confronter sa formation aux réalités sanitaires du territoire.
Formé à Lyon, où il a effectué ses sept années d’études, le jeune Mahorais n’a jamais coupé le lien avec son île natale. Dès que l’occasion s’est présentée, il a choisi de se rapprocher de Mayotte, animé par une volonté claire : contribuer, à son échelle, à l’amélioration des parcours de soins sur un territoire confronté à de profondes inégalités d’accès à la santé. Une ambition que traduit également son travail universitaire.
Soutenue le 15 décembre 2023, sa thèse, intitulée Étude descriptive aux urgences du Centre hospitalier de Mayotte d'une population adulte migrante illégale pour raison médicale, documente les raisons des arrivées de patients en provenance des îles voisines, tout en analysant les types de pathologies rencontrées. Un travail ancré dans le quotidien hospitalier mahorais, à la croisée des enjeux médicaux, sociaux et territoriaux. Si aujourd’hui le médecin semble solidement installé, le chemin n’a pourtant rien d’évident. « Des personnes de mon entourage me disaient que je n’allais pas y arriver, que c’était trop dur », confie-t-il. Avec le recul, Anthony Destouches analyse ces résistances sans amertume. « Il y avait beaucoup d’a priori, surtout de la part de personnes qui ne connaissaient pas forcément ces études et qui pensaient que c’était réservé à une certaine catégorie sociale. » Pourtant, dès l’âge de 15 ans, l’idée de devenir médecin s’impose. Après un baccalauréat obtenu avec mention très bien, il quitte Mayotte pour l’Hexagone. À Lyon, la première année de médecine se solde par un échec. Loin de l’abattre, cette étape renforce sa discipline. « Je n’étais peut-être pas le plus intelligent, mais je sais que j’étais parmi les plus travailleurs. J’ai persisté. Je me suis concentré sur le sport et mes études. La seconde fois était la bonne. »
Un retour programmé
Une fois diplômé, c’est tout naturellement qu’Anthony Destouches rentre à Mayotte. « J’avais déjà eu un aperçu de ce qu’était la vie d’un médecin généraliste à Mayotte et, pour moi, il n’y a que du positif. Les patients sont adorables et j’ai vraiment l’impression de répondre à un besoin. » Toujours dans cette dynamique, il se décide d’ouvrir, le premier centre de médecine esthétique et d’épilation laser du territoire. Le Centre Laser Mayotte a été lancé il y a quelques jours. « Je trouve que c’est quelque chose de génial de pouvoir aider certaines personnes de cette manière, en corrigeant des complexes, par exemple. Sur le plan psychologique, ça peut aider. » C’est au cours de sa formation complémentaire en médecine esthétique qu’il découvre l’épilation laser. « Au départ, je ne pensais pas du tout proposer ça », reconnaît-il. Cette technique, qu’il découvre presque par hasard, va pourtant rapidement faire sens. En échangeant avec son entourage et certains de ses patients, le jeune médecin prend conscience d’un manque réel sur le territoire. « Beaucoup de personnes faisaient leurs séances d’épilation laser dans l’Hexagone et, une fois revenues à Mayotte, ne pouvaient plus les poursuivre faute d’offre locale. »
Pensée d’abord comme une simple compétence supplémentaire, la médecine esthétique s’impose progressivement comme une réponse complémentaire aux besoins identifiés sur l’île. Ouvert depuis début décembre, le centre de médecine esthétique et d’épilation laser démarre progressivement. Mais si ce centre marque une étape importante dans son parcours, il n’en demeure pas moins un projet parallèle. Depuis plusieurs années déjà, Anthony Destouches prépare ce qu’il considère comme l’aboutissement de son engagement professionnel.

Une maison de santé au cœur de Kawéni
Lorsqu’il quitte Mayotte, jeune bachelier, pour poursuivre son rêve de médecine, Anthony Destouches ne s’imagine pas encore revenir si rapidement. « Même si c’est vrai que j’ai toujours dit aux gens, avant même de rentrer en première année de médecine, que j’avais envie de faire une structure de santé à Mayotte, à 18 ans, quand on quitte notre petite île pour l’Hexagone, on a envie d’explorer l’ailleurs », confie-t-il. Mais très vite, l’idée du retour s’impose. Deux ans seulement après son départ, sa trajectoire se dessine clairement. « Je savais que dès que je finissais mes études, je voulais rentrer pour exercer à Mayotte. Je ne me voyais pas rester dans l’Hexagone. » Une conviction nourrie par la réalité du terrain, par la conscience aiguë du manque de structures de soins et par un attachement profond à son île.
Depuis 2022, il travaille ainsi sur ce qu’il considère comme le projet de sa carrière : la création d’une maison de santé pluridisciplinaire à Kawéni. Un projet d’envergure, pensé comme un véritable pôle de soins de proximité. Le bâtiment, conçu sur trois niveaux, développera plus de 1 200 m² de surface et accueillera une offre de soins complète. « Trois médecins généralistes, trois médecins spécialistes, une pharmacie, un cabinet de radiologie, des kinésithérapeutes, une psychologue, des sage-femmes, des infirmiers », détaille-t-il.
Au-delà des chiffres, l’investissement est aussi personnel. Le budget global s’élève à 5 millions d’euros, avec un engagement financier conséquent pour le jeune médecin. « Je vais m’endetter à titre personnel à plus d’un million d’euros, mais le jour où j’aurai accompli cela, je pense que je me serai accompli professionnellement parlant. »
Reste désormais la question du calendrier. « Dans le meilleur des cas, la première pierre sera posée courant 2026, avec une estimation de travaux de 16 mois. »























