Le CNRS a dévoilé ce mercredi 14 juin sa feuille de route avec le souhait de développer son action au sein des Outre-mer pour répondre aux enjeux géostratégiques majeurs de ces territoires.
Si le CNRS porte des actions de recherche variées dans les territoires ultramarins, l'organisme de recherche ne représente que 9 % des scientifiques permanents sur les six organismes de recherche nationaux les plus présents sur les Départements ou Régions français d'Outre-Mer (DROM) et les Collectivités d'Outre-Mer (COM). Une problématique à laquelle le CNRS souhaite remédier avec la publication d’une feuille de route qui appuiera une stratégie future interdisciplinaire. « Cette feuille de route suit trois ambitions majeures : protéger et étudier le patrimoine naturel, favoriser les sciences avec et pour les sociétés ultramarines et développer le rayonnement international sur les bassins régionaux des outre-mer », explique Anne Renault, chargée de mission Outre-mer auprès de la direction du CNRS et pilote de cette feuille de route qui va maintenant se décliner au travers d’actions co-construites avec les acteurs des territoires.
Une nouvelle stratégie pour mieux accompagner les territoires ultramarins face aux nombreux défis dont ils font face comme les impacts du changement global sur les questions de préservation et d’adaptation de la biodiversité, de préservation des ressources naturelles et des risques naturels - sismiques, volcaniques ou climatiques, montée de la mer – mais également des maladies émergentes. «Les outre-mer englobent des enjeux majeurs pour notre avenir », souligne Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. « Et les sujets sont variés, allant de la prévision des impacts du changement climatique, à l’accompagnement de l’adaptation et du futur des populations, en particulier des citoyens des milieux insulaires, mais également à des enjeux d’éducation, de transition énergétique, d’innovation, de cultures, ou encore de conflits d’usages exacerbés notamment en zone littorale ».
Trois ambitions majeures
La nouvelle feuille de route Outre-mer du CNRS fixe trois objectifs précis. Premièrement, Être au plus proche pour étudier le patrimoine naturel.Autrement dit, il s'agit d'aborder les grands défis de demain de ces territoires en améliorant la connaissance, mais également de renforcer les infrastructures existantes ou expérimentales d’observations pour mieux comprendre cette adaptation. « La première ambition de cette feuille de route cible la résilience et l’adaptation des socio-écosystèmes intertropicaux insulaires ou amazoniens au changement global », indique Anne Renault.
Deuxièmement, favoriser le partage et la confiance avec les sociétés ultramarines pour mieux appréhender et construire leur futur. Cela se traduit par encourager le transfert des connaissances vers le grand public—notamment les plus jeunes— mais aussi saisir les opportunités en matière d’innovation (comme autour des énergies renouvelables, des substances naturelles), ou encore sensibiliser en hexagone à l’histoire et au patrimoine naturel de territoires d’outre-mer.« Les populations de territoires Outre-mer et les directions de l’État ont un besoin crucial de partage de connaissances et d’un pacte de confiance avec les scientifiques pour mieux appréhender et construire leur futur », précise Anne Renault.
Troisièmement, un rayonnement international sur les bassins régionaux des outre-mer. L’organisme souhaite une meilleure articulation entre ces acteurs. En effet, les laboratoires d’outre-mer disposent d’une dimension internationale stratégique par leur positionnement géographique. Pour relever ces défis, le CNRS devra lier sa stratégie aux nombreux dispositifs étatiques de recherche : PIA4 d’ExcellencES ,Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) du plan d’investissement de France 2030 ou Plan Innovation outre-mer (PIOM) du secrétariat général pour l’investissement (SGPI). Le CNRS copilote actuellement plusieurs PEPR et Programme prioritaire de recherche (PPR) au volet ultramarin , participe à quatre PIOM, et est partenaire sur deux projets ExcellencES et deux autres à venir. « Il faudra veiller à une bonne articulation entre tous ces dispositifs car un risque d’éparpillement des forces existe et conduirait à un échec », met en garde Anne Renault.
D’où l’importance de développer une stratégie partagée avec l’État. « L’État s’interroge sur les impacts du changement climatique dans les territoires français d’outre-mer tant sur les écosystèmes et sur les usages qui en sont fait, que sur les populations humaines qui y vivent et sur les solutions pour accompagner la résilience de ces territoires », analyse Alain Schuhl. Car « les impacts du changement climatique dans ces territoires vigies - regroupant 80 % de la biodiversité française – se font à 360° », détaille Sophie Brocas, directrice générale des outre-mer au Ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer (MIOM). Et l’État « se réjouit » de la stratégie outre-mer à venir du CNRS. « C’est un très bon signal, à beaucoup d’égards, car l’outre-mer ne doit pas rester le parent pauvre de la recherche » et le CNRS peut être un facteur de « décloisonnement », souligne la directrice générale des outre-mer dont le ministère s’est rapproché du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour favoriser un dialogue entre scientifiques, collectivités et État pour « sortir les outre-mer de cette invisibilité dans laquelle ils se trouvent. »
Suite à ces nombreux éléments, la mise en œuvre de cette stratégie outre-mer du CNRS devrait commencer fin 2023 avec la construction avec les territoires, d’actions adossées à la feuille de route. Alain Schuhl s’en réjouit. « Le CNRS a légitimité, en tant que premier organisme national de recherche, à être force de proposition et intégrateur des efforts de recherche pour faire émerger des projets ambitieux transdisciplinaires en lien avec les territoires ultramarins et nos partenaires académiques ».