Alors que le CESE adopte un avis sur la Stratégie nationale pour la mer et le littoral 2, les rapporteurs pour la délégation aux Outre-mer, Sabine Roux de Bezieux et Pierre Marie-Joseph, soulignent dans cette tribune adressée à Outremers360 la nécessité d’une stratégie maritime ambitieuse pour les Outre-mer.
Nous oublions trop souvent que les Outre-mer font de la France une grande puissance maritime mondiale, présente sur les deux hémisphères et tous les océans. La prochaine « Stratégie nationale pour la mer et le littoral 2 (2023-2029) » doit leur donner la priorité, alors que le bilan de la première stratégie est particulièrement maigre pour les Outre-mer : les documents stratégiques du bassin maritime ne sont pas tous finalisés et leur mise en œuvre a à peine commencé. Pour le CESE, il manque une vision pour les Outre-mer avec des objectifs chiffrés, partagés au sein de chaque territoire et contrôlés. Cette stratégie devra également concerner le Pacifique en associant les Collectivités. Les Outre-mer sont aux premières lignes pour les enjeux maritimes, il est donc plus que temps de les aider à se mobiliser.
Les Outre-mer sont particulièrement victimes du réchauffement climatique, et se préparent déjà à la montée des eaux et aux impacts de phénomènes climatiques majeurs. Des villages entiers devront être déplacés, comme au Prêcheur en Martinique ou Miquelon-Langlade. Les lagons de Mayotte et de Nouvelle-Calédonie sont déjà endommagés par l’envasement, les rejets d’eaux usées et la dissémination de déchets plastiques. La biodiversité est menacée par le réchauffement des eaux qui entraînera une diminution du potentiel de pêche de 20 % à 30 % d’ici 2100, conduisant à des drames humains. Un accompagnement des parties prenantes s’impose.
La délégation insiste également sur l’importance du développement d’activités maritimes durables. L’économie bleue pourrait générer 50 000 emplois en Outre-mer, et permettre une plus grande autonomie, notamment énergétique et alimentaire. Les énergies marines renouvelables doivent être intégrées dans les projets de transition énergétique. Les Outre-mer peuvent devenir le modèle d’une pêche respectueuse des équilibres environnementaux. Il s’agit de renouveler la flotte avec des navires plus sûrs et moins consommateurs, et de permettre l’accès aux métiers maritimes en disposant de lycées de la mer ou de formations dans chaque territoire. Alors que la pêche illégale menace les eaux guyanaises et reste une menace partout, l’action de l’Etat en mer ne doit pas être réduite.
Redéployer les moyens publics en faveur des Outre-mer permettra de refléter leur place géographique. Comment se fait-il, par exemple, que seulement 10 % des effectifs de l’IFREMER soient positionnés en Outre-mer ? Un rééquilibrage s’impose.
Enfin, les 10 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE) française doivent être mieux connus et protégés. Au-delà des aires marines protégées existantes, il est indispensable de créer au plus vite les 10 % de zones de protection fortes ou intégrales dans les territoires, auxquelles s’était engagé le président de la République, avec des moyens humains et financiers pour assurer leur protection.
La stratégie maritime devra aussi intégrer une gouvernance locale et des plans d’actions territorialisés. L’implication de la société civile, des collectivités et des citoyens est déterminante pour prendre en compte les enjeux propres aux territoires et faire de cette stratégie une politique réellement efficace.
Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer, et Pierre-Marie Joseph, représentant de la Martinique et conseiller du groupe Outre-mer au CESE.