Longtemps accompagnateur de différents groupes, sillonnant la planète depuis 40 ans, le pianiste, compositeur, arrangeur et interprète martiniquais Jean-Claude Naimro, l’un des piliers du groupe Kassav, a entamé une tournée en solo baptisée « Digital Tour », dont le point d’orgue sera le Trianon à Paris le 18 mars prochain. Entre deux concerts, il a accepté de répondre aux questions d’Outremers 360 en toute franchise pour parler de son concept de «Digital Tour», de son nouveau statut de leader, de ses doutes quant à la poursuite de cette expérience, de l’après Kassav, de l’avenir du zouk…Entretien.
Jean-Claude Naimro, vous êtes en train d'effectuer une tournée en solo, dont le point d'orgue sera Paris le 18 mars prochain. Enfin pourrait-on dire. Vous en avez mis du temps avant de vous lancer. Vous avez pourtant 8 albums solo à votre actif. Pourquoi avoir autant tardé à vous produire en lead sur scène ? Qu'est-ce qui vous retenait ?
Plusieurs facteurs ont coïncidé pour que je prenne cette décision ; d’abord l’arrêt brutal de nos tournées suite au Covid qui m’a forcé à réfléchir différemment et me remettre peut-être en question ; le temps que je n’avais jamais eu pour monter une équipe et préparer un répertoire qui pourrait me séduire avant de le proposer ; et puis étant au départ un pianiste plus qu’un chanteur, je n’étais pas certain de pouvoir assumer sereinement et à 100% la casquette d’interprète solo.
Vous affirmiez il n'y a pas si longtemps que le partage avec le public était votre moment de bonheur. Est-ce l'une des raisons qui vous a poussé à vous lancer dans cette tournée ?
J’ai toujours éprouvé un plaisir très particulier à être en communion avec le public ; j’y ai pris goût au fil du temps avec Kassav mais comme mon rôle n’était pas d’être au-devant de la scène, je peux maintenant dans mes concerts, apprécier ce sentiment unique réservé habituellement aux chanteurs.
Pourquoi avoir baptisé cette tournée "Digital Tour" ? Est-ce dans la continuité de l'album "Digital Dread" ?
Effectivement mon album Digital Dread avait été conçu à l’époque à partir d’un concept un peu inhabituel et risqué à savoir, un grand nombre d’interprètes, des titres d’univers très différents et le choix d’artistes de différentes générations.J’ai voulu reproduire ce concept sur scène aujourd’hui.
Comment appréhendez-vous le fait d'être le leader aujourd'hui, d'avoir votre nom en grand et en haut de l'affiche alors que vous aviez l'habitude de vous fondre dans un groupe même si votre identité musicale émergeait ? Comment assumez-vous ce nouveau statut ?
Alors, c’est à la fois plus facile puisque j’ai passé un certain nombre d’années à accompagner des artistes très connus, et donc à faire mon apprentissage de ce qu’est la scène. Avec Kassav je me suis mis un peu plus en avant et maintenant je franchis le pas d’être seul maître à bord.
Plus difficile dans une certaine mesure, parce que j’ai pris des habitudes dont il fallait me défaire, à savoir : sortir de ma zone de confort et apprendre à gérer tous les problèmes en dehors du spectacle en lui-même et je me rends compte que c’est un parcours du combattant.
Maintenant que vous vous êtes lancé, envisagez-vous de prolonger cette expérience en solo ? Est-ce à dire que c'est une nouvelle étape dans votre carrière ?
Je me pose en ce moment même la question. Je ne suis pas certain après les 2 premiers concerts en Martinique que je puisse tenir le coup très longtemps mais comme on dit…Qui vivra, verra !!
Comment s'organise la vie musicale sans Kassav, dont vous étiez un des piliers ? Y-a- t-il d'ailleurs un après Kassav ?
Après le concert solo du Trianon, l’épisode solo sera en stand-by et le groupe Kassav reprendra du service pour une première prestation le 13 Mai au festival de Ste Lucie. Ce sera un hommage à Jacob à la suite de quoi, d’autres dates se rajouteront cet été.
On dit que le zouk popularisé et prôné par Kassav est menacé de disparition. Qu'en pensez-vous ? Diriez-vous que chaque génération a sa mission et fait évoluer la musique comme elle veut ou plutôt continuez le combat pour faire perdurer le zouk initié par Kassav ?
Nous avons été fiers d’avoir pu imposer un style musical durant 40 ans ; maintenant on ne peut pas dicter aux nouvelles générations ce qu’ils ont à faire pour faire perdurer le zouk.
Il est tout de même curieux de constater que si dans nos îles, d’autres tendances musicales ont vu le jour et prennent le pas sur le Zouk, des artistes d’Afrique ou d’ailleurs s’en sont inspirés, voire accaparés au point d’en faire leur cheval de bataille et mener des carrières mondiales ; C’est une triste réalité.
Propos recueillis par E.B.
Jean-Claude Naimro – Digital Tour |