Regards scientifiques sur le Covid-19 : « Une pandémie d'une nouvelle ère », par Géraldine Vilmen, Docteure en Virologie

Regards scientifiques sur le Covid-19 : « Une pandémie d'une nouvelle ère », par Géraldine Vilmen, Docteure en Virologie

Réalisées dans le cadre de la revue « Les Cahiers des Talents de l'Outre-Mer » de Yola Minatchy, présidente du Réseau des Talents de l'Outre-Mer, Outremers360 vous propose cette semaine les expertises de scientifiques ultramarins, livrant leurs regards et analyses sur la pandémie du Covid-19. Pour cette première expertise, la Docteure en Virologie, Géraldine Vilmen, originaire de Guadeloupe, refait l’historique de cette pandémie. Elle travaille actuellement sur les facteurs de restriction de l'hôte contre le VIH et également sur le SRAS-CoV-2, agent étiologique de la pandémie de Covid-19. 

La pandémie de Covid-19 est considérée comme l’une des pandémies la plus dévastatrice que l'humanité ait connue bien que d’autres pandémies aient causées bien plus de décès telle que la grippe espagnole en 1918 avec 40 à 50 millions de décès recensés. À ce jour, la pandémie de Covid-19 a fait plus de 262 178 403 cas confirmés dans le monde et plus de 5 215 745 décès enregistrés1.

Le nom Covid-19 vient de l'émergence d'un nouveau Coronavirus signalé en 2019 à Wuhan, en Chine. La particularité de ce coronavirus est qu'il semble être plus virulent que les précédents agents responsables de pandémies de la même famille, le MERS-CoV et le SRAS-CoV. La maladie MERS a été signalée pour la première fois en Arabie Saoudite en 2012 et s'est propagée à 27 pays. À ce jour, 2 578 cas confirmés et 888 décès ont été signalés. La maladie du SRAS a été signalée en Asie en 2003 et s'est propagée à 26 pays, sans aucun nouveau cas depuis 2004. Le nombre de cas signalés dans les 4 mois suivant l’apparition du virus était de 8 000 et 774 décès2.

Le coronavirus responsable de la maladie Covid-19 a été nommé SRAS-CoV-2, ce qui signifie coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère. Ce dernier peut provoquer des symptômes de type grippal légers à sévères, variant de la toux, la fatigue, la fièvre, à une détresse respiratoire plus grave nécessitant une assistance médicale chez les personnes âgées et les personnes souffrant d'affections sous-jacentes.

Le principal réservoir identifié pour la transmission du coronavirus à l'homme est la chauve-souris, mais aucune donnée concluante n'a permis d'identifier le réservoir responsable de la transmission du SRAS-CoV-2 à l'homme. Les recherches ont montré que la virulence du SRAS-CoV-2 par rapport aux autres coronavirus est au moins partiellement due à son affinité accrue pour son récepteur d'entrée sur les cellules humaines, le récepteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACE)-2. Les similitudes avec le coronavirus dans les réservoirs présumés que sont les chauves-souris ou le pangolin - en raison de leur présence sur le marché de Wuhan - suggèrent une sélection naturelle du virus3.

Un effort continu est fait pour identifier l'origine de la zoonose, c'est-à-dire le moment où le virus a traversé les espèces en passant du réservoir à l'homme. Une autre hypothèse expliquant une telle virulence pour le SRAS-CoV-2 est celle des passages interhumains qui permettent l'apparition de nouvelles souches virales. Le SRAS-CoV-2 est un pathogène aérien qui se propage par les particules et les gouttelettes des fluides respiratoires4. Pour empêcher la propagation interhumaine dans le monde entier, les mesures de santé publique ont exigé la distanciation sociale et le port d'un masque facial par les individus. Cela n'a pas suffi à contenir le virus, car il y avait encore trop de trafic humain, ce qui a conduit à la nécessité de fermer les frontières des pays et de procéder à des confinements internes dans le monde entier.

Alors que le monde était plongé dans une profonde confusion, avec des conséquences économiques et des problèmes de santé mentale dus à l'isolement, le personnel soignant et les chercheurs étaient en première ligne dans la lutte contre le virus. L'urgence a fait naître le besoin de traitements ou de vaccins pour permettre des interactions sûres et la reprise des activités, ce qui a conduit à l'approbation rapide de vaccins dans différents pays5.

La particularité de cette solution contre la pandémie a été la mise au point d'un nouveau type de vaccination, les vaccins à base d'acide ribonucléique messager (ARNm), qui a suscité de nombreuses inquiétudes parmi les populations. Il est important de noter que cette technologie constitue une grande avancée en médecine et qu'elle est le fruit de décennies de recherche5. Selon l'OMS, au 29 novembre 2021, un total de 7 772 799 316 doses de vaccin a été administré1, ce qui a permis une réouverture des frontières entre les pays.

Mais la vaccination, même si elle a permis de soulager la congestion de cette crise, a des limitations. Tout le monde n'est pas disposé à recevoir le vaccin, ou n'y a pas accès, des comorbidités rendent impossible la vaccination de certains individus car les effets secondaires de la stimulation du système immunitaire ne sont pas complètement connus. Les mutations naturelles qui se produisent dans le SRAS-CoV-2 conduisent dans certains cas à des variants plus préoccupants que d'autres car ils sont plus susceptibles de se propager. À ce jour, le variant le plus virulent ayant pu se propager malgré une large vaccination est le variant Delta. Une nouvelle souche est classée comme variant préoccupant par l'OMS, le variant Omicron qui a d'abord été signalé en Afrique du Sud et qui provoque des symptômes légers7.

Les variants du SRAS-CoV-2 rendent nécessaire le rappel du vaccin pour les personnes ayant reçu un schéma vaccinal complet depuis plus de 6 mois, car même s’il a été prouvé que la vaccination diminue la gravité des symptômes, la durée de la couverture immunitaire reste peu claire. En effet, il a été signalé une baisse de 90 % à 70 % de la protection après 6 ou 7 mois de vaccination8.

La pandémie est toujours en cours, et un effort commun doit être fait par chacun pour se protéger et protéger les autres. Les chercheurs travaillent en permanence à déchiffrer les mécanismes sous-jacents de l'infection par le virus, sa génétique et les défenses immunitaires que l'organisme doit mobiliser pour s'en débarrasser. Les laboratoires pharmaceutiques améliorent constamment leur technologie pour proposer des solutions thérapeutiques efficaces contre les variants. La bataille contre la Covid-19 n'est pas encore terminée mais il y a de l'espoir car les connaissances que nous avons aujourd’hui du virus et de sa propagation sont bien loin de ce que nous savions au début de la pandémie.

1 https://covid19.who.int

2 https://www.niaid.nih.gov/diseases-conditions/covid-19

3https://www.nature.com/articles/s41591-020-0820-9

4 https://www.epa.gov/coronavirus/indoor-air-and-coronavirus-covid-19

5 https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/vaccines/different-vaccines.html

6 https://www.nature.com/articles/nrd.2017.243

7 https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html

8 https://www.nature.com/articles/d41586-021-02532-4

Biographie 

Après une licence en sciences technologies et santé en Guadeloupe à l'Université des Antilles et de la Guyane, le Dr Vilmen a obtenu un master en microbiologie appliquée à la biologie médicale à l'Université Montpellier 2 et s’est formée à New York, USA sur le microbiote intestinal au sein du laboratoire de Martin J. Blaser à NYU. Elle a poursuivi sa carrière avec un doctorat en Virologie à l'Université Paris Saclay dans le laboratoire du Dr Audrey Esclatine à l'I2BC où son travail était orienté sur le virus Epstein-Barr. Après une certification en informatique à Paris, elle est retournée aux États-Unis dans le cadre d’un contrat postdoctoral et a travaillé sur le virus VIH à l'Ohio State University dans le laboratoire du Dr Amit Sharma. Elle travaille actuellement pour le gouvernement américain en tant que chercheuse invitée dans le laboratoire du Dr Eric Freed, leader dans le domaine de l'assemblage de virus, où ses études se concentrent sur les facteurs de restriction de l'hôte contre le VIH et également sur le SRAS-CoV-2, agent étiologique de la pandémie de Covid-19.