PORTRAIT. Des Caraïbes à l’Afrique de l’Ouest, la consultante guadeloupéenne Florence Dorsile relie les écosystèmes

PORTRAIT. Des Caraïbes à l’Afrique de l’Ouest, la consultante guadeloupéenne Florence Dorsile relie les écosystèmes

Experte en transformation digitale et opérationnelle, Florence Dorsile accompagne depuis plusieurs années entreprises et entrepreneurs dans la structuration de leurs organisations et l’automatisation de leurs process internes. Depuis son retour en Guadeloupe en 2018, la consultante déploie aujourd’hui son expertise entre le bassin caribéen et l’Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin, où elle développe des projets d’innovation et d’internationalisation. Aujourd’hui, elle œuvre à créer des passerelles entre les territoires pour faire émerger des initiatives durables et à impact.

Quand Florence Dorsile rentre en Guadeloupe en 2018, après avoir passé l'essentiel de sa carrière en Hexagone, elle s'imagine répondre à « l'appel du retour au pays ». Comme beaucoup, elle quitte son territoire après son bac pour intégrer une université en France hexagonale. « J’ai commencé avec les langues étrangères appliquées, avant d'abandonner rapidement. Je n'ai pas aimé du tout. Je me suis ensuite réorientée vers un BTS Négociation Relation Client, puis une licence en management et gestion des PME ». 

C'est lors de son alternance chez LVMH qu'elle découvre le crédit management et le back-office. « J'avais un tuteur qui était juste incroyable. On dirait que c'était le projet de sa vie de mentorer des jeunes », se souvient-elle. Elle poursuit dans cette voie et devient rapidement crédit manager, puis responsable de back-office. Ailleurs, elle sera aussi chef de projet autour du déploiement de solutions d'automatisation.

Les participants de la learning expedition à Cotonou en Octobre 2025

À 30 ans, forte d’une solide expérience, elle se décide à retourner en Guadeloupe. « Je pensais naïvement que ça allait être facile. J'avais la sensation de rentrer chez moi, d'être attendue », confie-t-elle. La réalité se révèle beaucoup plus compliquée que prévu. Sur place, les opportunités ne suivent pas, les postes correspondant à son profil sont rares, et ses solutions d’automatisation peinent à trouver leur place. Elle se lance alors dans l’entrepreneuriat et se forme en autodidacte aux technologies no-code. Cependant, malgré les ateliers, webinars et interviews qu’elle multiplie, « aucune des solutions que j’ai proposées n’a pu entrer en incubation, ni bénéficier d’un quelconque soutien », constate-t-elle. Une situation qui l’oblige à revoir son positionnement.

Se créer des opportunités dans l’adversité

En 2021, Florence Dorsile quitte à nouveau son territoire pour le Canada, cette fois-ci. L’expérience est peu concluante, mais la jeune femme ne se décourage pas. En 2023, elle est lauréate d’un appel à candidature pour une learning expedition au Sénégal. C’est ainsi qu’elle commence à se familiariser avec l’Afrique de l’Ouest, où elle découvre un environnement entrepreneurial aux codes très différents. « Tout était possible. Je pouvais proposer des idées, développer des concepts », observe-t-elle. 

La même année, après le Sénégal puis la Côte d’Ivoire, c’est au Bénin qu’elle a le déclic. « Il y a eu un coup de cœur pour le pays. Et voir ces écosystèmes qui accueillent, qui facilitent, qui accompagnent, là où sur mon propre territoire c’était compliqué, ça change beaucoup de choses. » Si Florence Dorsile se présente comme consultante en transformation digitale, son approche dépasse largement la dimension technique. Elle accompagne PME et entrepreneurs indépendants dans l’automatisation de leur back-office ou encore du service client. « L’objectif, c’est qu’il y ait moins d’emails, moins de paperasse, moins de gestion humaine, et que l’information circule mieux », explique-t-elle. Son credo ? Des process clairs, des équipes alignées, une information fluide.  

Présentation de l'idéathon en Juillet 2025 @Zebox 

Au Bénin, elle décroche sa première mission de transformation digitale pour une université : automatisation des process RH, candidatures, pédagogie. Ce qui la marque le plus ? La culture de l’éducation : « Je ne sais pas comment l’expliquer : vous montez dans un taxi, vous discutez avec le chauffeur, il fait son doctorat, il révise en attendant. Je trouve qu’il y a toute une culture autour de l’éducation qui est très forte et inspirante ».

Désormais, Florence Dorsile est de nouveau basée en Guadeloupe, mais effectue régulièrement des allers-retours en Afrique de l’Ouest. C’est ainsi qu’avec deux autres personnes, elle imagine Wave Club (We Accelerate Visionary Entrepreneurs) : un accélérateur de start-up qui a pour vocation de rassembler la Caraïbe et l'Afrique de l'Ouest par l'innovation entrepreneuriale en accompagnant des entrepreneurs ultramarins.  

En juillet 2024, l’organisation lance son premier concours d’idées innovantes, mettant des entrepreneurs guadeloupéens face à des mentors béninois pour « repenser le pont entre la Caraïbe et l’Afrique ». La lauréate, qui a proposé un projet de transformation de déchets, a remporté sa place pour une learning expedition à Cotonou. Celle-ci a eu lieu en octobre dernier. « On avait des attentes assez intéressantes, mais elles ont été surpassées par l’écosystème béninois », raconte la consultante avec enthousiasme. « Que ce soit les institutionnels, les privés, tout le monde nous a bien reçus. Les participants ont tous eu, à leur niveau, des opportunités. »

Travailler mieux, produire plus

À côté de ses missions et de Wave Club, Florence Dorsile a créé un espace très révélateur de sa philosophie : Les Flemmards, une newsletter lancée il y a plus de deux ans, transformée en podcast en août dernier. « Si je devais me définir, je dirais que je suis une passionnée d’outils », confie-t-elle. Les Flemmards, c’est l’art d’être « un bon gros flemmard en étant productif ». L’objectif reste le même : démocratiser l’accès à la productivité, à l’efficacité, à des solutions concrètes pour ne pas s’épuiser dans des tâches à faible valeur ajoutée. « J’utilise beaucoup mes erreurs et les refus que j’ai eus pour permettre aux entrepreneurs d’y aller à tâtons, sans brûler toutes leurs cartouches », confie-t-elle.

Dernièrement, elle était invitée à prendre part aux Caribbean Innovation Days où elle a pu revenir notamment sur ses méthodologies. « C’était une sollicitation totalement inattendue. Ça m’a fait du bien de pouvoir parler en Guadeloupe, parce que je parle toujours ailleurs, mais pas chez moi ». Parmi ses prochains projets d’envergure, une nouvelle édition de leur idéathon, étendue cette fois-ci à la Martinique et à la Guyane, avec à la clé le même voyage d’exploration au Bénin pour le lauréat.  Au-delà de l’accompagnement des entrepreneurs caribéens vers l’Afrique de l’Ouest, Wave Club ambitionne également de soutenir l’écosystème béninois. 

« Notre objectif, c’est de pouvoir investir dans certains projets et leur donner l’opportunité de se rendre visibles auprès des investisseurs », explique la consultante. L’association souhaite créer des ponts économiques concrets entre les territoires, notamment en valorisant le travail des « femmes transformatrices » béninoises qui produisent du beurre de karité et d’autres produits très prisés aux Caraïbes. « L’idée, c’est vraiment de favoriser des rencontres et des opportunités », résume-t-elle. Aujourd’hui, Florence Dorsile assume pleinement son rôle de tisseuse de liens.

La prochaine learning expedition de Wave Club devrait se dérouler en 2026, pendant la Semaine du Numérique à Cotonou, le rendez-vous incontournable de l’écosystème tech béninois qui se tient chaque année entre octobre et novembre.