Portrait. De la Guadeloupe à la Haute Autorité de santé : le parcours de Jacques-Olivier Dauberton, médecin humaniste engagé

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Portrait. De la Guadeloupe à la Haute Autorité de santé : le parcours de Jacques-Olivier Dauberton, médecin humaniste engagé

Conseiller auprès de la présidence de la Haute Autorité de santé (HAS) et ancien conseiller technique d’Agnès Buzyn au ministère de la Santé, Jacques-Olivier Dauberton met à profit son double ancrage, médecin de terrain et expert institutionnel, pour défendre des politiques plus justes et une médecine de proximité. Originaire de Guadeloupe, il plaide pour une meilleure prise en compte des spécificités ultramarines et voit dans l’innovation numérique un levier pour réduire les inégalités d’accès aux soins. Pour Outremers 360, il revient sur son parcours, son rôle à la HAS et livre sa vision de la santé dans les territoires ultramarins.

 

De la Guadeloupe à Paris, Jacques-Olivier Dauberton n’a jamais perdu le fil d’une conviction forgée très tôt. Fils d’un médecin généraliste et d’une mère en poste à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, il quitte son île à 18 ans, le baccalauréat en poche. Durant ses études de médecine à Saint-Étienne, il s’engage dans la vie associative et syndicale, convaincu que l’action collective peut transformer la société. « J’ai été très tôt sensibilisé à une certaine idée de la médecine, un idéal tourné vers les autres. Il me semblait logique, au-delà de la pratique médicale en elle-même, de chercher à agir plus largement, à travers la recherche, les organisations, le travail collectif, pour avoir un impact sur la santé des populations, et contribuer à l’améliorer. »

 Au service de la santé et des territoires

Son engagement attire l’attention, et en 2017, il est recruté au sein du cabinet d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. Conseiller technique, il traite de nombreux dossiers sensibles, dont plusieurs concernant directement les Antilles, comme la crise du chlordécone ou la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre après l’incendie.

Aujourd’hui, Jacques-Olivier Dauberton est conseiller auprès de la présidence de la HAS, une institution qu’il décrit comme « une autorité indépendante dont la mission est de rassembler les connaissances scientifiques et de proposer des orientations permettant aux pratiques de s’adapter et d’évoluer dans le temps ».

Créée en 2005, avec pour objectif d’améliorer la qualité du système de santé afin d'assurer à tous un accès durable et équitable aux soins, la HAS s’articule autour de trois grandes missions comme le précise Jacques-Olivier Dauberton : « la première consiste à évaluer les produits de santé comme les médicaments et les dispositifs médicaux, afin d’en déterminer les conditions de remboursement ou de mise à disposition. La deuxième mission porte sur la recommandation en santé, à travers l’élaboration de guides et de bonnes pratiques fondés sur les données scientifiques les plus probantes. Enfin, la troisième concerne la certification et l’évaluation de la qualité des établissements de santé. » Jacques-Olivier Dauberton précise ainsi : « Mon rôle, c’est essentiellement de mobiliser les acteurs et d’apporter une expertise, de l’exercice médical jusqu’à la production. Je participe à l’évaluation des établissements médico-sociaux, et à chaque étape, on apporte une expertise de terrain : cela permet de fournir des recommandations réalistes et adaptées aux structures. »

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Des solutions adaptées aux réalités locales

Très attaché à son territoire d’origine, Jacques-Olivier Dauberton garde un œil attentif sur les défis ultramarins. « Une population vieillissante, des pathologies spécifiques et une organisation territoriale différente », résume-t-il. L’essor des infrastructures hospitalières, comme le nouveau CHU de Guadeloupe, illustre ce dynamisme, mais les défis restent nombreux : accessibilité, inégalités territoriales, adaptation des recommandations nationales aux réalités locales. Dans ce contexte, l’accès aux soins oblige à penser la santé autrement et souligne l’importance de s’appuyer sur les réalités du terrain. Cela passe notamment par le développement de l’exercice partagé, soutenu par un réseau de santé local. « Contrairement à l’impression que pourraient donner certaines directives nationales, élaborées par un chef de projet unique, la HAS développe une méthode de concertation qui s’appuie avant tout sur les experts du terrain », précise Jacques-Olivier Dauberton. Ces experts, choisis pour leur connaissance précise de la thématique et du contexte local, permettent de produire des recommandations réellement adaptées aux besoins des structures et des patients. « L’objectif, c’est que nos orientations soient pragmatiques et opérationnelles, et qu’elles correspondent vraiment à ce que vivent les professionnels et la population », précise-t-il.

Il va plus loin dans sa réflexion, voyant dans les territoires ultramarins de véritables laboratoires d’expérimentation en santé : « Les Outre-mer ont toujours été des terres d’innovation et de débrouillardise », souligne-t-il, évoquant une culture de l’adaptation et de la créativité propre à ces régions. Selon lui, cette capacité à inventer localement des solutions en fait des territoires pionniers, capables non seulement de tester de nouveaux modèles de soins, mais aussi de devenir de véritables évaluateurs de qualité.
« Nous avons les moyens d’expérimenter, de mesurer l’efficacité des dispositifs et d’adapter les solutions aux réalités du terrain », explique-t-il. Dans un contexte marqué par le vieillissement rapide de la population, plus d’un tiers des Guadeloupéens auront plus de 60 ans d’ici 2030, cette approche expérimentale est, selon lui, essentielle pour imaginer des réponses innovantes et durables aux besoins en santé.

Le numérique, une réponse aux défis sanitaires ultramarins

Pour Jacques-Olivier Dauberton, le numérique constitue un outil stratégique pour améliorer l’accès aux soins, améliorer le suivi des patients et favoriser la continuité des parcours, notamment dans les zones isolées. « Les téléconsultations, les plateformes de coordination ou les outils de suivi à distance permettent de maintenir le lien entre soignants et patients », souligne-t-il. Il voit aussi dans l’innovation numérique un levier pour limiter au maximum les évacuations sanitaires et insiste sur l’importance de maintenir le lien de proximité avec la famille et les proches, soutien indispensable pour les patients. Mais il prévient : l’innovation technologique n’a de sens que si elle s’accompagne d’une évaluation rigoureuse de la qualité. Les territoires ultramarins peuvent ainsi devenir des espaces pilotes, où les solutions numériques sont testées, adaptées et validées en associant professionnels de santé et usagers.

En parallèle de ses activités institutionnelles, Jacques-Olivier Dauberton continue d’exercer comme médecin libéral dans la Marne. Ce double engagement confirme sa conviction : la santé doit rester avant tout une affaire de proximité et d’humanité.