Saisi par le Premier ministre Jean Castex, le groupe Outre-mer du CESE a présenté ce mardi 26 janvier au Palais son avis sur la déclinaison du plan de relance sur les 11 territoires d’Outre-mer, en présence du Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu.
Au terme d’une centaine d’auditions, cet avis a été présenté par les rapporteurs Inès Bouchaut-Choisy, Olivier Mugnier et Christian Vernaudon. Sur proposition du Premier Ministre, cet avis se décline autour de trois axes: Financement des collectivités locales, ingénierie et normes, impact des entreprises et « les difficultés d’ingénierie », et « le champ normatif ».
Les trois rapporteurs soulignent comme constat que « le plan de relance national ne pourra trouver sa pleine efficacité Outre-mer que sur la base d’une articulation cohérente des différents niveaux d’intervention et de financement (Europe, Etat, Collectivités) impliquant une coopération de tous les acteurs et la généralisation de la co-construction et de la contractualisation.». Les rapporteurs ajoutent que «tous leurs interlocuteurs ont indiqué que les défis à relever dans les Outre-mer impliquaient que les réponses apportées par les « Plans » ne soient pas de nature conjoncturelle mais bien structurelle tant les éléments de diagnostic confirment des écarts de développement et des écarts d’accès aux droits fondamentaux majeurs subsistant avec l’Hexagone et au sein même des territoires».
20 préconisations
En conclusion, les trois rapporteurs de la délégation Outre-mer du CESE dressent 20 préconisations. Sur l’axe du financement des collectivités locales, les rapporteurs recommandent pour les communes les plus en difficulté, la conduite d’audits et la mise en place de « contrats d’accompagnement » comportant des engagements réciproques, une prise en charge partielle de l’endettement de ces collectivités pour permettre un rétablissement durable de leurs comptes et une reconstitution de leurs capacités d’autofinancement. Autre préconisation, fournir les moyens d’expertise des principaux opérateurs publics soient mobilisés pour aider les collectivités à construire leurs projets. Les collectivités locales doivent se doter de ressources d’ingénierie propres ou mutualisées, développer l’échange d’expériences et l’essaimage des bonnes pratiques, valoriser les solutions basées sur des savoirs ancestraux.
Le CESE demande qu’un volet spécifique aux Outre-mer soit intégré dans la prochaine loi 4D, afin de permettre une meilleure mise en œuvre des principes de différentiation, déconcentration, décentralisation et décomplexification en Outre-mer, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi égalité réelle Outre-mer. Pour cela, la loi 4D devra être de rang organique.
Au sujet de la thématique du Plan de relance et entreprises, le CESE préconise d’accompagner la sortie des Prêts garantis par l’État (PGE) des entreprises par des combinaisons de mesures différenciées par secteur et typologie d’entreprise dont notamment : rééchelonnement des dettes, prêts participatifs, prêts d’honneur et transformation d’une partie des PGE en subvention. Ils suggèrent un plan de rattrapage massif dans la construction d’écoles et le nombre d’enseignants notamment à former sur place (plus particulièrement à Mayotte et en Guyane).
Le CESE demande que le Plan de relance en Outre-mer finance une ambitieuse politique de formation visant à répondre aux besoins de compétences des territoires valorisant les talents notamment à l’égard de la jeunesse qui devra bénéficier d’un enrichissement de la panoplie des mesures proposées pour lui permettre de se construire un avenir. Et puis le Cese appelle l’État à s’assurer que tous les dispositifs qui ont été prévus au titre de la « Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté » sont bien déclinés dans l’intégralité des onze collectivités ultramarines, notamment à l’égard des jeunes et des familles en grande détresse, en s’appuyant plus particulièrement pour cela sur les communes, le secteur associatif et les associations familiale.
Concernant le troisième volet de l’avis « Plans de relance pour faire des collectivités ultramarines des laboratoires et des territoires pionniers du développement durable, de la préservation de la biodiversité et de la résilience », le CESE préconise que chaque Plan territorialisé définisse les filières d’excellence (énergies renouvelables, numérique, silver économie, économie verte et bleue, tourisme…) pour lesquelles devront être simultanément engagés efforts de recherche, programmes de formation professionnelle adaptés et innovants, aides à l’investissement pour faire de chaque collectivité un territoire pionnier du développement durable. Il appelle l’Etat et les collectivités territoriales favorisent la construction d’économies endogènes par la maîtrise capitalistique de leurs principaux outils de développement dans les secteurs télécom, énergie, tourisme, aérien, économie verte et bleue basée sur des capitaux publics et privés locaux avec l’accompagnement des grands opérateurs publics nationaux.
L’avis du CESE préconise que chaque collectivité ultramarine se dote d’un projet agricole, d’économie bleue et alimentaire territorial visant à améliorer sa souveraineté alimentaire ainsi que les efforts de recherche et de valorisation des ressources biologiques et génétiques de la biodiversité ultramarine soient une priorité du développement économique des Outre-mer, en respectant le partage équitable des avantages. Le CESE préconise de transformer en profondeur l’offre touristique dans les territoires ultra-marins afin d’engager résolument ces derniers sur la voie d’un tourisme durable mettant l’identité culturelle et la richesse de la biodiversité au cœur de leur stratégie de développement (préconisation n° 13). Le CESE recommande également que les plans territorialisés de développement durable abordent les questions des forces de sécurité et de souveraineté afin de garantir des conditions de préservation de la paix civile interne et de protection des richesses naturelles menacées de pillage et recommande d’étendre les prérogatives des collectivités ultramarines pour leur permettre de nouer au-delà de leur zone géographique de proximité, des coopérations sur des thématiques intéressant leur développement, le tout en cohérence avec l’action internationale de la France.
« L’enjeu est d’être capable de dépenser cet argent pour soutenir les filières»
Présent à la présentation de cet avis, le Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a indiqué que cet avis va « constituer une dorsale qui va permettre à mon cabinet, la direction générale, aux différentes préfectures d’être dans ce chemin de territorialisation ». « Certaines des recommandations sont en partie suivies, d’autres vont être dans les prochaines semaines. Cela va dans le bon sens». Sébastien Lecornu a précisé que la somme d’1,5 milliard dédiée au plan de relance en Outre-mer est « une somme socle» qui s’ajoute aux mesures d’urgence. « L’enjeu est de ne pas décliner des sommes à tue-tête mais d’être véritablement capable de dépenser cet argent pour soutenir les véritables filières qui en ont besoin, le tourisme pour cause, le BTP, l’agriculture, chaque filière doit trouver ses solutions».