Alors que le CESE va adopter ce mardi 11 juillet son avis sur les mobilités durables et inclusives en zone peu denses, les rapporteures de la délégation aux Outre-mer, les conseillères du CESE Nadine Hafidou et Michèle Chay souhaitent mettre en avant les enjeux propres aux Outre-mer, particulièrement touchés par le manque de transports en commun. Dans cette tribune transmise à Outremers 360, Nadine Hafidou et Michèle Chay mettent en avant les propositions pour les Outre-mer, issues de la participation citoyenne lancée dans les départements d’Outre-mer en novembre 2022.
Les Outre-mer font partie de ces territoires où l’offre de mobilité durable et inclusive reste peu développée. On parle souvent de « tout voiture » pour nos territoires. Mais dans les faits, nombre de nos concitoyens sont contraints quotidiennement par le manque d’alternatives : bus, pistes cyclables, ramassage scolaire ou bus d’entreprise. 75 % à 90 % des actifs selon les territoires, utilisent ainsi la voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.
Cette contribution s’appuie sur l’un des premiers exercices de participation citoyenne du CESE en direction des Outre-mer, mené en partenariat avec La Poste. A cette question : « Comment améliorer la mobilité ? », nous avons reçu 7 500 réponses et 740 contributions dans la boîte à idées. Les répondants plébiscitent la mise en place de nouveaux modes de transports (36 %) et le développement ou l’amélioration des réseaux (31 %). Sur ce sujet il était très important que nos concitoyens se sentent entendus et que leurs demandes soient portées par un avis du CESE. Afin de compléter cette participation citoyenne, nous avons également consulté les CESER et les associations d’usagers.
La très forte demande de transports en commun de qualité, desservant l’ensemble du territoire, avec des horaires élargis et une fréquence plus importante, a été la remontée de terrain la plus frappante. Ainsi, l’accès à un service public essentiel est une priorité forte. Les connexions restent difficiles entre réseaux et les coûts augmentent avec la nécessité de payer plusieurs titres pour un trajet long. N’oublions pas que la dépense de transports pèse 20 à 25 % dans le budget des ménages des DROM et que les personnes âgées ou à mobilité réduites sont les plus touchées par cette situation. A ce sujet, les citoyens ont souligné à de multiples reprises la nécessité de « mettre en place des navettes pour les déplacements des seniors pour des besoins quotidiens comme les courses, médicaments, laboratoire », « mettre en place un service de transports adaptés aux personnes à mobilité réduite avec plus de fréquence, moins d’attente, des tarifs réduits ».
Ainsi, afin de mieux répondre aux attentes des usagers et gagner en cohérence dans l’offre de transport collectif, nous préconisons le regroupement des Autorités organisatrices des mobilités (AOM) au niveau de chaque territoire, en associant les acteurs de la société civile et des citoyens à la gouvernance,. L’exemple martiniquais de regroupement en une seule AOM a été très positif, en redonnant de la cohérence et en permettant de porter des investissements lourds de lignes de transport en site propre. Ces AOM seront aussi plus à même de mettre en place des « tarifs solidaires » adaptés aux ressources des usagers.
Le second point que l’on retrouve sur presque tous les territoires, est relatif aux problématiques d’engorgement, de saturation des routes, avec des temps de transport multipliés par deux ou trois. La plupart des activités sont concentrées dans les villes chef-lieu ce qui crée des embouteillages avec leurs conséquences en termes de pollution et d’effets nocifs sur la santé. Pour cela nous proposons de généraliser les observatoires des mobilités permettant de disposer de données et d’études pour accompagner la transition vers des modèles plus durables et inclusifs. De plus, le covoiturage pourrait être davantage encouragé. Compte-tenu de la taille réduite des entreprises en Outre-mer, nous proposons la mise en place de plans de mobilité « interentreprises », ainsi que dans les administrations. Des possibilités de mobilités alternatives à la voiture pourront être développées, notamment par bateau, téléphérique, à vélo ou même la marche, et nécessitent des investissements des collectivités locales.
Enfin, le chantier de la décarbonation des mobilités doit être engagé en lien avec la transition énergétique. Les transports sont responsables d’un tiers des émissions de CO2 en Outre-mer, et aujourd’hui nous n’avons pas d’alternative à grande échelle à la production électrique issue d’énergies fossiles importées. Il faut donc penser l’électrification du parc automobile en lien avec la montée en puissance des énergies renouvelables. Pour cela, l’appui financier et technique de l’Etat aux Collectivités sera indispensable. L’objectif de 30 % de véhicules électriques en 2030 sera difficile à tenir mais il a le mérite de donner un cap. Il sera donc nécessaire de remplacer progressivement, au fil des renouvellements, les flottes de bus et d’entreprises, par des véhicules « propres ». La fin de la dépendance à la voiture est là aussi un levier d’action prioritaire à activer.