Le Parlement durcit les conditions du droit du sol à Mayotte

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Le Parlement durcit les conditions du droit du sol à Mayotte

Le Parlement a définitivement adopté mardi, par un ultime vote à l'Assemblée, un texte très contesté pour durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte, archipel dévasté par le cyclone Chido et en proie à une forte pression migratoire.

 

Adopté au Sénat jeudi après un accord sur la version finale entre députés et sénateurs, le texte porté par Les Républicains, et soutenu par le gouvernement, a passé sans difficulté son dernier obstacle à la chambre basse, avec des voix de la coalition gouvernementale et des députés d'extrême droite.

La gauche est vent debout contre cette proposition qui ne réglera selon elle rien à la surpopulation liée à l'immigration en provenance des Comores, tout en portant atteinte au principe d'égalité devant la loi. Elle a déjà promis de saisir le Conseil constitutionnel en espérant le voir censuré.

"Les causes des migrations sont multiples, mais les perspectives d'accès à la nationalité française constituent un facteur indéniable d'attraction pour l'immigration irrégulière" dans l'archipel, a justifié le député Philippe Gosselin (LR), auteur du texte, tout en estimant qu'il ne serait pas "suffisant".

Il a promis "d'élargir" le débat sur l'ordre et la sécurité à Mayotte dans le cadre d'un vaste projet de loi pour "refonder" Mayotte, attendu en mai au Sénat puis par la suite à l'Assemblée.

"Mayotte est en passe de devenir le laboratoire des idées de l'extrême droite", a rétorqué Dominique Voynet (Écologiste), affirmant que le texte "présage de la fin du droit du sol en France".

"Son impact sur la vie de nos compatriotes mahorais ou sur le déferlement migratoire (...) sera minime", a jugé la présidente du groupe RN Marine Le Pen, estimant que "la première urgence (...) consisterait à supprimer purement et simplement le droit du sol (...) sur l'ensemble du territoire national". Elle a également appelé le gouvernement à dévoiler sa feuille de route pour "rendre à Mayotte les moyens et la dignité qu'elle mérite".

 Dérogation au droit du sol 

Dans le détail, la proposition de loi renforce une dérogation spécifique au droit du sol qui existe à Mayotte depuis 2018.

Actuellement, les enfants nés dans l'archipel doivent avoir un parent résidant régulièrement sur le sol français depuis au moins trois mois au moment de leur naissance, pour obtenir plus tard la nationalité française.

Avec ce texte, les deux parents devront résider régulièrement en France depuis au moins un an. Une exception a été aménagée pour les familles monoparentales.

Le texte a été élaboré avant le passage du cyclone Chido qui a ravagé le 14 décembre le département le plus pauvre de France, faisant au moins 40 morts et exacerbant les maux dont souffrait déjà l'archipel: pauvreté, habitat indigne, manque d'écoles et d'hôpitaux, etc..Mais le cyclone a également ravivé la sensible question migratoire et les demandes appuyées des élus locaux.

Environ 320.000 personnes s'entassent sur ce territoire d'un peu plus de 300 km2, dont près de la moitié sont des étrangers, estime l'Insee. Selon une enquête menée en 2016, environ "la moitié des étrangers" étaient alors "en situation irrégulière".

- "Cheval de Troie" -

Le texte permettra de "renforcer la cohésion sociale à Mayotte", a appuyé la porte-parole du gouvernement Sophie Primas devant les députés

Un leurre pour la gauche, et une "attaque fondamentale à l'identité française", selon les mots d'Aurélien Taché, pour qui le texte est "un cheval de Troie" pour "rouvrir le débat sur le droit du sol au niveau national".

"À gauche, vous profitez que Mayotte soit à terre après la pire catastrophe climatique de notre pays en vous disant qu'il est temps d'achever notre île", lui a rétorqué Estelle Youssouffa, députée de ce département (groupe centriste Liot), accusant par ailleurs le gouvernement Bayrou d'attendre pour lancer les grands travaux de reconstruction.

Lors de l'adoption en première lecture à l'Assemblée, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s'était empressé de déclarer être favorable à l'ouverture d'un tel débat.

Des voix contraires s'étaient élevées dans le gouvernement, notamment celle de la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne.

François Bayrou avait déclaré vouloir un débat plus large, sur "qu'est-ce qu'être Français?", dont il a confié l'organisation le 1er avril au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Avec AFP