Une proposition de loi visant à étendre l'aide médicale de l'État (AME) à Mayotte a été déposée début avril à l’Assemblée nationale par la députée mahoraise Estelle Youssouffa (groupe LIOT, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Le texte préconise notamment la prise en charge des étrangers en situation irrégulière par l’AME afin d’éviter des problèmes de santé publique.
C’est une proposition de loi qui risque de faire controverse. Au début du mois d’avril, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa a recommandé l’extension de l’AME aux étrangers sans titre de séjour régulier, l’absence de ce dispositif soulevant « d’importants enjeux de santé publique, aussi bien pour le public concerné que pour l’ensemble de la population de l’île », selon elle. De ce fait, les étrangers en situation irrégulière se tournent en majorité vers les services d’urgence de l’unique Centre hospitalier de Mayotte (CHM), où ils n’ont pas de frais à avancer.
Ce processus implique une prise en charge tardive des pathologies, avec un risque de santé publique, et génère une augmentation des coûts. « De plus, le recours quasi exclusif au CHM contribue à l’engorgement du seul service hospitalier de l’île et désorganise l’offre de soins dans le département, déjà reconnu comme le plus grand désert médical de France », souligne Estelle Youssouffa dans son exposé des motifs. Elle rappelle également que le CHM assure 72% de l’offre de soins de Mayotte.
La députée cite un rapport d’information du Sénat de juillet 2022 qui précise que « la part substantielle de personnes recevant des soins au CHM n’ayant pas de droits ouverts à l’assurance maladie ni d’accès à l’aide médicale de l’État non applicable à Mayotte prive le CHM de toute possibilité de facturation réelle des actes réalisés. La contribution exigée dans certains cas pour les non assurés pour les consultations et dispensations de médicaments (10 ou 25 euros selon les cas) n’est qu’une ressource marginale et ne correspond aucunement à la charge pour l’hôpital ».
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Ainsi, la réintroduction de l’AME à Mayotte contribuerait à alléger la pression sur l’hôpital en orientant davantage les patients vers la médecine de ville, plus adaptée à la prévention et au suivi des pathologies chroniques. De plus, après le cyclone Chido, il serait essentiel de rétablir ce dispositif afin de garantir un accès minimal aux soins pour les populations concernées, tout en préservant les capacités des établissements hospitaliers. Une telle mesure renforcerait la prévention, limiterait les coûts liés aux prises en charge tardives et favoriserait une meilleure organisation du système médical sur l’île. « Elle est d’autant plus cruciale face aux risques épidémiques actuels, afin de préserver la santé de tous et de consolider la solidarité territoriale », affirme Estelle Youssouffa.
Cette dernière recommande donc « d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte. Pour cela, elle abroge les dispositions établissant une exception au droit commun en matière d’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière à Mayotte, et met un terme au régime particulier pour les personnes qui pourront désormais bénéficier de l’AME ».
Enfin, la proposition de loi demande que la charge pour l’État et pour les organismes de sécurité sociale soit compensée à due concurrence, respectivement par la création d’une taxe additionnelle et par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue dans le code des impositions sur les biens et services. Le texte a été renvoyé à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée pour examen.
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PM