L’Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer a publié une étude relative à l’endettement bancaire des entreprises et des ménages martiniquais jeudi dernier. À l’issue de la crise sanitaire, et alors que le globe affronte une nouvelle situation de tensions inflationnistes, l’endettement en Martinique se montre en hausse marquée, mais les risques semblent maîtrisés.
Quelle évolution de l’endettement bancaire en Martinique et faut-il s’en inquiéter, qu’en est-il des capacités d’emprunt dans un contexte de remontée des taux d’intérêt, des questions auxquelles l’IEDOM a apporté une réponse dans son étude thématique sur l’endettement des ménages et des entreprises du territoire, en ce début d’année 2023, observant les données de 2015 à fin 2022.
Le premier point central de l’analyse est l’observation sur ces dernières années, d’un large recours au crédit de la part des agents économiques dans un contexte historiquement favorable, possible par des politiques monétaire non-conventionnelle et de taux négatifs. Le taux d’endettement a ainsi progressé de 19 points et de 15 points respectivement pour les entreprises et les ménages de 2015 à 2021 souligne l’IEDOM, faisant du crédit un levier prépondérant de la croissance en Martinique.
Une dynamique accentuée en 2020 pour les entreprises qui ont eu massivement recours aux prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre de la crise sanitaire, pour partie retrouvés dans le renforcement des actifs bancaires des entreprises, limitant ainsi la hausse de l’endettement net.
En effet, concernant les entreprises et depuis le déclenchement de la crise sanitaire, les crédits d’exploitation ont connu une croissance très soutenue, puisqu’on observe une hausse de +155 % entre 2015 et 2021, dont la grande majorité est générée entre 2019 et 2021, avec +129 %. Une évolution s’explique par la mise en place des prêts garantis par l’État qui ont contribué à apaiser les inquiétudes des entreprises concernant leur trésorerie. Par ce dispositif, accompagné d’autres mesures de soutien, les PGE ont conduit à une baisse importante du nombre de défaillances, mesurée à -19 % en cumul sur 2 ans entre septembre 2019 et septembre 2021.
Reste cependant la question de la capacité des entreprises à rembourser ces emprunts et sur la capacité à investir dans l’avenir. Si à l’heure actuelle les prévisions d’investissement à 12 mois des entreprises sont toujours positives, des tensions persistent sur la trésorerie et le nombre de défaillances est en hausse sur un an, avec +9 % fin septembre 2022.
Autre point marquant, le dynamisme dû aux crédits d’investissement. Avant la crise sanitaire, l’endettement des entreprises était essentiellement tiré par les crédits d’investissement, avec une hausse en moyenne de 9 % par an entre 2015 et 2021. Plusieurs projets d’envergure ont ainsi vu le jour, tel que la mise en place du transport collectif en site propre (TCSP), les extensions du grand port maritime de Fort-de-France et de l’aéroport Aimé Césaire, des restructurations au sein de la grande distribution, ainsi que le développement du secteur de l’énergie avec la construction de l’usine « Galion 2 » produisant de l’électricité à base de biomasse à Trinité, ou encore d’une ferme de sept éoliennes à Grand Rivière.
Sur ce point, la crise sanitaire n’a pas semblé freiner les investissements, mesurés à +9 % en 2020 et +7 % en 2021, et ce dynamisme de l’investissement traduit également la politique active de croissance externe régionale des entreprises martiniquaises. Concernant les crédits immobiliers, ils évoluent peu, mesurés à -4,4 % sur la période 2014- 2021, et +0,6 % depuis la crise sanitaire soit entre mars 2020 et décembre 2021, ces derniers ne contribuent que marginalement à la croissance de l’endettement des entreprises.
Un bilan plutôt rassurant pour les ménages
Du côté des ménages, on observe une progression continue des crédits, tirée par les crédits immobiliers. Ces derniers semblent n’observer aucun repli, quel que soit le contexte conjoncturel et le passage de la crise sanitaire. En effet, le rythme de progression de ces emprunts est demeuré constant depuis 2017, à +5 % par an. Une continuité observée également sur le reste du territoire national.
Au bilan, l’endettement des ménages reste modéré au regard du PIB ou du revenu disponible brut (RDB). Si l’Iedom rappelle que, à l’instar des entreprises, il convient de rapporter le niveau de l’endettement des ménages au PIB afin de mieux mesurer son poids et son risque, le taux d’endettement ainsi calculé a sensiblement augmenté au cours des dernières années, passant de 37 % début 2015, à 51 % fin 2021. La croissance du taux calculé ainsi est comparable à celle du taux calculé à partir du PIB, avec une hausse de 15 pts entre début 2015 et fin 2021.
Cependant, malgré ces augmentations conséquentes des taux d’endettement des ménages, ces derniers demeurent bien inférieurs à ceux observés en France entière ou dans la zone euro. Au niveau national, l’endettement des ménages représente 68 % du PIB et 101 % du RDB.
Enfin, autre marqueur d’importance concernant les ménages Martiniquais, l’IEDOM observe que la forte hausse des crédits des ménages au cours des dernières années ne semble pas avoir dégradé leur situation financière, au vu de l’évolution de leurs indicateurs de vulnérabilité. En effet, le nombre de dossiers de surendettement est globalement en baisse sur une longue période, à -4 % par an entre 2011 et 2022, tout comme le nombre de personnes physiques en interdiction bancaire, mesuré à -7 % par an sur la même période, tandis qu’aucune dégradation de ces indicateurs n’a été observée depuis la fin de la crise sanitaire.
Damien Chaillot