Martinique : la filière canne affiche un bilan 2022 en baisse, marqué notamment par le dérèglement climatique

Champ de cannes en Martinique ©Outremers360

Martinique : la filière canne affiche un bilan 2022 en baisse, marqué notamment par le dérèglement climatique

Pour les acteurs de la filière, le dérèglement climatique s’invite de plus en plus négativement dans les campagnes de production, du fait de la succession de périodes d’excédents pluviométriques et de sècheresse avec le cycle de vie de la canne. Alors que la tendance est en ce moment favorable tant sur le marché local qu’international. Aussi les producteurs en appellent à des politiques publiques de soutien cohérentes avec la spécificité de leur territoire.

 

D’après les opérateurs de la filière, 189.241 tonnes de canne ont été produites durant la campagne 2022, par 162 planteurs (dont 143 petits planteurs totalisant moins de 2000 tonnes) sur 3928 hectares, soit une diminution de 9.8% par rapport à 2021. La production est constituée de 160.481 tonnes en distilleries, soit 84,8 % du total, et de 28.760 tonnes en sucrerie (15.20%). Selon les planteurs, les rendements sont en baisse d’environ cinq tonnes par hectare par rapport aux 30 dernières années, « du fait de l’absence de solutions pour la lutte contre l’enherbement pour 40%, du dérèglement climatique pour 35%, et du manque de moyens pour le renouvellement des parcelles pour 25% ». 

« Facteurs auxquels il convient d’ajouter le fait que le nombre de planteurs est en diminution constante (+580 planteurs dans les années 80 à moins de 200 planteurs de nos jours) », ajoutent-ils dans leur compte-rendu. Autre donnée importante, la disparité des rendements sur le territoire, les régions Sud et Nord Caraïbe souffrant de déficits pluviométriques plus importants que le Nord ou le Centre. Ainsi, les producteurs estiment qu’il reste une demande de 80.000 tonnes à satisfaire pour les marchés de la distillerie et de la sucrerie. Afin de réaliser cet objectif, ils préconisent une hausse des rendements à 70 tonnes par hectare, l’augmentation de la sole cannière de 300 hectares dans les sept prochaines années et une amélioration de la rentabilité des exploitations. 

« Nécessaire mise en adéquation des politiques publiques »

En outre, les opérateurs du secteur insistent sur « la nécessaire mise en adéquation des politiques publiques ». Exemple : « Les aides à la replantation sont passées à 5 ans et, en cas de circonstances exceptionnelles (sécheresse intense et /ou inondation) à 3 ans, contribuant ainsi aux besoins d’augmentation de leur fréquence. Toutefois, les budgets alloués ne permettent de replanter qu’une surface bien inférieure aux 600 ha par an nécessaires. Et, pour ce qui est du calendrier de mise à disposition de ces moyens aux planteurs, il n’est pas compatible avec le calendrier agronomique (vote des budgets et versement des aides tardifs par rapport aux phases de récolte, de préparation des sols et de replantation…) ».

Autres problèmes : le calendrier de retrait des molécules phytosanitaires spécifiques de la canne, en l’absence notamment de mise sur le marché de solutions alternatives durables auxquelles recourir, a entraîné l’explosion des coûts de revient de la canne. « Les infrastructures d’irrigation, notamment dans le Sud et le Nord Caraïbe, sont insuffisantes », déplorent aussi les producteurs. « Les besoins de l’agriculture en Martinique appellent à un schéma territorial d’irrigation d’urgence. Il est par ailleurs, en l’état de la législation en la matière, quasiment impossible de procéder à des investissements, faute de pouvoir obtenir les autorisations nécessaires ».

Et bien sûr, les bouleversements climatiques en cours ont complètement changé la donne. Selon les acteurs de la filière, les cultures sont sévèrement affectées depuis douze années consécutives par des événements climatiques extrêmes. Alors que « le dérèglement climatique est une réalité sensible, les dispositifs d’accompagnement en cas de calamité agricole tardent à être adaptés. Le seuil de déclenchement à partir de 30% de perte sur la moyenne olympique des trois dernières années est aujourd’hui non pertinent au regard de la réalité climatique que nous subissons », expliquent-ils. Les producteurs appellent à une mise en cohérence des politique publiques, « une des conditions sine qua non de notre capacité à relever les défis du changement climatique et de la transition écologique et satisfaire aux demandes de nos marchés respectifs ».

En bref : l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) « Rhum Agricole Martinique » a 25 ans

Après une longue bataille pour sa reconnaissance, l’AOC « Rhum Agricole Martinique » a fêté sa 25e récolte cette année. Celle-ci a été marquée par l’arrivée de deux nouveaux opérateurs AOC (ce qui porte leur nombre total à 14) :

- Les rhums Baie des Trésors de l’exploitation du Galion à Trinité

- Les rhums Braud & Quennesson de l’habitation Grand Fond (ou usine du Marin)

Selon les acteurs de la filière, deux autres opérateurs sont attendus prochainement dans le club AOC:

- L’habitation Lajus au Carbet (ex-distillerie Bally), avec la construction d’un chai de vieillissement

- La distillerie Hardy, déjà présente mais qui se prépare également à devenir opérateur de plein droit avec la réhabilitation de son site et l’acquisition d’un chai de vieillissement

PM