Dimitri Zoulas, chef de l’office anti-stupéfiants (OFAST), achève sa visite en Martinique avant de poursuivre sa mission à Sainte-Lucie. Il a fait le point sur la lutte contre les trafics de drogue et d’armes, le renforcement des moyens et la coopération régionale. Détails avec notre partenaire RCI Martinique.
Le chef de l’office anti-stupéfiants (OFAST), Dimitri Zoulas, achève ce mercredi 12 novembre, sa visite de trois jours en Martinique. Il poursuivra sa mission à Sainte-Lucie afin de conforter la coopération entre les deux îles en matière de renseignements, sur le plan judiciaire et concernant les outils que la France apporte à nos voisins au niveau, notamment, technique et de la formation.
Le directeur de l’OFAST a fait le point sur l’ensemble des sujets liés aux trafics de drogue et d’armes dans la zone Caraïbe et Amérique et sur leurs impacts sur notre territoire.
« Un renforcement des moyens »
Dimitri Zoulas est également revenu sur les moyens humains et technologique annoncés et qui sont désormais effectifs. «Ma visite s'inscrit dans la continuité de celle du directeur général de la police nationale, puis du ministre de l'Intérieur, qui ont acté un renforcement conséquent du dispositif de l'OFAST et d'une manière générale, un renforcement conséquent des moyens de la lutte contre le narcotrafic. Et dans cette continuité-là, je suis venu rencontrer toutes les autorités : la préfecture, les autorités judiciaires, les douanes, les gendarmes et aussi la Marine, qui sont des partenaires essentiels de cette lutte. Nous avons déjà un renforcement très conséquent de policiers spécialisés qui viennent abonder l'antenne Caraïbes, mais aussi les détachements de Guadeloupe et de Saint-Martin. Nous allons avoir 30 policiers supplémentaires d'ici la fin de l'année. Ça permet de développer beaucoup plus d'investigations en initiative pour démanteler des réseaux. D’autres mesures ont été prises, comme des contrôles renforcés à l'aéroport de Fort-de-France, une meilleure couverture radar et des opérations de contrôle inter-îles en zone maritime, mais aussi des côtes où débarquent très fréquemment des yoles clandestines qui transportent des armes, des stupéfiants et aussi des produits de contrebande.»
Le directeur de l’OFAST précise que l’implantation du premier radar est effective et annonce l’arrivée d’un second en Martinique. «Il permettra, dans les mois qui viennent, d'avoir une couverture quasi totale du périmètre maritime de la Martinique, ce qui va faciliter les interventions de nos forces, principalement la Marine nationale, mais aussi les douanes ou la gendarmerie en mer. Ça va aussi faciliter la mise en place de dispositifs agiles, notamment par la gendarmerie nationale qui a une couverture territoriale, mais aussi la police avec leur aide, à l'arrivée des bateaux clandestins, pour faire des flagrants délits. Il y en a eu déjà trois depuis la visite ministérielle.»
Coopération internationale
Pour le directeur de l’OFAST, la coopération internationale est prépondérante dans la lutte contre les trafics, notamment de stupéfiants. «La Marine et les douanes interceptent avant leur arrivée un certain nombre de bateaux. Les flux qui sont interceptés de cette façon sont à destination parfois des Antilles, parfois de la Métropole, parfois d'autres pays. Et donc, il y a là matière à investiguer et à développer la coopération internationale pour démêler tout ça et neutraliser les organisations qui en sont à l'origine.»
« Des réseaux criminels français »
Dimitri Zoulas précise qu’en matière de trafic international de stupéfiants, les réseaux criminels français sont de plus en plus actifs. «Dans les sept plus grandes affaires de cette année, des cargaisons très importantes, on parle en tonnes désormais, étaient organisées par des réseaux criminels français, qui disposent aux Antilles de relais. Le cœur de métier de l'OFAST, c'est de supprimer, de neutraliser judiciairement ces organisations qui font de la Martinique, mais aussi de la Guadeloupe des têtes de pont de leur activité.»
Des saisies records
Dimitri Zoulas évoque la vague blanche, cette hyper production de produits stupéfiants qui déferle et les saisies records qui en découlent. «La production mondiale de cocaïne atteint 4 000 tonnes. Elle bat tous les records. A partir du moment où le produit est si disponible, il est exporté des zones de production, qui sont principalement la Colombie, le Pérou et la Bolivie, dans toutes les directions et évidemment vers les Antilles. Donc, vous avez une abondance de production et vous avez surtout une multiplication des réseaux organisés qui sont capables de la faire venir en grande quantité. Voilà aussi pourquoi nous en saisissons beaucoup plus. Les records, en total cumulé, sont exceptionnels. En 2023, le total cumulé, en France était de 24 tonnes, à peu près. En 2024, ça a augmenté de 130 % pour arriver à 54 tonnes. Et en 2025, on espérait une accalmie, pas du tout. En septembre, on était déjà à plus de 70 tonnes. A peu près la moitié, un peu plus même, a transité par la zone Caraïbe avant d'être interceptée ailleurs.»
« Une cellule de renseignement, la CROSS »
Le trafic de drogue et la production sud-américaine n’a pas pour unique destination l’Europe, comme l'explique Dimitri Zoulas. Il en dit plus sur la CROSS, une cellule de renseignement de l’OFAST. « C’est une nouveauté du plan stupéfiant de 2019, avec la montée en puissance de l'OFAST en 2020. Elle s'appelle la CROSS. C'est une cellule de renseignement sur les stupéfiants composée de tous les services (police, gendarmerie et douanes) qui ont un contact direct avec le terrain, pas seulement ceux de l’OFAST. Elle concentre tout le renseignement relatif à l'ensemble des trafics, incluant dans une très grande mesure, et nous en sommes très satisfaits, des signalements que les citoyens font sur le portail Ma Sécurité. La nouveauté de ce dispositif, c'est que tous les renseignements sont traités un par un. On évalue pour savoir si c'est juste ou pas et on l'enrichit parfois avec des recherches.Puis on l'attribue à un service pour qu'il aille mettre fin au trafic local. C’est piloté par l'OFAST, qui est, par la volonté de quatre ministres qui ont signé le décret de 2020, le chef de file de la lutte contre les stupéfiants en France. Vous avez donc un dispositif local de renseignement. Parfois, l'OFAST Caraïbe traite la procédure si elle présente un intérêt ou une difficulté particulière. La plupart du temps, c'est attribué au groupe Stup de la DTPN ou de la gendarmerie qui font le travail.»
Quid des frappes américaines dans la région ?
Depuis plusieurs semaines, les Etats-Unis frappent des embarcations colombiennes ou vénézuéliennes accusées de prendre part au trafic de stupéfiants. Les dirigeants des pays s’en défendent. Quel impact a cette pression américaine dans la zone ? Dimitri Zoulas en dit plus sur la position de la France. «Les trafics de stupéfiants font partie d'une géopolitique criminelle mondiale. Nous connaissons, puisque nous l'observons, la zone d'action américaine, avec cette action nouvelle à laquelle nous n'étions pas habitués. Il en résulte qu'aucun pays européen, et la France non plus, n'enverra, dans la situation présente, des renseignements opérationnels aux Américains s'ils pouvaient fonder une frappe militaire sur un bateau. Nous n'avons pas eu le cas depuis plusieurs mois, donc la question ne s'est pas posée. Mais si elle se posait, nous ne transmettrions pas ce renseignement. Ce n'est pas une position seulement française, c'est une position européenne. Maintenant, les Américains ne sont pas partout. Pour l'instant, ils ont une vigilance et des frappes sur des embarcations et des vaisseaux qui montent vers les États-Unis. Nous, ces vaisseaux-là ne nous concernaient pas particulièrement et notre zone d'action est géographiquement différente. Dans notre zone d'action, pour le moment, nous n'observons pas un déport statistique de bateaux suspects. Ça pourra arriver, mais pour l'instant, ce n'est pas encore observé. C'est un sujet de vigilance pour nous.»
Par RCI Martinique























