Lodeom : Contre un « rabot destructeur » prévu par le projet de loi de Finances, Christian Baptiste propose une « réforme courageuse et intelligente »

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Lodeom : Contre un « rabot destructeur » prévu par le projet de loi de Finances, Christian Baptiste propose une « réforme courageuse et intelligente »

Alors que le gouvernement Bayrou, dans son projet de loi de Finances, prévoyait un « rabot » de 350 millions d’euros sur les dispositifs d’allègements des exonérations de cotisations sociales en Outre-mer, plus connues sous le nom de Lodeom, le député apparenté socialiste de Guadeloupe, Christian Baptiste, oppose une « réforme courageuse et intelligente » pour « ne pas casser l’outil » et « sacrifier les territoires au nom de la ligne comptable ».

Une réforme des dispositifs d’allègements des exonérations de cotisations sociales dits Lodeom s’avérant imminente à la suite, d’une part, des annonces faites par l’exécutif lors des projets de loi de finances pour 2024 et 2025 et, d’autre part, de la publication en mai 2025 d’un rapport d’évaluation dédié de l’IGF et de l’IGAS, le député et rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer, Christian Baptiste, a mené sa propre évaluation en se rendant successivement en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à La Réunion.

Dans leur rapport d’évaluation, l’IGF et l’IGAS proposent de réaliser entre 138 et 308 millions d’euros d’économies sur les exonérations de charges spécifiques « dont bénéficient plus de 50 000 établissements ultramarins regroupant plus de 316 000 salariés, à 90% composés d’entreprises de moins de 11 salariés », précise le député. Après plusieurs entretiens avec le gouvernement Bayrou -cabinet du ministre des Outre-mer, de l’ancien Premier ministre, DGOM-, le député a appris « que le montant des économies fixées dans le projet de loi de finances qui aurait dû être déposé s’élevait à 350 millions d’euros, pour un coût annuel total estimé à environ 1,5 milliard d’euros ».

« C'est un coût massif sur l'économie (…), la casse assurée de nos PME, la perte de milliers d'emplois et l'aggravation de nos fragilités sociales déjà criantes », a alerté le député. « Ce projet est inacceptable et je m'y opposerais fermement » a-t-il assuré. Pour faire son rapport, le député socialiste a rencontré les élus locaux, les chambres consulaires, les administrations et « celles et ceux qui vivent la Lodeom au quotidien ». « Les chefs d'entreprises, les salariés, les acteurs économiques, partout, la réponse claire, unanime, sans nuance : toucher à la Lodeom, c'est condamner nos économies ».

« Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Pour une grande entreprise de l'hexagone, une hausse de charges se compense parfois par des marges plus larges. Mais chez nous, dans les Outre-mer, où neuf entreprises sur dix sont de petites tailles, où la trésorerie est déjà tendue, où les délais de paiement de certaines collectivités et centres hospitalier peuvent atteindre 250 jours ; supprimer ou fragiliser la Lodeom, c'est signer l'arrêt de mort de centaines de petites structures. C'est tuer dans l'œuf l'embryon du tissu économique local que nous essayons de bâtir patiemment depuis des décennies », a insisté le député.

La Lodeom, rappelle-t-il aussi, est un moyen pour les entreprises ultramarines d’attirer les talents ultramarins, notamment les diplômés qui ne reviennent pas toujours dans leurs territoires d’origines par manque d’attractivité. « Si nous voulons rompre avec une économie de comptoir héritée du colonialisme, il nous faut des ingénieurs, des informaticiens, des chercheurs, des cadres compétents qui trouvent des emplois de qualité chez nous et non ailleurs ».

Pour autant, Christian Baptiste n’est pas opposé à une évolution du dispositif. « Le système actuel est trop complexe, illisible et même injuste par certains aspects. Trop d'erreurs dans les déclarations, trop de fraude et 18,5% des entreprises bénéficiaires qui ne sont pas à jour de leurs obligations sociales. Cela n'est pas acceptable. Cela nourrit la défiance et fragilise la crédibilité du dispositif », a-t-il concédé. Plutôt qu’un « rabot » par « une logique budgétaire », Christian Baptiste propose « une réforme courageuse et intelligente ».

Dans son rapport, le député propose « plusieurs pistes concrètes ». À commencer par une « unification et simplification » de la Lodeom. « Créer un régime unique et lisible pour les Antilles et La Réunion, et un régime adaptable pour la Guyane et Mayotte qui ont des besoins spécifiques ». Il propose aussi de « renforcer les contrôles, lutter contre les fraudes, sanctionner les abus mais aussi récompenser les entreprises vertueuses en leur donnant de la visibilité et de la stabilité ».

Dans son rapport, il appelle aussi à « soutenir les secteurs d'avenir, garantir l'éligibilité des salaires de cadre et à privilégier les filières stratégiques comme le numérique, les nouvelles technologies, la transition écologique ». « Nous devons investir dans la modernité, ne pas rester enfermés dans des économies de comptoir », a-t-il insisté. Il demande également une « application stricte de la loi pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations sociales » et prévoit dans son rapport « des remboursements échelonnés comme dans une procédure de redressement judiciaire ».

Sur les délais de paiement qui « étranglent » les TPE et PME, Christian Baptiste somme l’État à « montrer l’exemple » et à « payer ce qu'il doit dans les délais raisonnables ». « Voici en somme la ligne de conduite qui guide ce rapport que j'ai présenté mercredi à la Commission des finances. C'est-à-dire corriger la faille, simplifier, contrôler, mais en gardant l'esprit et l'objectif de la Lodeom, sans casser l'outil ».

« Le chef du gouvernement semble vouloir envisager une autre voie : couper sans réfléchir, sacrifier le territoire au nom de la ligne comptable. Je choisis la responsabilité de défendre un dispositif indispensable, mais l'adapter pour qu'il soit plus juste, plus efficace et mieux appliqué. La Lodeom n'est pas un privilège pour quelques-uns. C'est une politique publique de justice et d'équilibre », a martelé le député qui n’a, pour l’heure, pas encore rencontré le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu.

Christian Baptiste se montre toutefois peu optimiste sur le fait que le nouveau locataire de Matignon fut un temps locataire d’Oudinot. Mais il n’en démord pas : « La Lodeom permet à nos entreprises de tenir debout, à nos salariés d'avoir un emploi et à nos territoires de rester attractifs. J’appelle le futur gouvernement à entendre ce message, qu’il s'inspire des 13 propositions que je formule dans mon rapport et qu'il choisisse la voie de la réforme constructive au lieu plutôt que celle du rabot d'exécuteur. Car ce dont il est question, ce n'est pas seulement des chiffres ou des barèmes, c'est le destin économique et social de nos territoires d’Outre-mer ».

Christian Baptiste rappelle aussi que « les contraintes » en Outre-mer, comme l’éloignement, sont reconnues par l’Union européenne, et qu’il est par conséquent « nécessaire que la solidarité nationale compense ces handicaps naturels ». « Toucher à la Lodeom aurait des répercussions en termes de licenciement sur quatre entreprises sur cinq dans les Outre-mer » a aussi prévenu le député alors que, selon les Instituts d’émission d’Outre-mer, les défaillances d’entreprises ne cessent d’augmenter dans les DROM, notamment aux Antilles-Guyane.

Le député assure enfin que la réforme qu’il propose, issue de son rapport, « ne demande aucune augmentation de dépenses publiques, aucune. Bien au contraire, elle peut être source d’économies », sans avancer de chiffre précis mais en défendant « un système vertueux » qui lutte contre « les abus, les fraudes volontaires et involontaires » et qui « applique strictement la loi pour faire des économies ».  

Le rapport du député Christian Baptiste disponible ici