Les CPME de la « France océanique » forment 10 propositions pour « l’ancrage territorial et la soutenabilité des entreprises ultramarines »

Jean-Christophe Bélivier (CPME Guadeloupe), Dominique Vienne (CPME Nationale), Gérard Lebon (CPME Réunion), Céline Rose (CPME Martinique), François Asselin (CPME Nationale) et Joëlle Prévost-Madère (CPME Guyane) étaient réunis cette semaine à Paris pour mettre un point final à leurs 10 propositions (Crédits Outremers360)

Les CPME de la « France océanique » forment 10 propositions pour « l’ancrage territorial et la soutenabilité des entreprises ultramarines »

Réunies à Paris cette semaine, les CPME de la « France océanique », autrement dit des Outre-mer, avec la CPME Nationale, ont présenté à la rédaction d’Outremers360 leurs 10 propositions pour « l’ancrage territorial et la soutenabilité des entreprises ultramarines ». Les CPME veulent ainsi apporter leurs solutions et contribuer à une vision positive des territoires.

La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Les CPME des territoires de la « France océanique » sont à Paris pour présenter et expliquer leurs 10 propositions travaillées avec l’ensemble des territoires, autour de la CPME Nationale. « C'est un document qui apporte une contribution à une vision positive, ou à tout le moins, apporte des solutions », explique Dominique Vienne, vice-président de la CPME Nationale, en charge des Outre-mer. 

Accompagné par Céline Rose, présidente de la CPME Martinique, Joëlle Prévost-Madère, présidente d’honneur de la CPME Guyane, représentant Didier Maignan, Jean-Christophe Bélivier, président de la CPME Guadeloupe, Gérard Lebon, président de la CPME Réunion et François Asselin, président de la CPME Nationale, Dominique Vienne a longuement expliqué l’essence de la démarche, tout en détaillant quelques « lignes de force » de ce document de propositions qui « n'ont pas vocation à porter une seule vérité mais à faire bouger quelques lignes ».

« Avoir une réflexion plus prospective »

« On est dans l'angle mort. On parle de nous au moment de crises (…). Et on a essayé de trouver, au sein de cette famille patronale, des moyens de parler de nous de manière plus que positive, de manière contributive », poursuit Dominique Vienne. « On voulait vraiment valoriser la France océanique dans sa dimension contributive à la Nation », ajoute-t-il, sans pour autant faire preuve d’idéalisme en effaçant les réalités et les problématiques structurelles des territoires. « On le fait avec humilité. C'est un document qui nous unifie mais qui nous différenciera dans l'action parce que chaque territoire nécessite une mise en œuvre distinctive ».

« L'idée aussi, c'est d'avoir une réflexion plus prospective, plus en dehors de conflits sociaux » a abondé la présidente de la CPME Martinique. Pour élaborer leur document, les responsables des CPME ultramarines, ou océaniques, on établit en premier lieu quatre axes, quatre « marqueurs » : apporter des expertises aux entrepreneurs ; renforcer leur influence auprès des décideurs ; construire des services de protection sociale pour les entrepreneurs et la formation des jeunes ; et valoriser ce qui se passe dans la « France océanique ».

Délai de paiement, visibilité et lisibilité du statut d'entrepreneur ultramarin

Ensuite, les CPME ont défini une « notion de temporalité » qui permet aux 10 propositions de répondre à des enjeux de court, moyen et long terme. À court terme, « on a des propositions qui touchent au pouvoir d'achat et au développement de l'emploi ». À moyen terme, « on a voulu parier sur la jeunesse parce que nous sommes quand même des gens qui formons à nos métiers, à notre passion. Donc, tout ce qui touche à l'alternance, et à l'inclusion des publics éloignés ». C’est aussi ici que les CPME veulent « trouver les moyens pour que l'ancrage territorial des politiques publiques soit maximal et bénéfique  aux territoires ». Enfin dans le long terme, il s’agira « d’ancrer les Outre-mer autrement dans les institutions françaises et européennes ».

Viennent ensuite les 10 propositions, et Dominique Vienne a voulu en développer deux particulières : les délais de paiement ainsi que la visibilité et lisibilité du statut d’entrepreneur ultramarin. Sur le sujet des délais de paiement, les CPME proposent notamment de « renforcer certaines pratiques possibles dans le cadre du portail gouvernemental « Chorus Pro » » ; de « généraliser dans le cadre du COROM le déploiement du label « Relations fournisseurs responsables » auprès de toutes les Collectivités et certaines grandes entreprises » ; de « généraliser le nantissement des créances publiques auprès des organismes sociaux comme cela existe en Guyane » ou encore ; de « rendre effectif le déclenchement automatique des intérêts moratoires » et « créer un comité local des financeurs prévu au sein de l’ANCT régionale sous l’égide du préfet ». Ces mesures sont des « réponses structurelles » sur les délais de paiement, qui sont 2,9 fois plus élevés en Outre-mer, et pourraient libérer 700 millions d’euros pour les entreprises en Outre-mer. 

L’autre mesure saillante, c’est l’élaboration d’une « loi-programme qui caractérise le statut de l'entreprise ultramarine ». « On veut dire par là que l'entreprise ultramarine répond à des caractéristiques d'éloignement, de coût des intrants, de fonds propres, de financement d'exploitation qui est trois fois plus élevé », explique Dominique Vienne. Les CPME souhaitent que « ces caractéristiques-là soient embarquées dans une loi-programme sur dix ans qui confère au statut des entrepreneurs ultramarins des réponses qui lui permettent, en Guyane par exemple, de céder des créances que nous doivent des tiers ». Une « réponse de lisibilité et de visibilité et de stabilité » nécessaire pour les PME et TPE ultramarines, qui représentent le tissu économique majoritaire en Outre-mer.

 « Ancrage territorial et insertion dans notre environnement »

Sur l’ancrage territorial défendu par les CPME, Dominique Vienne s’explique : « C'est le circuit court, c'est la maximisation des retombées socio-économiques. Parce que quand vous injectez de l'argent public sur le territoire de la France océanique, et si vous vous y prenez bien, il peut circuler plusieurs fois. C'est ça le sens de l'ancrage », qui prévient toutefois, « mal utilisé, le sens de l’ancrage territorial peut se comprendre en autarcie. Ce n’est pas ce que nous défendons ». « C'est faire travailler les compétences présentes sur le territoire, c'est former les gens qui n'ont pas ces compétences, pour qu'ils acquièrent ces compétences et qu'ils restent ancrés dans leur territoire », ajoute François Asselin.

Joëlle Prévost-Madère insiste, pour sa part, sur la nécessité de relier « ancrage territorial et insertion dans notre environnement » et par la même, la nécessité « d’adaptation des normes à nos territoires ». « Parce qu'il faut bien comprendre que oui, nous sommes Français, mais nous sommes des territoires éloignés dans un environnement géographique. Je prends l'exemple de la Guyane, sur le continent sud-américain, entre le Brésil et le Suriname. Il nous faut mieux travailler pour produire moins cher. On doit pouvoir avoir la possibilité d'importer au plus près. Et pour cela, il nous faut un niveau d'adaptation de normes de normes territoriales ». En d’autres termes, « sortir d’une relation nord-sud, exclusive pour aller vers des relations régionales  ».

Encore une fois, les responsables des CPME ultramarines insistent sur leur démarche contributive, et n’ont pas l’ambition de faire de leur 10 propositions une loi. Mais ils soulignent tout de même l’importance de celles-ci. « On sent quand même qu'il y a des choses qui peuvent se passer et c'est notre rôle en tant qu'acteur économique et social d’initier une démarche qui soit plus en-dedans, d'être davantage force de proposition que dans la réaction et dans des mesurettes du moment qui ne sont pas pérennes pour nos territoires », explique Céline Rose. « Et on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir été attentif à des signaux d'alerte ».

On « arrive avec des pistes qui seront évidemment parfois utiles, parfois manqueront de prise en compte de toutes les dimensions. Mais c'est notre contribution à nous pour avancer dans un moment qui va être singulier » ajoute Dominique Vienne. « On va vivre des moments difficiles dans nos territoires, notamment sur la problématique du pouvoir d'achat (…). Notre travail, c'est aussi un témoignage de responsabilité ». Bien entendu, rappelle François Asselin, « il y a une concomitance de temps avec un nouveau gouvernement, de nouveaux parlementaires, donc c'est le moment de présenter nos propositions » qui résulte de longs travaux en amont.

« La France océanique a vraiment besoin du soutien de la France hexagonale », insiste le président de la CPME Nationale. « C'est une belle opportunité en termes de géographie, en termes d'influence, que la France soit partout dans le monde (…). Et puis, au-delà de ça, il y a beaucoup d'opportunités à développer nos territoires de la France océanique plutôt que parfois d'avoir un regard un peu raccourci sur eux. C'est pour cela que, sans occulter toutes les difficultés en termes économique et social que traversent ces territoires, nous nous inscrivons dans des perspectives d’avenir pour la France océanique en matière d'économie, en matière sociale, et en matière de transition écologique », conclut François Asselin.

Le document des CPME et leurs 10 propositions seront remis aux ministres Gérald Darmanin et Jean-François Carenco lors de leur visite à La Réunion, prévue à partir de ce vendredi.