Dans un rapport intitulé « L’enseignement supérieur et la recherche dans les Outre-mer », la Cour des comptes loue un fort potentiel ainsi qu’une offre de formation et de recherche diversifiée et progressivement adaptée aux territoires. Elle déplore cependant des politiques de formation, de vie étudiante et de recherche aux résultats contrastés souffrant d’un déficit de stratégie et de coordination, et préconise un renforcement du pilotage des universités ultramarines.
En introduction, la Cour constate que les territoires d'Outre-mer sont très diversifiés sur les plans juridique, démographique, culturel, économique et social, ce qui rend difficile la création d'un modèle unique pour ces régions. Cependant, ils partagent des contraintes communes telles que l'éloignement géographique, une moindre attractivité, des difficultés de mobilité, des surcoûts économiques, et des problèmes de transport collectif.
Chaque année, de plus en plus de bacheliers ultramarins poursuivent des études supérieures, malgré des difficultés économiques, sociales et éducatives plus marquées par rapport à la l’Hexagone. Parmi eux, 43% ont obtenu un baccalauréat général, 25% un bac technologique et 32% un bac professionnel. Cette situation influence fortement les choix d'orientation et les conditions d'études des étudiants ultramarins.
« Pour absorber ce nombre croissant de bacheliers, dans la majorité des territoires, et améliorer le niveau global de formation, l’offre d’enseignement supérieur en Outre-mer s’est fortement développée et diversifiée. Entre 2002 et 2022, le nombre d’étudiants ultramarins est ainsi passé de 39 570 à 60 917 (+ 54%). Cette offre se structure autour d’universités de proximité, deux fois plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a 25 ans (six contre trois) », relève le rapport.
Pour faciliter l'accès à l'enseignement supérieur, l'offre de formation s'est largement étendue sur le territoire, avec des formations disponibles dans 72 communes. Des universités sont présentes dans presque tous les territoires d'Outre-mer, à l'exception de Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, et Wallis-et-Futuna. Cette démarche se poursuit avec de nouveaux projets immobiliers universitaires et l'installation récente de « campus connectés » dans neuf communes supplémentaires en Outre-mer.
Dans les territoires ultramarins, l'offre de formation, principalement au niveau de la licence (en 2020-2021, 76% des effectifs universitaires sont en 1er cycle contre 23 % en master), est toutefois peu coordonnée avec les acteurs économiques et les collectivités locales. Cette absence de coordination est d'autant plus problématique que le tissu économique local se caractérise par une forte présence de très petites entreprises et une grande importance de l'emploi public. « Elle présente également certaines carences. C’est le cas des formations d’ingénieurs, qui ne sont accessibles qu’en Guadeloupe et à La Réunion », précise la Cour.
Cette dernière note également que « près de 40 000 étudiants ultramarins ayant fait le choix d’étudier dans l’Hexagone, leur situation particulière (notamment isolement familial) justifie un accompagnement spécifique ». En 2020-2021, près de 20% des nouveaux bacheliers ultramarins ont poursuivi des études supérieures hors de leur territoire. Pour ceux qui envisagent de revenir en Outre-mer après leurs études, il est justifié de mettre en place des dispositifs d'accompagnement, qui pourraient également favoriser le développement économique de ces régions.
Le rapport souligne que la recherche ultramarine a réalisé des avancées prometteuses grâce à des financements, des publications et des classements internationaux. Cependant, ces succès restent précaires et nécessitent une nouvelle approche et un meilleur pilotage pour être consolidés. Les dispositifs comme le plan d’innovation Outre-mer (PIOM) et le programme prioritaire de recherche (PPR), chacun doté de 15 millions d'euros, soutiennent le développement de la recherche, tout en maintenant des exigences élevées.
Par ailleurs, malgré les efforts de la direction générale des Outre-mer (DGOM), les administrations centrales, dont le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, tiennent insuffisamment compte des spécificités locales dans la mise en œuvre des dispositifs nationaux. Les administrations déconcentrées, qui accompagnent les établissements d’enseignement supérieur, auraient besoin d’un renforcement, « notamment dans le Pacifique où les vice-rectorats disposent de compétences limitées et de moyens, en conséquence, plus réduits ».
En conclusion, le rapport formule un certain nombre de recommandations à mettre en place en 2025, dont, notamment : « Proposer un cadre opérationnel de coopération renforcée pour les universités et les organismes nationaux de recherche dans chacun des territoires d’Outre-mer ; Définir une stratégie de formation propre aux Outre-mer, (…) ainsi qu’un dispositif opérationnel de formation dans chacun des territoires ; et Élaborer une stratégie nationale de recherche dans les Outre-mer, déclinée au niveau de chaque organisme de recherche, précisant les thèmes et les modalités d’organisation et de coopération ».
Extraits du rapport
La majorité des territoires d’Outre-mer présente des taux de réussite au baccalauréat (92,5%) comparables à l’Hexagone (95,1%) et même supérieurs en ce qui concerne la Martinique (96,6%), la Guadeloupe (96,3%) et La Réunion (95,4%). En revanche, un léger décrochage est à observer pour Mayotte (87,3%), sauf pour le baccalauréat professionnel dont les résultats sont supérieurs (+ 0,3 point), et pour la Nouvelle-Calédonie (80,9%) en raison d’un très faible taux de réussite au baccalauréat professionnel (- 16,7 points).
La place de l’université reste globalement plus forte dans les Outre-mer que dans l’Hexagone, notamment en Guyane (70%), à La Réunion (70%) et en Guadeloupe (65%). En revanche, elle occupe une place relative moins importante en Polynésie française (61%), en Nouvelle-Calédonie (60%), en Martinique (58%) et à Mayotte (moins de 60%) en raison de la création du centre universitaire de formation et de de recherche (CUFR) en 2011.
Alors que les Outre-mer comptabilisaient initialement trois établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), présents dans chaque bassin océanique, un mouvement de division s’est produit au cours des 25 dernières années, aboutissant à la création de trois établissements supplémentaires. Ces évolutions, à rebours du mouvement de regroupement universitaire dans l’Hexagone, s’expliquent par la volonté de chaque territoire de disposer de sa propre université. En raison de l’éloignement géographique et de la nécessité de bâtir une offre de formation cohérente à l’échelle du territoire, les attentes politiques, économiques et sociales qui reposent sur l’université sont extrêmement fortes en Outre-mer.
En savoir plus : le rapport complet et les six cahiers territoriaux (Antilles, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie)
PM