L’enseignement scolaire en Outre-mer: des moyens à mieux adapter à la realité des territoires, pointe un rapport de la Cour des Comptes pour le Sénat

L’enseignement scolaire en Outre-mer: des moyens à mieux adapter à la realité des territoires, pointe un rapport de la Cour des Comptes pour le Sénat

© Académie de Guadeloupe

Le 21 janvier 2020, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête portant sur le système éducatif dans les académies d’outre-mer, avec pour objectif de dresser un panorama de l’éducation dans le premier et le second degré dans les cinq académies de la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, Guyane et Mayotte, et des divergences constatées avec le territoire de l’hexagone. Les observations rapportées aujourd’hui laissent voir un écart important et la nécessité d’un travail d’adaptation aux territoires.

Déjà abordé il y a 10 ans dans un précédent rapport, le constat était fait que des écarts de résultats importants étaient observés avec les académies de l’hexagone, de même qu’un niveau élevé d’illettrisme et de l’insuffisance de l’adaptation des moyens aux réalités locales, engendrant un « niveau inacceptable d’échec scolaire » en Outre-mer.

Une étude menée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur l’effectivité des droits de l’homme dans les Outre-mer avait également statué en 2017 sur « les entraves à l’accès à l’éducation », compromettant dans certains cas le respect du droit à l’instruction.

Dans ce nouveau rapport, la concentration de la Cour des comptes sur les académies de la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, Guyane et Mayotte s’explique notamment par le fait que celles-ci correspondent à l’organisation scolaire mise en œuvre dans l’hexagone, facilitant ainsi la comparaison tant de l’engagement de l’État que de la performance du système scolaire.

Effort d’adaptation à mettre en place 

Selon l’état des lieux dressé par la Cour des comptes et enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2020, ces constats sont malheureusement toujours d’actualité.
En résulte la nécessité constatée d’assurer d’une meilleure mobilisation des moyens, qui, selon le rapport, doivent être massifs. Le rapport souligne que les efforts, au-delà d’être financiers, sont surtout liés à l’adaptation aux réalités des territoires dans leur diversité, en particulier concernant la Guyane et Mayotte.

La contrainte financière ne saurait expliquer les disparités constatées, puisque le rapporteur souligne l’intervention continue de l’État dans les académies ultramarines, qui conduit à ce que les dépenses du ministère de l’Éducation nationale s’y élèvent à plus de 4,2 milliards d’euros. Un coût de l’enseignement outre-mer par élève nettement supérieur à la moyenne nationale, de 30 % en moyenne, chiffre qui s’élève à 65 % pour la Martinique et 45 % pour la Guadeloupe.
L’adaptation au territoire en revanche est pointée du doigt, puisque le rapporteur constate que les recommandations formulées par le Sénat en 2009 
sur le défaut d’adaptation de la politique scolaire aux outre-mer restent malheureusement pertinentes.

La Cour des comptes indique ainsi que « peu d’actions innovantes sont conduites localement et lorsqu’elles existent, elles ne mobilisent que des moyens limités ». Toutefois, l’administration semble avoir pris conscience de la nécessité de travailler en dialogue étroit avec les académies afin de privilégier une gestion « sur mesure ».

Les problématiques divergentes

Obstacle non négligeable à une homogénéisation des moyens, chaque territoire soulève des enjeux différents impliquant des réponses différenciées de l’État. Les évolutions démographiques, notamment, sont difficilement comparables. Ainsi, en dix ans, la Martinique a perdu plus de 20 % des élèves quand Mayotte en gagnait l’équivalent.

Le contexte social n’est pas non plus identique du fait d’écarts importants de niveau de vie. En outre,

Mayotte ne dispose d’un rectorat de plein exercice que depuis janvier 2020, quarante ans après que le premier lycée y a été implanté, quand les autres académies disposent d’un système scolaire ancien et d’une gestion rectorale bien implantée localement.

Deux catégories peuvent ainsi être distinguées : d’une part les trois académies les plus anciennes et les plus attractives des Antilles et de La Réunion et d’autre part les territoires de Guyane et de Mayotte, faisant face à des difficultés plus importantes et nécessitant un accompagnement accru de l’Éducation nationale.

Des recommandations pour changer la donne

Fort de ces constats, quatre recommandations émergent de ce rapport.
La première, privilégier davantage l’adaptation aux réalités locales en laissant plus d’autonomie aux recteurs, sur la base d’évaluations détaillées et précises de la performance de chaque académie.

La seconde, aménager plus largement les modalités de recrutement des enseignants, ainsi que leur formation et leur régime indemnitaire, afin de mieux prendre en compte les besoins des territoires.

La troisième, mieux utiliser le dispositif d’éducation prioritaire en le recentrant sur les académies et les établissements où il est le plus nécessaire, voire y substituer un dispositif spécifique pour la Guyane et Mayotte.

Enfin, la quatrième, accroître les moyens des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des élèves issus des familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) pour tenir compte des évolutions du nombre d’élèves allophones et mieux former les enseignants aux questions linguistiques.

Damien CHAILLOT