Ces mercredi 13 et jeudi 14 mai derniers, le Centre d'Excellence des Professions Culinaires (CEPROC), à Paris, a accueilli une masterclass unique dédiée à l’un des joyaux aromatiques des territoires ultramarins : la vanille française. Portée par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et pilotée par la cheffe Béatrice Fabignon, experte en cuisine créole, cette rencontre a permis de conjuguer savoir-faire culinaire, valorisation des terroirs et transmission pédagogique auprès de jeunes apprentis en CAP cuisine.
Organisée à l’initiative du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), cette masterclass s’inscrit dans une série d’événements de promotion de la gastronomie française. « Nous avons déjà eu plusieurs masterclass sur des plats emblématiques comme le cassoulet ou la choucroute. Cette fois, nous avons voulu faire honneur à la gastronomie d’Outre-mer », explique Arnaud Martrenchar, représentant du CGAAER. « La vanille s’est naturellement imposée comme le produit d’ouverture, car elle est présente dans presque tous les territoires ultramarins, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon ».
Au-delà de la simple dégustation, il s’agissait d’offrir une véritable immersion dans la diversité des vanilles françaises, méconnues à la différence de la vanille de Madagascar. « Par exemple, la vanille de Tahiti, qui est le plus gros territoire ultramarin producteur, ne représente que 2 % de la production mondiale. Il est donc essentiel de la faire connaître », souligne-t-il.
Un engagement culinaire et pédagogique
Pour ce faire, l’événement a fait appel à Béatrice Fabignon, cheffe passionnée et engagée, spécialisée dans les cuisines créoles et des Outre-mer. « Le CGAAER m’a proposé de réaliser des masterclass pour promouvoir les gastronomies créoles. Le défi était de valoriser l’ensemble des territoires d’Outre-mer à travers un produit emblématique », raconte-t-elle
Afin de fournir une approche complète, plusieurs experts de cet épice ont animé des conférences sur les différentes spécificités des espèces de vanille présentes dans les territoires ultramarins : Cédric Coutellier, président de la Fédération Nationale de la Vanille Française et producteur en Guadeloupe, fondateur de VANIGWA, Cécile Chaillou,spécialiste de la vanille de Polynésie) et Émerick Romignac, entrepreneur et fin connaisseur de toutes les vanilles ultramarines. « On ne voulait pas seulement cuisiner, mais aussi transmettre un savoir, expliquer d’où viennent ces vanilles, comment elles sont produites, affinées, conservées », insiste la cheffe Béatrice Fabignon.

Un menu 100 % vanille et 100 % pédagogie
Accompagnée d’une douzaine d’élèves en CAP, Béatrice Fabignon a conçu un menu complet autour de la vanille, salé et sucré. Une gageure, mais surtout un formidable terrain d’expérimentation pour les jeunes cuisiniers. Parmi ces jeunes apprentis, la vanille était un produit inconnu. « Je ne savais même pas que c'était vert et que ca ressemblait à un haricot vert», confie un élève de ce CAP Cuisine
En entrée, des gambas snackées accompagnées d’une brunoise de légumes ; en plat, une ballotine de volaille au piment végétarien et un crémeux de patate douce ; en dessert, une crème anglaise à la vanille, servie avec de la mangue fraîche et un crispy de rose des sables. Chaque élément du repas était subtilement parfumé à la vanille, parfois de manière innovante : « On a réalisé des sphères de vanille qui explosent en bouche, une technique qui a beaucoup plu aux élèves », raconte-t-elle avec enthousiasme.


Au cœur de cette initiative, une volonté forte : changer le regard sur la vanille ultramarine. « Il n’y a pas une seule vanille, il y en a plusieurs, issues de terroirs de grande qualité », rappelle Béatrice Fabignon. « La vanille française n’est pas produite en grande quantité, mais elle possède une richesse gustative et une intensité qui la positionnent sur le haut de gamme ».
Mickaël Guedj, chef formateur au CEPROC confirme cette nécessité de mieux connaître ce produit particulier. « Il est important de faire cette masterclass parce qu'il y a finalement un manque de connaissance sur les différents usages en cuisine de la vanille. J'ai pu apprendre qu'il y a 160 espèces de vanilles.Il y a des vanilles qui sont meilleures pour le plat, meilleures pour les poissons, ou pour le dessert. Cela nous permet de mieux choisir la vanille adaptée à nos plats et ne pas juste dire que je commande une gousse.»
Déconstruire les idées reçues sur la vanille
La masterclass a aussi permis aux élèves d’aborder des questions économiques et écologiques : « Certes, la vanille ultramarine est plus chère que d’autres, mais elle est aussi plus concentrée. On en met moins, donc on en gaspille moins. Et surtout, on comprend pourquoi elle coûte ce prix : parce qu’elle est produite dans des conditions spécifiques, avec des savoir-faire uniques », souligne-t-elle.
Le bilan de ces deux journées a été très positif. La première a été consacrée à des ateliers pratiques en cuisine, et la seconde à une conférence plus institutionnelle, en présence notamment de la sénatrice Micheline Jacques, du préfet, ancien ambassadeur et chargé de mission au Ministère des Outre-mer Marc Vizy et de plusieurs membres du CGAAER. « Cela a permis de présenter tout le cycle de la vanille : de la plantation à l’assiette, en passant par l’affinage, la conservation, et bien sûr, la transformation culinaire », résume Arnaud Martrenchar.
L’enthousiasme des participants confirme l’intérêt de cette démarche. « Les jeunes ont vraiment intégré la notion de terroir, de choix, de qualité. Et surtout, ils ont compris qu’en tant que futurs chefs ou entrepreneurs, ils auront à faire des choix responsables », conclut Béatrice Fabignon.

Un «vecteur de coopération »
« La vanille, ingrédient essentiel pour des pâtisseries de qualité, est aussi au cœur d'initiatives de coopération régionale. La vanille, élément naturel, gastronomique et touristique commun aux îles de l'océan Indien, a en effet servi de support pour lancer une marque qui renforce la notoriété de ces destinations, mais aussi pour les promouvoir à l'international. L'initiative de coopération régionale que sont les îles vanilles, officiellement lancée en 2010, réunit six territoires de l'océan Indien, la Réunion, Mayotte, l'île Maurice, les Seychelles, Madagascar et les Comores.Ce programme de coopération touristique vise à mutualiser les efforts de promotion de ces îles sur la scène internationale» a rappelé Thani Mohamed Soihili, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, en conclusion de cette masterclass.


Fort du succès de cette masterclass, le CGAAER envisage déjà d’autres rendez-vous autour de produits ultramarins emblématiques : accras, boudin créole, ou autres épices locales. Des occasions supplémentaires de faire rayonner la richesse et la diversité des gastronomies d’Outre-mer, tout en préparant les jeunes générations à porter cet héritage avec fierté et créativité.