La Délégation sénatoriale aux Outre-mer a accueilli le 12 mars une réunion conjointe des délégations Outre-mer de l’Association des maires de France (AMF) et du Sénat. Objectifs : la prise en compte de la spécificité des territoires ultramarins et nourrir les travaux du comité législatif réglementaire de l’AMF afin d’être en amont dans la préparation des politiques publiques et de leur évaluation. Trois points ont été abordés : la réforme de l’octroi de mer, la situation à Mayotte, et l’adaptation des normes Outre-mer pour déposer une proposition de loi annuelle.
L’octroi de mer représente près de 1,5 milliard d’euros, a rappelé Micheline Jacques, la présidente de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer. Une recette fiscale indispensable pour les collectivités territoriales. Les cinq territoires des départements et régions d’Outre-mer ont exprimé une position claire contre une réforme de l’octroi de mer qui remettrait en cause des équilibres fondamentaux : garantie de l’autonomie financière des communes et régions, instrument économique et fiscal à leur main, et outil de protection de la production locale. La sortie critique du rapport de la Cour des comptes sur l’octroi de mer n’a fait que raviver les inquiétudes.
Pour Serge Hoareau, président de l’association départementale des maires de La Réunion, « ce rapport a eu une incidence assez néfaste sur les politiques que nous représentons. À notre sens, si l’on veut parler de la cherté de la vie dans nos territoires, il aurait été plus utile que l’on fasse une analyse de la constitution des prix sur les territoires ultramarins. Nous sommes extrêmement inquiets pour l’autonomie financière de nos collectivités ». Didier Laguerre, maire de Fort-de-France en Martinique, souligne « qu’il ne saurait être question que l’octroi de mer soit remplacé par une dotation car cela conduirait à terme par une perte d’autonomie financière des collectivités. L’octroi de mer joue un rôle de protection de la production locale. ».
Mohamadi Madi Ousseni, maire de Chiconi à Mayotte, a relevé deux points essentiels : le déséquilibre des recettes, compte tenu des difficultés concernant déjà la pression sur les recettes des communes, et l’impact sur la population relatif aux produits de première nécessité. « Avec la vie chère, nous sommes inquiets, parce que cela impacte aussi bien les collectivités que les populations qui subissent depuis des années une inflation galopante. Quelles seront les garanties qui permettent à nos collectivités et populations de subir cet ensemble dans le budget global dans la vie de tous les jours de nos concitoyens ? »
« On est en train de retirer tout le pouvoir des élus, et mettre la décentralisation en cause », a déploré pour sa part Jean-Claude Maes, président de l’Association des communes et collectivités d'Outre-mer (ACCD'OM). « Quelle étude d’impact a-t-on fait sur l’économie locale ? L’État ne nous a jamais donné une étude sérieuse sur l’économie. Si cela continue comme ça, il y aura des conflits sociaux au sein de la population. L’État va nous dire, comme des enfants, quels projets ont va faire. C’est pourquoi je suis vraiment contre cette réforme. Nous à l’AMF et à l’ACCD'OM on va prendre un cabinet pour nous aider à travailler pour faire des propositions correctes à l’État. On représente quelque trois millions d’habitants et il faut que l’État nous écoute dans ce sens. »
Selon Georges Patient, sénateur de Guyane, il y a deux solutions : « Où le gouvernement sort cette mesure sur l’octroi de mer, et il y aura un tollé au niveau des élus, où cette mesure nous est présentée en loi de finances. » Pour Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe, « Bercy part sur un prisme que lutter contre la vie chère c’est simplement réformer l’octroi de mer, sans avoir plus d’informations. Il y a un ensemble d’études qui ont des biais d’analyse et qui toutes concluent au potentiel inflationniste de l’octroi de mer. Il faut être prêt et faire par exemple des propositions sur le modèle de la TVA. Il faut revoir tout le mécanisme de déduction. Il faut revoir les mécanismes d’exonération en les clarifiant et les simplifiant, et il faut revoir l’imposition et la tarification sur tous les produits de première nécessité.
PM