La Cour des comptes incite les « zones non interconnectées » ultramarines à renforcer leur autonomie énergétique

©Cap Excellence (Guadeloupe)

La Cour des comptes incite les « zones non interconnectées » ultramarines à renforcer leur autonomie énergétique

La France dénombre plusieurs territoires qualifiés de « zones non interconnectées » (ZNI, en majorité ultramarines), c’est-à-dire, selon la loi, « non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental ». Cela les contraint à compter sur leurs propres moyens de production électrique, ce qui rend leurs coûts de production supérieurs au coût moyen du réseau hexagonal. Cependant, leurs consommateurs bénéficient d’une péréquation tarifaire nationale et le surcoût de la production est pris en charge par l’État. Dans un rapport publié fin novembre, la Cour des comptes encourage ces régions à renforcer leur autonomie énergétique.

 

Les ZNI françaises bénéficiant du dispositif de péréquation tarifaire nationale sont la Corse, certaines îles du Ponant (îles de Sein, Molène, Ouessant et Chausey), la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Pierre et Miquelon, La Réunion, Mayotte et Wallis et Futuna. « La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui exercent une compétence propre en matière d’énergie, ne bénéficient pas de ce dispositif. Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont dans une situation atypique : elles détiennent la compétence énergie tout en disposant de la péréquation tarifaire », précise la Cour des comptes.

Le rapport de la Cour analyse la situation des six principales ZNI : la Corse, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte et La Réunion (la Corse ayant la particularité d’être en partie connectée à la Sardaigne et au réseau électrique italien continental). Pour les territoires d’Outre-mer, il s’agit d’assurer leur approvisionnement électrique à partir de leur seule production locale, beaucoup plus onéreuse que celle de l’Hexagone, et garantir par eux-mêmes la stabilité et l’équilibre de leur réseau. Dans ce cadre, une réglementation particulière dérogatoire au droit commun européen y est appliquée, ainsi que « des dispositions spécifiques figurant dans le code de l’énergie pour leur politique de transition énergétique. Il s’agit, en particulier, de l’élaboration de programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) propres à chaque territoire, îles du Ponant exceptées, et régulièrement révisées ».

 « Au-delà du dispositif de péréquation tarifaire nationale qui permet de maintenir la parité des prix avec l’Hexagone, la qualité du service public, mesurée par le taux de coupures, a été et demeure comparable à celle du continent malgré des conditions climatiques plus difficiles dans les régions cycloniques ou des retards de développement économique dans certaines zones », relève la Cour des comptes. Le surcoût de la production électrique dans les Outre-mer est donc assuré par l’Etat, conformément à ses missions de service public et de solidarité nationale, qui assurent aux ZNI des prestations équivalentes, en prix comme en qualité, à celles observées en France hexagonale.

 

Toutefois, la transition énergétique des territoires ultramarins, et tout d’abord la décarbonation des moyens de production électrique, a impliqué une charge supplémentaire pour l’Etat, due au surcoût de la production électrique à partir d’énergies renouvelables. « Demeurées d’un montant légèrement inférieur à 2 milliards d’euros jusqu’en 2020, les charges totales de service public de l’électricité dans les ZNI ont dépassé 2,5 milliards en 2022 et devraient rester proches de ce niveau en 2023. Les trois-quarts de ce montant sont consacrés à la péréquation proprement dite, le reste au financement de la transition énergétique », constate le rapport.

La conversion en cours pose la question de la recherche de l’autonomie énergétique des ZNI. À ce sujet, la Cour des comptes déplore un défaut de vision à moyen terme (une quinzaine d’années avec un chiffrage prévisionnel), où les décisions structurantes relatives aux mix énergétiques des régions concernées ne s’appuient pas sur un scénario cible comme dans l’Hexagone. « Les décisions prises dans les ZNI s’inscrivent au mieux dans le temps court des PPE, adoptées par cycle de cinq ans ; au pire, elles relèvent du temps immédiat de leur révision en procédure simplifiée qui valide les projets au coup par coup », écrit l’institution.

Au final, le rapport préconise pour les ZNI des études d’impact en termes de sécurité d’approvisionnement et de coûts pour la mise en œuvre de la transition énergétique, ainsi que des scénarios de mix énergétique ciblés par territoire qui permettraient de fixer les étapes intermédiaires à franchir. « En second lieu, l’outil des PPE est à revoir en grande partie. Les retards massifs de renouvellement accumulés dans presque toutes les ZNI signent l’échec d’une méthode ambitieuse mais dévoyée par des enjeux ou des conflits locaux et une procédure inadaptée. Une meilleure prise en compte dans les PPE des politiques de transport, de stockage de l’énergie et de gestion des déchets s’avère à cet égard nécessaire, de même qu’une meilleure prévention des conflits d’intérêts au niveau local. À cet effet, les moyens d’expertise des services de l’État dans les ZNI gagneraient à être renforcés », conclut la Cour.

 

Lire le rapport de la Cour des comptes

 

PM