La situation guyanaise en terme d’énergies produite par la biomasse est complexe.
Elle reflète les contradictions au cœur de l’état français : d’un côté on s’engage pour un respect des accords de Paris et pour limiter les effets du réchauffement climatique, en sortant des fossiles avec plus de solaire ou de biomasse, de l’autre, les défenseurs de la nature restent farouchement opposés à la déforestation. Au centre une population,elle aussi partagée, qui manque cruellement d’électricité .
L’objet du désaccord réside donc essentiellement autour du plan biomasse , qui avec le photovoltaïque et demain l’hydrogène devrait répondre à la fourniture d’électricité de tout le littoral, d’Est en Ouest.
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Des ONGs comme Wild Legal, des associations comme MaïouriGuyane aimeraient que le plan biomasse se limite aux déchets de bois des scieries ou du défrichage. Mais le volume est insuffisant. Il ne satisfait même pas la centrale historique de Kourou qui dépend d’une des premières scieries fonctionnant en Guyane.
Dans l’immédiat , seule une entreprise répond à toutes les casesdu respect de l’environnement au développement guyanais, c’est la société Triton Guyane (détenue à 100% par Voltalia).
Elle a acquis son savoir faire dans les lacs Canadiens. En Guyane grâce à SHARC, un système de coupe en profondeur, autonome, monté sur une barge elle prélève dans le lac artificiel de Petit Saut les milliers d’arbres ennoyés au moment de la mise en eau du barrage en 1994. Le projet est de récolter 140.000m3 par an et l’activité de l’entreprise est actuellement actée pour 25 ans. Triton a sorti ses premières grumes en juillet 2023 et effectué sa première vente de biomasse en octobre. Une montée en puissance des opérations est prévue en 2024. La centrale biomasse de Sinnamary Biomasse Energie produira annuellement 80 GWh pour une période de 25 ans à compter de la date de mise en service, prévue mi-2025.
« Quand nous sortons les troncs des zones les plus profondes de cette forêt immergée explique le responsable de cette unité biomasse, nous ne savons pas ce qui nous attend. Parfois ce sont des bois précieux, des grumes qu’il suffit de laisser sécher. Elles seront réservées au bois d’œuvre. Elles iront ainsi rejoindre la filière bois et amélioreront la balance commerciale grâce à l’export de bois non utilisés sur le marché domestique. D’autre fois, ce sont des troncs abimés, creux ou de mauvaise qualité, non appropriés à la transformation en scierie, ils passent au broyeur après séchage et finissent en plaquettes et alimenteront le pôle énergie »
Pour ne pas trop bouleverser une biodiversité établie depuis une trentaine d’années, les bois à proximité des berges ne sont pas collectés, ni ceux des parties oxygénées du lac qui lui confèrent « son charme esthétique ». Cette production vient ainsi rejoindre la filière biomasse qui doit passer de 15MW (2018) à 40MWfin 2023.
Le pôle énergie Voltalia représente la plus grande centrale biomasse de Guyane avec une capacité de 10,5 MW soit 35 % de la puissance biomasse installée sur le territoire. Elle fournira jusqu’à 8% de la demande d’électricité du littoral guyanais, ce qui permettra d’éviterl’utilisation de centrales électriques à combustibles fossiles à hauteur de 80 GWh. Voltalia Guyane a été précurseursur la biomasse avec une première centrale pionnière à Kourou en 2009 et une seconde à Cacao en 2021.
Autre centrale biomasse récente, IDEX à Montsinery (biomasse energie Montsinery BEM)
Construite en 2022 et bientôt active, dirigée par Benjamin Frémaux, son installation a été soutenue par le maire de Montsinery-Tonnegrande, Patrick Lecante, qui y voit de possibles nouveaux emplois, la création d’une ligne à haute tension de 7km, l’alimentation d’un futur lotissement de 17.000 foyers et d’une usine de transformation agro alimentaire du wasaÏ, Yana Wasaï.
La centrale continue de faire l’objet de la colère de l’association Maïouri Guyane. Or même si les images vues du ciel révèlent un parc impressionnant de grumes rien ne prouve que ce soient des arbres remarquables. Son cahier des charges a été l’objet d’une certification par l’ONF .
Elle devrait fonctionner au départ « avec une ressource endogène », mais la filière déchets tarde à être mise en place et les friches sont quasi inexistantes. Partout règne la richesse de la biodiversité, «tellement riche qu’on peut toujours arrêter un projet ».
Restent les agriculteurs. De ce côté, la filière se met en place. Mais le développement en est compliqué. Seuls 10 à 15 projets de défrichements ont été notifiés : « les agriculteurs ne se sentent pas très motivés explique Ivan Martin directeur de la DGTM.Ils n’ont pour l’instant pas le droit de faire commerce de la défriche agricole. Nous retravaillons ce système depuis mai 2023 »
A Montsinery, la commune entend faire appel à d’autres sources que le bois.
Dominique Martin Ferrari