« Je veux mettre fin au parisianisme de l'appareil d'État, et que l’on cesse d’infantiliser les Ultramarins », déclare Manuel Valls devant la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale

« Je veux mettre fin au parisianisme de l'appareil d'État, et que l’on cesse d’infantiliser les Ultramarins », déclare Manuel Valls devant la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale

Le 25 mars, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a été auditionné par la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale. Ce dernier a abordé de nombreuses problématiques comme la situation à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, la vie chère, la sécurité, l’immigration clandestine et les questions institutionnelles, entre autres, autant de préoccupations pour les territoires ultramarins. Voici les principaux points développés dans cette audition.

« L’Outre-mer ce sont d’abord des urgences à gérer », a souligné Manuel Valls dans son préambule, en mentionnant plus spécifiquement la situation actuelle à Mayotte après le cyclone Chido. Le rapport du gouvernement sur le bilan exhaustif de la catastrophe devrait d’ailleurs être transmis au Parlement « dans les prochaines heures », a-t-il ajouté. Concernant la refondation, le projet de loi de programmation a été transmis au Conseil d’État après plusieurs phases de concertation avec les élus locaux. Il sera présenté en Conseil des ministres à la fin du mois d’avril, discuté en mai au Sénat et en juin à l’Assemblée nationale.

À propos de la Nouvelle-Calédonie, le ministre a affirmé que « nous sommes à un moment décisif, historique, et seul le dialogue permettra de reconstruire un projet commun, partagé, et d’imposer la paix civile ». Tout en se voulant « prudent et modeste », Manuel Valls a dit que les conditions du dialogue avaient été recréées lors de son déplacement au mois de février. Il retournera sur l’archipel dès jeudi 25 mars en espérant « entamer de véritables négociations politiques ». Par ailleurs, il sera auditionné sur la situation du territoire au début du mois de mai.  

Une autre urgence est celle de la vie chère en Outre-mer, a poursuivi le ministre, « véritable fracture sociale qui met en péril la cohésion sociale et l’intégrité même de notre nation ». « Oui il y a des grands groupes très performants mais qui jouent parfois un rôle d’étouffement de l’économie et des populations », a-t-il martelé. Dans ce cadre Manuel Valls a annoncé qu’il présentera un projet de loi dédié d’ici l’été, en mobilisant notamment les parlementaires, les préfets, l’Autorité de la concurrence, ainsi que les acteurs de la distribution et les transporteurs, précisant que « ce sujet impacte aussi les questions régaliennes, car si je condamne avec fermeté toutes les violences, je sais aussi qu’il n’y a pas d’ordre sans justice ».

D’autres problématiques ont été abordées par le ministre, la situation sécuritaire « très inquiétante », le narcotrafic, l’intégrité des territoires ultramarins remise en cause par les ingérences étrangères, « notamment de l’Azerbaïdjan », et l’immigration clandestine. Manuel Valls a également affirmé que la lutte contre les violences intrafamiliales, et notamment celles faites aux femmes, doit être quotidienne. Éducation, transports scolaires, illettrisme, emploi, précarité, sont aussi des priorités, d’après le ministre, de même que la culture, l’adaptation au changement climatique et le vieillissement de la population, sujets « qui seront examinés dans un prochain Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) renouvelé » à partir du mois de juin.

Sur l’avenir institutionnel des Outre-mer, Manuel Valls a indiqué n’avoir « aucun tabou », en avançant toutefois de façon pragmatique dans la perspective de l’efficacité des politiques publiques et en tenant compte de la réalité du Parlement. « Il est pour moi grand temps que les Outre-mer rayonnent par eux-mêmes et pour eux-mêmes (…) Je veux mettre fin au parisianisme de l’appareil d’État et je veux que l’on cesse d’infantiliser les Ultramarins », a-t-il conclu.

Lors des interventions des députés, répondant à Béatrice Bellay (Socialistes et apparentés, Martinique) sur les questions de la date de transmission du rapport de l’IGF-IGAS (Inspection générale des finances - Inspection générale des affaires sociales, ndlr) sur la LODEOM (Loi pour le Développement Économique des Outre-Mer, ndlr) et de la révision éventuelle de l’octroi de mer, le ministre a tout d’abord souligné le travail des parlementaires. Manuel Valls a affirmé également qu’il fallait « améliorer la transparence, mieux condamner les entreprises qui ne publient pas leurs comptes » et « engager une réforme de l’octroi de mer pour les collectivités dans le respect de l’autonomie de celles-ci ». Quant au rapport de l’IGF-IGAS « il n’est pas encore publié et je m’engage à vous le fournir dès que possible », a-t-il ajouté.

Répondant à Matthias Renault (Rassemblement national) sur ses interrogations concernant un patrouilleur Outre-mer à Mayotte et la construction d’une nouvelle base navale, le ministre a affirmé que le ministère de l’Intérieur et de la Défense allaient mettre en œuvre tous les moyens pour lutter contre l’immigration clandestine et que l’État allait renforcer le port de Longoni de même que la base navale pour des raisons économique, stratégique et de défense, « en lien avec l’espace régional, Madagascar, Maurice, l’Afrique de l’est, etc ».

La Calédonien Nicolas Metzdorf (Ensemble pour la République) s’est interrogé quant à lui sur « le lien avec la France ». « Est-ce vous avez un parti pris ou une orientation dans les négociations, que vous souhaitez donner à la Nouvelle-Calédonie, qui la séparerait de la République française ? », a-t-il demandé. « Nos vocations régaliennes – sécurité, justice et défense - ont vocation à perdurer », a souligné Manuel Valls, ajoutant que l’État continue à soutenir économiquement le territoire. « Je m’engage aussi résolument à soutenir la filière nickel. (…) Il faut démontrer que tous ces éléments sont intangibles (…), il faut rassurer et tout ce travail nous devons le faire ensemble quelles que soient nos positions ».

La députée réunionnaise Karine Lebon (Gauche démocrate et républicaine, GDR) a souhaité remercier le ministre pour son soutien envers les enfants de la Creuse et l’a interpellé sur la vie chère, l’encourageant à nommer un rapporteur issu des Outre-mer, et les suites du cyclone Garance. Sur ce dernier point, Manuel Valls a déclaré que son cabinet travaille à rencontrer les habitants, notamment sur la question des hébergements d’urgence, et que cela constitue l’une de ses priorités. Frédéric Maillot, autre député réunionnais GDR, a abordé le problème des mutations de son île vers l’Hexagone. « Il faut ouvrir le débat, et mettre à plat ce dispositif. Il y a une vraie fuite des talents » a reconnu le ministre, ajoutant que des discussions doivent aussi avoir lieu avec les ministres de l’Éducation et de la Fonction publique.  

Philippe Gosselin (Droite républicaine) s’est interrogé notamment sur les relations entre l’État et les collectivités, auquel il a consacré un rapport avec le député guyanais Davy Rimane GDR). « Sur les aspects institutionnels, pas de tabous », a répété Manuel Valls. « Il y aura une discussion la plus large possible. Cela dépend aussi des territoires qui n’ont pas tous les mêmes attentes. Avant une révision constitutionnelle, faisons déjà ce qui est possible avec des habilitations ou des adaptations », a-t-il déclaré. « S’il faut aller plus loin, le président de la République aura les éléments pour approfondir ce sujet ».

PM