Outremers360 clôture son tour des programmes Outre-mer des grandes formations politiques nationales avec Les Républicains. Le sénateur LR Bruno Retailleau défend dans cette interview « des propositions concrètes et réalistes pour les Outre-mer (…) issues des travaux de la majorité sénatoriale ». Il cite notamment « l’adoption d’une loi-programme pour le développement économique des Outre-mer » et assure vouloir « (s’) attaquer aux rigidités qui empêchent les Outre-mer d’adapter les objectifs nationaux à leurs réalités locales ».
Outremers360 : Comment Les Républicains se positionne dans ce scrutin législatif en Outre-mer ?
Bruno Retailleau : Les Républicains soutiennent les candidats issus de leurs rangs mais également plusieurs candidats « divers droite » sur l’ensemble des territoires ultramarins. La dissolution éclair et la courte campagne n’a pas permis de désigner autant de candidats que nous l’aurions souhaité. Une difficulté qui s’est ajoutée à une situation déjà complexe pour notre famille politique.
Autrefois parti incontournable en Outre-mer, la droite républicaine (RPR, UMP puis LR) a perdu peu à peu ses principaux soutiens et relais ultramarins, au profit de Renaissance ou du RN, et son électorat s'est considérablement érodé, si ce n'est effondré ces dernières années dans les territoires ultramarins ? Comment expliquez-vous cela ? Quelle stratégie pour renouer, d'abord avec les relais locaux puis avec l'électorat ?
D’abord, il y a dans les Outre-mer un puissant mécontentement généré par le sentiment d’avoir été oublié par Paris. L’État est lent à réagir, et sa réponse est rarement adaptée aux problèmes spécifiques de chacun de ces territoires. Pourtant, nombre d’entre eux traversent des crises majeures : logement, emploi, pouvoir d’achat, immigration clandestine, eau, accompagnement financier…
Dans ce contexte, Les Républicains subissent de plein fouet les déceptions qui ont entamé la confiance envers les formations « responsables » au profit des populistes comme LFI ou le RN affichant des programmes de rupture aussi radicaux que fantaisistes.
Sans doute n’avons-nous pas suffisamment montré l’intérêt profond que nous portions aux questions ultramarines, que pourtant nous défendions sans relâche au parlement ! Chacun peut s’en rendre compte en consultant nos travaux, notamment au Sénat.
Enfin, le décrochage de notre famille politique s’explique aussi par le manque d’incarnation locale. Auparavant, des personnalités fortes, parfois aux commandes des exécutifs locaux, constituaient des relais essentiels pour organiser la vie du mouvement.
Cependant, il y a aujourd’hui dans nos rangs une volonté forte de renouer avec un ancrage territorial sur l’ensemble des collectivités ultramarines. Nous prendrons en compte les considérants locaux, en sachant aussi adapter nos propositions nationales aux réalités locales. L’avenir de nos outre-mer sera au cœur de nos priorités.
Concrètement, cela passera par une attention toute particulière pour les prochaines élections municipales et l’identification de nouveaux visages de femmes et d’hommes qui porteront les idées et les valeurs de la droite républicaine.
Nous avons des propositions concrètes et réalistes pour les Outre-mer, notamment issues des travaux de la majorité sénatoriale. À nous de jouer pour faire entendre ce discours offensif.
Quel programme et mesures proposez-vous pour convaincre les électeurs ultramarins ? Quelles sont vos priorités en matière économique et sociale ?
Si la solidarité nationale doit jouer pleinement son rôle au service des territoires les moins favorisés, aucun progrès social, aucune prospérité économique n’est envisageable sans des entreprises dynamiques et encouragées. L’adoption d’une loi-programme pour le développement économique des Outre-mer. Courant sur plusieurs années, elle prévoira précisément des objectifs chiffrés et détaillera les mesures à prendre.
La poursuite et le renforcement des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement en Outre-mer. Ils ont prouvé leur efficacité avec la montée en gamme des entreprises et la création d’emplois afférente. Demain, ils seront nécessaires pour financer les investissements contribuant à la transition écologique. Les entreprises dépendant beaucoup de la commande publique, il faudra prendre des mesures énergiques contre les délais de paiement excessif des collectivités locales et des hôpitaux.
L’instauration d’une clause de préférence locale dans les marchés publics, intégrant une part minimale réservée aux TPE. La mise en place d’un grand plan logement. Il est indispensable de construire, réhabiliter, et lutter contre l’habitat indigne ; aussi devra-t-il être plus ambitieux que le plan 2019-2022. Le transfert de la ligne budgétaire unique (LBU) de l’État à chacune des collectivités. Ces crédits affectés au logement seront mieux ventilés et davantage consommés s’ils sont gérés au sein des territoires concernés.
La création d’un volontariat ultramarin sur le modèle VIE/VIA. Expérimentation pour 5 ans de l’élargissement du public concerné par le dispositif Contrat unique d’Insertion afin de renforcer la politique de coopération régionale menée par le département. Rendre les ouvrages d’art éligibles au Fonds Barnier.
Sur les dossiers concernant l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ou encore l'immigration à Mayotte, quelle est la ligne directrice pour les Républicains ?
Avant tout, nous devons nous attaquer aux rigidités qui empêchent les Outre-mer d’adapter les objectifs nationaux à leurs réalités locales. Nous voulons donc rénover le cadre constitutionnel applicable aux outre-mer. Il faut lui donner plus de souplesse afin qu’il soit un outil et non pas un obstacle aux évolutions souhaitées par chaque territoire. Nous devons adapter les facultés de différenciation des collectivités aux besoins de chaque territoire.
Faire du Ministère des Outre-mer un ministère de plein exercice qui ne dépendra plus du ministère de l’intérieur. Mettre en place une loi annuelle dédiée aux Outre-mer. Elle répondra directement aux besoins des territoires en matière d’adaptation du droit ou de tout autre sujet prioritaire fléché par les collectivités. Renforcer le pouvoir de dérogation des préfets. Ils pourront ainsi agir avec davantage de réactivité et de souplesse en tenant compte des réalités territoriales.
Concernant Mayotte, nous voulons inscrire dans la constitution la fin du droit du sol dans cet archipel. Dès l’ouverture de la session parlementaire, proposer une loi de programmation en faveur du rattrapage économique et social de Mayotte. Elle fixera explicitement des objectifs chiffrés et les moyens à mettre en œuvre. Régler enfin l’immigration clandestine en donnant à l’interception en mer les moyens humains et matériels qu’elle nécessite. Poursuivre au-delà de 2025 le contrat d’engagement signé en 2023 avec l’État.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, nous préconisons la mobilisation sans limite de temps des forces de l’ordre pour un retour durable à la paix civile. La reconstruction, basée sur un projet de société et un nouveau modèle social et économique. Il devra imaginer la diversification d’une économie qui doit dépasser sa dépendance au nickel.
L’évolution statutaire, en définissant le lien de la Nouvelle-Calédonie avec la France, celui d’une autonomie dans la République. Revoir aussi son « millefeuille » institutionnel et la place des communes. Assumer le rôle de la France dans le Pacifique en s’appuyant sur sa présence territoriale. Notre pays doit prouver sa résolution à ses alliés australiens et néo-zélandais et rassurer les États insulaires du Pacifique.
En cas de majorité relative à l'Assemblée nationale par le Rassemblement national ou par le Nouveau Front Populaire, comment siégeront les Républicains ?
En refusant des arrangements électoraux de dernière minute, comme l’ont fait bien des responsables politiques aux abois, Les Républicains ont choisi de mener campagne dans l’indépendance et la clarté. Une conduite unique parmi les forces en présence, et qui nous permettra de regarder nos électeurs dans les yeux. Nous aurons donc un groupe indépendant à l’Assemblée, qui ne devra son existence qu’à ses députés, à ses militants et à ses électeurs. Nous sommes en campagne pour porter nos idées partagées par des millions de Français, par pour départager nos adversaires qui ne savent même plus s’ils veulent gouverner, ni avec quel Premier ministre.