Le 11 avril dernier, un Hyper U de 4 000 mètres carrés a ouvert ses portes à Saint-Laurent-du-Maroni, un événement qui marque un tournant pour l’économie locale. À la tête de ce projet ambitieux, Jan Du, PDG du groupe U en Guyane, qui, fort de sa longue expérience et de sa connaissance du territoire -il a transformé son petit magasin familial de Mana en un réseau de quatre supermarchés- a su relever le défi de la grande distribution en Guyane. Pour Outremers360, il partage sa vision d’un commerce de proximité structurant, fondé sur l’investissement humain, le soutien aux filières locales et l’adaptation constante aux réalités économiques d’un territoire exigeant.
Dix ans de bataille administrative
En 2007, Jan Du relevait un défi de taille en ouvrant un premier Super U à Saint-Laurent du Maroni, dans un contexte commercial peu structuré et dominé par un quasi-monopole. Aujourd'hui, il franchit une nouvelle étape avec l’ouverture d’un hypermarché, pensé pour répondre aux besoins croissants des 80 000 habitants de la région.
Mais pour en arriver là, Jan Du a dû batailler pendant dix ans contre les lourdeurs administratives, les difficultés logistiques et les défis liés à un environnement économique complexe : « La croissance démographique a été très forte. Et notre Super U d’alors n’était plus adapté aux besoins de la population, que ce soit pour l’alimentaire ou le non-alimentaire. Il manquait de nombreux services essentiels. Il n’y avait pas de poissonnerie, par exemple, et la boucherie était très peu développée. Aujourd'hui, les habitants voyagent davantage et attendent les mêmes services que partout ailleurs : un véritable hypermarché. Il y a une dizaine d'années, nous avons donc pris la décision d'investir dans un projet d'hypermarché. Ce n’était pas simplement une question de doubler les points de vente, mais de créer un vrai pôle d’attractivité. »
Soutien aux producteurs locaux et régionaux
Jan Du plaide pour une approche plus pragmatique, en facilitant l’accès à des sources de production plus proches géographiquement et économiquement, notamment par un assouplissement des règles encadrant l’importation de fruits et légumes : « Aujourd'hui, pour acheter des tomates, les distributeurs guyanais doivent passer par l’Hexagone, alors même que ces produits sont cultivés au Maroc ou en Espagne, après plusieurs semaines de transport. »
Pour garantir et sécuriser l'approvisionnement de ses magasins, Jan Du n’a pas hésité à dépasser son rôle de distributeur et à participer à la création d’un abattoir à Mana. Une initiative pionnière : « À l'époque, personne ne voulait financer des activités agricoles jugées trop risquées », rappelle-t-il.
Les limites du « bouclier qualité-prix »
Lancé avec l'objectif de réduire les coûts pour les consommateurs, le « bouclier » a surtout reposé sur les distributeurs, sans mobilisation des autres acteurs de la chaîne, souligne Jan Du pou qui demander l'effort uniquement à un seul maillon est insuffisant et voué à l'échec : « Pourquoi demander uniquement à un acteur, situé au bout de la chaîne, de porter l’effort du bouclier tarifaire ? Il y a aussi les transporteurs, les collectivités, et d’autres acteurs qui restent en retrait, alors qu'en moyenne, les coûts en Outre-mer augmentent de près de 20 %. On sait très bien qu’en agissant sur un seul maillon, on n’ira pas au bout de la démarche. Tous doivent participer pour que le bouclier soit réellement efficace. À mon sens, c’est pour cela que l’opération n’a jamais eu un grand succès. Certes, nous avons agi sur quelques produits, mais cela reste très insuffisant. »
Face à la concurrence du Suriname, Jan Du appelle à une meilleure régulation
Conscient de la forte concurrence du commerce transfrontalier avec le Suriname, qui pratique des prix plus bas, Jan Du estime que la réponse ne peut venir uniquement des acteurs économiques locaux. Pour lui, c'est à l’État de mieux encadrer les flux commerciaux afin d'assurer des règles du jeu équitables. « La Guyane est la France, mais aujourd'hui encore, la protection de notre marché reste insuffisante », déplore-t-il.
Malgré tout, Hyper U n'entend pas se laisser distancer : Jan Du parie sur la qualité de ses produits et sur une meilleure organisation pour maintenir sa compétitivité. « Nous importons aussi certains produits d'Amérique du Sud, mais nous veillons à proposer une qualité supérieure, comparable à celle de la métropole », explique le PDG. Dans un contexte où les habitudes d'achat sont dictées par les prix, il compte sur la traçabilité, la qualité et l'engagement local pour fidéliser sa clientèle.
Hyper U Saint-Laurent-du-Maroni : l’emploi local comme moteur de réussite
L’un des plus grands défis reste le recrutement, particulièrement complexe dans une région où les professionnels qualifiés sont rares. Le groupe mise donc sur la formation en interne pour préparer les équipes locales à des postes à responsabilité.
Car au-delà du défi commercial, l’Hyper U de Saint-Laurent-du-Maroni incarne une véritable dynamique d’ascension professionnelle pour les habitants de l’Ouest guyanais. Jan Du en a fait un principe : chez lui, la motivation et la passion du métier priment sur les diplômes. Plusieurs encadrants n’avaient pas le baccalauréat à leur arrivée, confie Jan Du : « L’exemple le plus marquant est celui de l’actuelle directrice du magasin : autrefois femme de ménage, elle a gravi un à un tous les échelons pour aujourd’hui diriger une équipe de 80 collaborateurs. »
Jan Du estime qu’il faudra entre six mois et un an pour évaluer l’affluence réelle et installer durablement de nouvelles habitudes de consommation. À ce jour, 80 personnes, en CDI et en intérim, ont été recrutées pour accompagner l'ouverture. À moyen terme, les effectifs pourraient grimper entre 150 et 200 salariés. Plusieurs autres enseignes ainsi qu'un cabinet médical sont également attendus dans la zone commerciale, ce qui devrait renforcer l’attractivité du site et contribuer à dynamiser l’économie locale.
EG