Depuis quelques semaines, la clinique de l’Estrée, située à Stains, dans le département de Seine-Saint-Denis accueille les 48 tableaux de l’œuvre UNITÉ 4.8 de l'artiste martiniquais Phélix Ludop. Ces 60m2 déjà exposés dans de nombreux sites prestigieux ornent désormais les couloirs de l'établissement ELSAN, afin de rendre hommage aux soignants et au personnel hospitalier qui luttent sans relâche depuis le début de la crise Covid. La présentation au grand public s'est déroulée le 23 novembre dernier.
 

“Imaginez le hall des Urgences rempli de patients Covid, jusqu'à 150 par jour... Depuis 18 mois, l'ensemble de l'équipe de la clinique est mobilisée pour soigner le plus de patients. Nous avons ouvert, en mars 2020, 17 lits de médecine Covid, puis le lendemain 17 lits supplémentaires, puis le lendemain, à nouveau 17 lits. Nous avons, comme tout le monde, eu une course effrénée pour trouver des solutions hydroalcooliques et des masques durant le mois de mars de l'année 2020... 18 mois après, je suis très fier d’être à la tête de cet établissement qui a su s’adapter, résister et faire preuve de résilience pour se relancer après l'été 2020. Si le système de santé a tenu, il ne le doit qu'à ses hommes et ses femmes, qui, au quotidien, parfois malades, souvent reléguant leurs familles au second plan, sont venus travailler, chacun à leurs postes de médecins , de soignants, d'agents de nettoyage, administratifs ou d'entretien, pour soigner le plus de patients possible... Aussi, lorsqu'on m'a proposé de rencontrer Phélix Ludop, j'ai sauté sur l'occasion de mettre de l'art dans notre monde et de l'exposer à tous, d'autant que cela venait en résonance avec initiative du Directeur général du groupe ELSAN, de faire réaliser une oeuvre hommage, par un artiste s'inspirant d'une photo d'un soignant de la clinique de Metz que vous pouvez voir à l'entrée du couloir”.

C'est par ces paroles que le directeur de la clinique de L'Estrée, Gorka Noir a présenté l'origine de cette initiative : exposer pendant plusieurs mois l’œuvre de l'artiste Phélix Ludop avec la participation du commissaire d'exposition Chris Chaaban,  dans les couloirs de l'établissement de Stains. La soirée de présentation qui s'est déroulée à la clinique a été l'occasion de présenter l’œuvre UNITÉ 4.8,  mais également de remettre au gagnant de la tombola organisée par la clinique son prix  : une œuvre de Phélix Ludop peinte pour l'occasion.

“Nous sommes ici ce soir pour rendre hommage aux soignants. Il est vrai que ce n'est pas grand-chose que de leur mettre en vision quelques panneaux afin d'égayer, de multiples couleurs, un moment de leur journée, une traversée du couloir, une porte vers l'ailleurs et ce, même si l’on sait que ce n'est pas vrai...Ma mère a travaillé à l’hôpital, j'ai fréquenté l’hôpital toute ma vie. Aussi parce que j'ai été très souvent malade... Aujourd'hui, je suis heureux que cette œuvre puisse être exposée ici”, a expliqué l'artiste de son côté.

Une œuvre destinée à “renaître”

Composée de 48 tableaux de 130 x 97 cm chacun, l’ UNITÉ 4.8 est un ensemble monumental de toiles chatoyantes aux motifs abstraits qui a été réalisé pendant 17 ans à partir de pigments précieux, mais aussi de peinture phosphorescente. Après avoir été exposée au Ministère des Outre-Mer, à l'aéroport international Aimé Césaire Fort-de-France, à la Grande Arche de la Défense, ou encore à la Basilique Saint Denis, son aventure se poursuit donc. Et même si certains souhaiteraient que cette exposition reste pérenne, l'artiste a d'autres projets pour cette “UNITÉ 4.8” réalisée entre 1999 et 2016: l’autodafé.

“L'idée d'en faire un autodafé, c'est dès le départ”, a indiqué Phélix Ludop aux invités présents. Le projet est soutenu par la Plaine Commune Promotion, présidée par Francis Dubrac, l’association des entreprises implantées sur le territoire de Plaine Commune qui a pour objectif de développer les synergies entre les acteurs économiques et de valoriser l’image de Plaine Commune et de ses entreprises à travers l’organisation de manifestations diverses sur le territoire. “J'ai toujours entendu qu'il faut renaître de ses cendres... encore faut-il avoir des cendres. Oui, c'est beaucoup de travail mais je pense que nous avons besoin de nouveaux symboles, de nouveaux mythes, de nouveaux rites, de nouvelles réalités pour nous dire que peut-être l'espoir n'est pas mort et surtout qu'on a envie de s'en sortir”, affirme Phélix Ludop, dont l’œuvre est évaluée à 1. 396 800€ d’après sa cote Akoun ( NDLR la certification internationale de la côte d'artistes).

Un artiste porté par une philosophie

“L'Unité 4.8 fait référence au psaume 48 Chouraqui, qui proclame que l’unité entre les hommes est plus grande que soi. Chaque pièce qui compose Unité 48 présente une forme d’œuf, symbole de renaissance, car il englobe la vie à venir. Afin d’éclore et de propager leur message d’unité entre les peuples ces 48 œufs devront passer par les flammes, afin de renaître de leurs cendres». Telle est la description qui nous est fait du projet par Phélix Ludop. Né à la Martinique, sa soif des cultures des cinq continents l'a conduit à intervenir un peu partout dans le monde avec des dessins, peintures et sculptures qui oscillent entre l’épure et l’exubérance baroque.

Dès 1995, ses œuvres retiennent l'attention. Il put ainsi réaliser sa “lampe Obélisque ludopien” à l’occasion de l'exposition de l'Égypte à l'UNESCO. Ses recherches artistiques l'emmènent en 2010 à être présent à l'exposition universelle de Shanghai ou encore au Salon d'Automne, en Chine, deux ans plus tard.

De lui, voilà ce qu'il écrit : “ Frappé de douance, toute ma vie j'ai eu le sentiment de me perdre dans le temps ainsi que dans l'espace. Renforcé d'une dyslexie de rude épreuve que j'associe à une forme d'autisme se manifestant dans la joie et la stupeur au quotidien ! Réfugié dans un univers où tous les possibles trouvent leur place dans de nombreux mondes constitués de la vie de tous ceux dont j'ai la chance de partager le destin ou plus simplement une tranche de vie. Cet univers je l'ai appelé: notre Ludopie. Situé il y a plus de 800.000 ans après notre ère, un univers gigantesque, où tous ceux qui l'habitent sont de l'ordre du micron dans ce que l'on pourrait appeler, considérer, comme les ruines majestueuses de ce que fut notre présent”.

L'autodafé de l' UNITÉ 4.8, bien ancrée encore dans le présent,  n'a pour le moment pas de date programmée. L’œuvre sera donc visible encore quelques mois pour le personnel soignant et les patients qui se rendent à la clinique de l'Estrée.

Par Abby Said Adinani