Guyane : Reprise des travaux du chantier de la CEOG sous fond de recours judiciaires des deux côtés

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Guyane : Reprise des travaux du chantier de la CEOG sous fond de recours judiciaires des deux côtés

Le chantier de la Centrale électrique de l'Ouest guyanais (CEOG) a repris il y a quelques semaines, et avec lui la mobilisation d'un village amérindien situé à proximité, qui n'entend pas laisser "tuer la forêt" et "détruire" son "espace de vie".


Protégés par un important déploiement de forces de l'ordre - près de 80 gendarmes équipés en quads et en drones -, les ouvriers ont recommencé mi-août les opérations de déboisement dans cette zone de l'ouest de la Guyane, sur la commune de Mana.

Entamés en novembre 2022, les travaux ont été interrompus durant cinq mois, pendant la saison des pluies, la CEOG invoquant des "contraintes techniques et météorologiques".
Ici doit sortir de terre une centrale photovoltaïque censée, à terme, alimenter en électricité 10.000 foyers via une technologie de stockage de l'énergie fonctionnant à l'hydrogène.
Mais le projet, porté notamment par le fonds d'investissement Meridiam, est contesté par les 200 habitants de Prospérité (ou Atopo Wepe), village amérindien de l'ethnie kali'na situé à deux kilomètres du site. Ils jugent la centrale trop proche des habitations et demandent depuis des années de lui trouver un autre point de chute.
"On se bat avec des bouts de bois. Eux (les autorités) avec des grenades qu'ils lancent à 200 mètres. Le combat est déséquilibré. Beaucoup de moyens sont déployés pour lutter contre notre minorité. Tout cela pour tuer la forêt et détruire l'espace de vie de 200 personnes", déplore auprès de l'AFP le yopoto (chef coutumier du village) Roland Sjabère.

Le village Prospérité a reçu le soutien de la Ligue des droits de l'Homme (LDH). "Aucun projet de développement, aussi nécessaire soit-il, ne peut se faire en bafouant les droits des peuples autochtones, leurs coutumes ancestrales, leurs liens avec la terre et leurs interactions avec leur environnement", soulignait l'organisation de défense des droits humains en mars dernier dans un communiqué.

Le directeur de la CEOG estime en réponse "être dans les clous" de la loi. "Nous sommes autorisés et légitimes à faire ces travaux. Si ce n'était pas le cas, on nous aurait arrêtés", souligne auprès de l'AFP Henry Hausermann. L'industriel, soutenu par l'Etat et une grande majorité des élus locaux, martèle que "le déplacement du projet est impossible".

Après plusieurs tentatives de médiation, la situation semble dans une impasse. Et les tensions, déjà vives fin 2022 après le placement en garde à vue du chef Sjabère à la suite de dégradations sur le site du chantier, ont été ranimées avec la reprise des travaux.

Trois recours en justice en un an 

Malgré ce contexte tendu, il n'y a eu ni blessé ni interpellation depuis la mi-août. Mais Roland Sjabère craint pour la suite.
"Il y a besoin d'apaisement et de désescalade car la violence augmente. On veut éviter ce genre de drame", souligne-t-il. Un message entendu par le nouveau préfet Antoine Poussier, arrivé en Guyane le 21 août, qui s'est rendu jeudi à Prospérité afin de rencontrer les autorités coutumières.

En parallèle, l'association du village continue son combat judiciaire. Elle a assigné la CEOG devant le tribunal judiciaire de Cayenne pour "trouble manifeste de voisinage". Une première audience s'est déroulée vendredi.
"C'est une procédure judiciaire qui peut faire arrêter les travaux et pas seulement les suspendre", précise Roland Sjabère, pour qui il est important de faire reconnaître l'impact que la CEOG aurait sur "les femmes, les hommes et les enfants", et pas uniquement sur "la nature et les animaux".

Il s'agit du troisième recours en justice intenté en moins d'un an contre le projet de centrale après une plainte au pénal pour atteinte à l'environnement, déposée en novembre et classée sans suite en mai, et un référé conservatoire rejeté en février par le tribunal administratif de Guyane.
Du côté de la CEOG et de ses partenaires, huit plaintes ont été déposées pour des dégradations sur le chantier, des menaces et intrusions sur un site privé. Ces plaintes sont en cours d'instruction.

Avec AFP