Dans un contexte de vulnérabilité croissante en matière de santé, exacerbée par le changement climatique et la mobilité régionale, l’Agence de santé publique des Caraïbes (CARPHA) joue un rôle crucial pour faciliter le partage d’expertise en santé publique et le renforcement des capacités entre les pays membres de cette organisation.
Fondée en juillet 2011 par un accord intergouvernemental signé par les chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), comprend 26 États membres, principalement composés d’îles anglophones et néerlandophones. Trois États continentaux en font partie : le Belize, le Suriname et le Guyana. Par ailleurs, Haïti est le seul pays francophone à faire partie du CARICOM.
Grâce à une première collaboration avec l’Agence française de développement (AFD) en 2019, CARPHA a développé des partenariats avec les institutions de santé publique des départements français d’Outre-mer de la région Caraïbes. L’objectif est de continuer à renforcer les capacités et la résilience des systèmes de santé régionaux afin de répondre aux priorités régionales en matière de santé publique, aux menaces et aux urgences, tout en capitalisant sur l’expertise technique et scientifique de la France dans la région pour promouvoir une réponse plus efficace et coordonnée à l’échelle régionale Caraïbes-Guyane.
Régionalisation d’informations stratégiques en santé publique
Ce premier projet a servi de catalyseur à la CARPHA, à Santé publique France (SPF) ainsi qu’aux agences régionales de santé (ARS) des Caraïbes-Guyane pour normaliser l’échange mutuel de bulletins de surveillance épidémiologique et de rapports de situation. Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a également participé à des projets de recherche sur les maladies respiratoires aiguës et les maladies à transmission vectorielle comme la dengue, ainsi qu’à l’augmentation des échanges techniques sur les questions de sécurité sanitaire régionale telles que la COVID-19 et le MPOX. Cet échange accru d’informations offre le potentiel de renforcer la préparation et l’intervention en matière de santé publique. « Ces échanges ont été mis en place pendant la pandémie de COVID-19, et les bulletins publiés par le SPF sur les tendances dans les territoires des Caraïbes françaises se sont avérés très utiles pour les États membres de la CARPHA car ils ont anticipé ou confirmé les tendances épidémiologiques », souligne le docteur Lisa Indar, directrice exécutive intérimaire de la CARPHA.
Le soutien de l’AFD à la première édition virtuelle de la 65e conférence annuelle de recherche en santé CARPHA en 2021 a entraîné une participation plus importante des représentants français des autorités de santé publique (Centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM), ARS Martinique et Guadeloupe, SPF), des établissements de recherche et des universités. Cet événement annuel, désormais de retour en présentiel, offre aux participants l'occasion d'approfondir leurs connaissances sur la recherche de pointe dans la région. Il permet aussi de tisser des liens avec les institutions de santé publique et les partenaires de développement des États membres de la CARPHA. Enfin, il facilite l'identification de nouvelles opportunités de collaboration.
La surveillance du cancer en fait partie
En juin 2018, le Registre du cancer de la Martinique est devenu un centre collaborateur du Global Initiative for Cancer Registry Development (GICR). Il a ainsi été reconnu comme centre expert pour soutenir le plan de travail du Caribbean Hub. « La signature officielle, le 13 décembre 2022, d’un protocole d’accord entre la CARPHA et le CHUM a établi le cadre général de collaboration entre le Centre international de recherche sur le cancer (IARC), le Caribbean Cancer Registry Hub de la CARPHA et le Registre du cancer de la Martinique, indique le docteur Clarisse Joachim, directrice du Registre du cancer de la Martinique. L’objectif est d’améliorer, de manière coordonnée, la qualité et la couverture démographique des registres nationaux du cancer dans les Caraïbes par le biais de conseils techniques, de formation, de réseautage et de plaidoyer en faveur du rôle essentiel de ces registres dans la lutte contre le cancer et sa surveillance. » Dans ce contexte, le docteur Clarisse Joachim a rejoint, aux côtés du docteur Jacqueline Véronique-Baudin et de Rémi Houpert de l’unité Recherche et développement en cancérologie, le Comité de pilotage du Hub des Registres du Cancer du GIRC dans les Caraïbes et participe aux réunions bimensuelles.
Vers une coopération accrue avec les territoires français d’Outre-mer
La prévalence des maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’hypertension, est un sujet de préoccupation majeur pour les États membres de CARPHA et les départements français d’Outre-mer de la région. Grâce au soutien de l’AFD, CARPHA a effectué deux missions en Martinique durant le projet. Des échanges techniques ont eu lieu avec l’ARS, le CHUM et les groupes de soutien aux patients de la société civile. Ces échanges offrent des opportunités, comme l'a montré l'adaptation locale par l'ARS Martinique de l'initiative CARPHA MOVES pour promouvoir l'activité physique : "La Martinique bouge".
La candidature de la Martinique à rejoindre la CARICOM représente un levier stratégique crucial pour la coopération régionale, notamment en matière de santé publique. Cette adhésion faciliterait l’échange de données, d’expertise et de bonnes pratiques entre la Martinique et les autres États membres de la CARICOM. Il permettrait également de participer activement aux initiatives régionales visant à relever les nouveaux défis sanitaires, tels que les épidémies et les maladies chroniques, en mettant en commun les ressources et en coordonnant les efforts.
Renforcer les liens avec CARPHA et d'autres territoires caribéens permettrait de développer des politiques de santé plus cohérentes et adaptées. Cela favoriserait l'innovation et des solutions sur mesure pour la région. Dans ce cadre, l'AFD et CARPHA continuent à renforcer leur partenariat pour répondre aux priorités de santé publique des Caraïbes.
Par Camille Guigonnet